L'Adieu au Palais
Le 31 août dernier, le général Jean-Louis Paccagnini, gouverneur militaire de la Zone de Défense Nord-Est, quittait ses fonctions. Presque l’ultime étape d’une longue et riche carrière dans l’Armée de terre, puisqu’il sera encore en poste à Paris pendant quelque mois. Avant de prendre ses « quartiers de retraite » en Bretagne. Lors d’une conférence de presse, il est revenu sur ce qui fait l’essence de son métier : la relation humaine.
« J’ai été très touché par les marques d’affection qui m’ont été témoignées ce matin, suite à la cérémonie d’Adieux aux Armes. Nous, militaires, sommes très sensibles au cérémonial. De voir présent le drapeau du 92e régiment d’infanterie, que j’ai commandé entre 2000 et 2002, a été très fort pour moi. Je remercie vraiment toutes les personnes présentes, de la société civile, institutionnelle, des représentants de la Mairie de Metz, de la Préfecture, de la Justice, de la Santé de l’Education… Vraiment, cela fait chaud au coeur… Surtout sous un soleil radieux ! Je sais que lorsque l’on part, on est paré de toutes les vertus… Mais je pense vraiment que tous ces témoignages étaient sincères ». Le général de Corps d’armée Jean-Louis Paccagnini a le caractère bien trempé, le recul, mais aussi l’humanité et la simplicité qui font la marque de ceux que l’on n’oublie pas…
Le 29 août dernier, la cérémonie qui s’est déroulée sur l’Esplanade à Metz, présidée par le général d’armée Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, marquait pour le général Paccagnini, le terme de 39 années de carrière militaire. Plus de 250 militaires issus de plusieurs régiments de la Zone Terre Nord-Est, des formations militaires et services interarmées de la Place de Metz étaient réunis afin de saluer son départ. Une carrière qui s’est donc achevée dans cette ville où il a pris, le 1er septembre 2015, les fonctions de gouverneur militaire de Metz, d’officier général de la zone de défense et de sécurité Est, de commandant de zone Terre Nord-Est et des forces françaises et de l’élément civil stationnés en Allemagne. Parallèlement à cette prise de fonction, il était élevé au rang de général de corps d’armée.
« Mon épouse Catherine et moi-même allons beaucoup regretter Metz, soulignait-il en préambule de la conférence de presse organisée à la suite de la cérémonie. Nous y avons été très bien accueillis il y a deux ans. La cité messine est une très belle ville, avec un patrimoine remarquable, marquée par l’Histoire. Comme la demeure dans laquelle nous nous trouvons où j’ai eu le grand plaisir d’avoir mes bureaux et d’habiter. Il y a pire comme caserne ! Nous partons nous installer en Bretagne, où nous possédons déjà une maison, dans les Côtes d’Armor, près de Perros-Guirrec. Le caractère bien trempé des Bretons n’étant d’ailleurs pas sans me rappeler celui des Lorrains ! Dont je ne comprends pas qu’on puisse dire que ce sont des gens froids ! » Le général Paccagnini est ensuite revenu sur ce qui fait l’essence même d’une carrière comme la sienne, démarrée comme sous-lieutenant, qui l’aura vu franchir un à un par tous les « échelons » pour en arriver au grade de général : le rapport humain. « On ne peut pas été un bon chef si l’on n’aime pas ses hommes, insiste-t-il. Nous tissons des relations fortes qui vont au-delà du lien hiérarchique. C’est une question de confiance. Il faut être capable d’amener ses hommes jusqu’au bout, y compris sur des zones de guerre. La mort d’un soldat est toujours quelque chose de difficile à accepter. Mais j’ai dû affronter quelque chose d’encore plus lourd moralement : le suicide de deux personnes sous mon commandement, à quelques années d’intervalle.… Dont une jeune femme exceptionnelle, mais dont les problèmes personnels étaient trop aigus ». Très ému, Jean-Louis Paccagnini raconte alors la culpabilité « de n’avoir rien vu ». « On doute de soi… souligne-t-il. Même si, malheureusement, le suicide est un mal endémique dans notre jeunesse. »… Le récent suicide d’un jeune soldat de l’Opération Sentinelle réveillant pour lui ces douloureux souvenirs.
