La terre sous le béton
"Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église !"...disait le père Mathieu en extirpant tout fier un caillou de l'ornière. Je suis Pierre & Vacances et je bâtirai une pizzeria avec des dizaines de cages de luxe à touristes en batterie, une serre tropicale sous bulle, un parking géant au milieu d'une zone humide boisée encore intacte et d'une importance majeure dans l'équilibre hydrographique de toute une région menacée de sécheresse. Et je l'appellerai "Center Parcs" Ce sera en Isère à Roybon, lieu déshérité en emploi. Un fabuleux projet pensé puis parachuté depuis les tours d'un centre de décisions siphonneur de subventions publiques, lieu parfait pour faire rôtir l'andouillette béate, ramener un max de pépettes avec la bénédiction d'élus qui veulent des emplois de service même à mi-temps et sous la protection des archers de monsieur le Préfet ! Projet parmi d'autres et disproportionné, qui laissera, une fois le rêve épuisé, rentabilisation consommée, une nature en eau exsangue, peignée, ratissée, asphaltée et des employés inutiles sur la route de pôle emploi victimes de restructuration commerciale car les cottages à terme seront revendus.
Je sais c'est un peu long comme préambule.. mais pas aussi long que la lutte que France Nature Environnement Rhône-Alpes-Auvergne mène pour modérer les appétits d'ogre bouffeurs d'espaces et de terres agricoles, pour qui la nature est un immense parc de loisirs... Vacances et Pierre, au moins on avance pas masqué, tout est dit dans l’intitulé du groupe, le combat n'est pas fini ! Et comme il est écrit dans la bible, parfois même à Roybon à l’ombre du Vercors résistant...le petit David pourrait terrasser le puissant Goliath sous amphétamines. Il faut avoir des moyens. FNE AURA doit mener une bataille juridique, encore plus technique, encore plus dure que les précédentes. Elle a besoin de moyens, avis aux amateurs via leur site.
Roybon vous le savez bien n’est pas un cas isolé. Il y a des milliers d’hectares en France qui attendent d’être écrabouillés : entrepôts logistiques, contournements routiers des villes, Europacity en Ile-de-France...
On se bat aussi à Uzès, un projet de ZAC de 11 hectares que veut imposer la communauté de communes, le préfet doit donner bientôt son autorisation. Une folie de plus à l'heure de la transition dite écologique qui méprise les questions si vitales, de réchauffement climatique de la crise de la biodiversité, alimentaire, sociale parce qu'on dévitalisera le centre-ville, balafre des paysages. Lors de la dernière consultation : près 80 % de la population s'y est opposé avec des arguments solides. Le sol concerné recèle aussi une des terres les plus fécondes du Gard et les études indépendantes réalisées montrent l'inanité économique de ce type de zone commerciale.
Alors je veux bien : affichage d’un plan national biodiversité ambitieux mais dans un système où on laisse le renard – j’aime cet animal – renard armé d’avocats, d’entregents, de puissance bancaire, de chantage à l’emploi.
Quoi ? Baisse de la consommation en France, de la croissance mondiale ? Que nenni…vous n’allez pas croire l'OCDE, l'Insee…allez allez on trace le chemin du 15% de retour sur investissement, religion financière obligatoire enseignée dans toutes les bonnes écoles de commerce. Et à Roybon, Uzes, comme ailleurs, la terre sous le béton, sous le parking ne ment pas ! Notre-Dame-des-Landes priez pour nous !
Denis Cheissoux