La vigueur du marché du travail américain sans effet sur les salaires

La vigueur du marché du travail américain sans effet sur les salaires

Alors que les signes de ralentissement de l’économie américaine se sont multipliés ces dernières semaines, la publication des chiffres de l’emploi, vendredi 4 mars, a quelque peu rassuré les plus inquiets. Les Etats-Unis ont créé, en février, 242 000 emplois, selon les statistiques publiées par le département du travail. Ce chiffre est supérieur aux anticipations des économistes, qui tablaient sur 190 000 créations de postes. Il marque un rebond par rapport au mois de janvier au cours duquel 171 000 emplois ont été créés, le chiffre ayant été révisé à la hausse par rapport à l’estimation de 151 000 publiée il y a un mois.

Le taux de chômage officiel ne recouvre qu’une partie de la réalité

Bon an mal an, malgré les aléas de la conjoncture internationale, le marché du travail aux Etats-Unis fait preuve d’une certaine robustesse. L’économie américaine crée plus d’emplois qu’elle n’en détruit depuis les 72 derniers mois, une durée record dans l’histoire du pays, qui a permis de ramener le taux de chômage à 4,9 % de la population active. La favorite à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de novembre, Hillary Clinton, aura beau jeu de s’appuyer sur le bilan de Barack Obama, qui a débuté son second mandat en 2012 avec un taux de chômage de 8,3 %. La dernière fois que l’Amérique avait créé autant d’emplois, en 1998-1999, son mari était président.

Toutefois, on peut se demander pourquoi, avec de tels chiffres, on assiste dans le cadre de la campagne présidentielle à une montée du populisme censée traduire un certain malaise au sein de la population. En fait, la situation du marché du travail est plus contrastée qu’il n’y paraît. Candidat à l’investiture républicaine, Donald Trump ne cesse ainsi de marteler que l’emploi s’améliore, mais pas les salaires. Les chiffres publiés vendredi sont venus étayer la démonstration. Le salaire horaire moyen a même baissé de 0,1 % en février par rapport à janvier. La hausse sur les douze derniers mois a été ramenée à 2,2 %. On espérait un début d’embellie en janvier, avec une prometteuse augmentation de 0,5 % du salaire moyen, mais le soufflet semble être retombé.

« La stagnation des salaires est à la fois le problème économique et politique de notre époque »

La théorie selon laquelle le marché du travail se met sous tension au fur et à mesure que l’on se rapproche d’une situation de plein-emploi est aujourd’hui mise à mal. Malgré les 4,9 % de chômeurs, les employeurs semblent n’avoir aucune difficulté à recruter sans consentir des salaires supérieurs, indiquant que la pénurie de main-d’œuvre reste toute relative. « La stagnation des salaires est à la fois le problème économique et politique de notre époque », dit Neera Tanden, la présidente du Center for American Progress, un think tank progressiste.

La Fed en embuscade

En fait, le taux de chômage officiel ne recouvre qu’une partie de la réalité. Si l’on prend en compte les temps partiels subis – des personnes qui cherchent des postes à plein-temps, mais n’en trouvent pas –, le taux grimpe à 9,7 %. La bonne nouvelle, c’est que c’est 0,2 point de moins qu’en janvier. Par ailleurs, le taux de participation – la proportion d’Américains en âge de travailler, qui ont un emploi ou qui en cherchent un – remonte un peu en février, à 62,9 %, mais reste proche de ses niveaux des années 1970.

Autre caractéristique du marché du travail actuel : 80 % des emplois créés en février proviennent des secteurs qui payent le moins bien, qu’il s’agisse de la distribution (55 000), des restaurants et des bars (48 000) ou de l’éducation et de la santé (86 000). En revanche, l’industrie a de nouveau perdu 16 000 emplois sur la période. La chute est particulièrement sensible dans le secteur de l’extraction minière et énergétique, qui, depuis son pic de septembre 2014, a perdu 171 000 emplois.

Au regard de ce rapport contrasté sur l’emploi, la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) ne devrait pas se précipiter pour augmenter ses taux directeurs dès sa réunion des 15 et 16 mars. Mais pour Paul Ashworth, chef économiste chez Capital Economics, si l’amélioration se poursuit, la Fed « ne pourra pas retarder la hausse de ses taux beaucoup plus longtemps », tablant sur un mouvement dès juin.


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