Un vrai dialogue civilo-militaire
Le futur-ex gouverneur militaire est d’ailleurs revenu sur cette Opération Sentinelle, remise en cause par les « spécialistes », dont il explique qu’il est difficile de juger de la pertinence et l’efficacité. « Des gens m’ont déjà interpelé dans la rue, moi ou d’autres officiers, pour nous remercier de la présence de militaires. Cela rassure. Au-delà de cet aspect, l’opération sentinelle aura un mérite : recréer des liens Armée-Nation. Surtout, nous avons dû instaurer un dialogue civilo-militaire, avec la Mairie, la Préfecture,… Cela a été un véritable apprentissage. Ce dialogue, ce travail en commun, ont été riche d’enseignements. Car jusqu’aux événements de début 2015, l’Armée avait essentiellement un rôle de Protection civile, prêtant main forte en cas d’inondations, de tempêtes, avec la mobilisation de moyens opérationnels sur un temps courts. Avec les opérations type Sentinelle, nous avons dû agir comme lors d’une mission de guerre, pour protéger les populations. En revanche, ces missions au long cours ont souligné l’effet d’usure de nos moyens militaires, avec des matériels, des équipements parfois insuffisamment modernes ». Même s’il est soumis à un devoir de réserve pendant encore huit ans, Jean-Louis Paccagnini s’est prononcé pour une évolution du Dispositif Sentinelle afin qu’il soit « plus mobile, plus réactif ».
Depuis le 4 septembre, le général Paccagnini a rejoint le Ministère de le Défense, à l’Etat-major de l’Armée de terre, pour une mission de quatre mois, dans le cadre de la Réserve active. Puis il prendra la direction des Côtes de granit rose et de l’Océan Atlantique qui les borde. Et de citer Baudelaire : « Homme libre, toujours tu chériras la mer ».
De Saint-Cyr à Metz
Jean-Louis Paccagnini est né en 1958 en Algérie. Admis en 1978 à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, il rejoint l’Ecole d’application de l’infanterie à Montpellier en 1980. Nommé lieutenant, il rejoint le 24e Groupe de Chasseurs stationné à Tübingen en RFA de 1981 à 1986. Il est ensuite affecté au 16e groupe de Chasseurs de Saarburg (RFA) comme capitaine. Puis il rejoint l’école d’application de Montpellier en tant que formateur.
En 1991, il intègre l’Ecole supérieure de guerre dont il sort breveté en 1993. Il est alors affecté comme chef du bureau opérations-instruction du 19e groupe de chasseurs de Villingen (Allemagne). Nommé lieutenant-colonel, il prend le commandement d’un bataillon à Coëtquidan de 1995 à 1998 puis rejoint la garnison de Marseille au sein de l’état-major de forces n° 3. Lors de cette affectation, il sert pendant six mois dans les états-majors de l’OTAN déployés au Kosovo. A l’été 2000, il est nommé chef de corps du 92e régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand. Il est nommé colonel en octobre de la même année. Il est à nouveau projeté au Kosovo à Mitrovica pendant quatre mois à la tête de son régiment.
Son temps de commandement de chef de corps terminé, il est affecté à la Direction du personnel
militaire de l’armée de Terre. Il est ensuite désigné adjoint du chef de cabinet du chef d’état-major de de cette armée et enfin chef d’état-major de l’inspection générale. Promu général de brigade en 2009, il retourne à la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre toujours pour y occuper les fonctions de chef du service de gestion, puis à partir de 2012 à Tours comme adjoint du chef du service pilotage de la performance.
Au 1er septembre 2015, il est nommé gouverneur militaire de Metz, officier général de la Zone de défense et de sécurité Est, commandant de zone Terre Nord-Est et des forces françaises et de l’élément civil stationnés en Allemagne. Il est élevé à la même date au rang de général de corps d’armée.
Le général PACCAGNINI est officier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’Ordre National du
Mérite.
Encadré 2
Le palais du gouverneur, fief du Quartier impérial
Deux baignoires en fonte destinées aux ablutions de Guillaume II et de son épouse. Et encore, cette, dernière, personne fort corpulente, avait renoncé à s’en servir ! Voilà tout ce qu’il reste du mobilier initial qui occupait le palais que l’empereur allemand a fait construire, en 1902, lors de l’occupation de la Moselle. Car la majestueuse bâtisse de style néo-gothique a fait l’objet de nombreux pillages, notamment lors des deux guerres mondiales. Depuis elle a été remeublée grâce aux musées des Armées. Le palais, situé tout près de l’Arsenal et du Quartier Delattre de Tassigny, est aussi dénommé Hôtel du commandement. Il abrite le bureau du gouverneur militaire de la zone Nord-Est, ainsi que ses appartements de fonction. A l’extérieur un magnifique parc de deux hectares abrite des arbres rares, dont certains centenaires, qui font l’objet d’une charte de protection avec la Ville de Metz. Cette demeure emblématique de la cité se visite uniquement lors des Journées du Patrimoine qui auront lieu cette année les samedi 16 et dimanche 17 septembre.