L’agir entrepreneurial et l'Université !…
« N'allez pas où le chemin vous mène, allez au contraire là où il n'y a pas de chemin et laissez une piste. » Ralph Waldo Emerson
L’entrepreneuriat apparaît comme un processus d’envergure pour l’entreprise et l’économie. Il se trouve que ce terme-clé, si élégant !..., offre une diversité d’idées managériales permettant, primo, aux jeunes diplômés d’amorcer leur professionnalité avec beaucoup d’enthousiasme et secundo, au marché de solutionner ses problèmes structurels. Justement, la dynamique qui peut être créée par l’esprit entrepreneurial intéresse non seulement le secteur privé mais également les organisations publiques, bien que c’est l’intrapreneuriat qui soit réservé plus particulièrement aux structures centralisées et/ou hiérarchisées et dont les objectifs à atteindre ne sont pas forcément collégialement déterminés. Particulièrement, le management public reposant sur les théories nouvelles de gestion, soient-elles validées dans la pratique de quelques entreprises privées, contribue au développement des construits humains de différentes natures. L’entrepreneuriat est entre autres une façon de développer, mais sur la base d’une autre vision. Il s’introduit explicitement dans la littérature comme s’il est irréfutable de s’en servir pour résoudre tous les problèmes rencontrés par le monde des affaires et principalement pour faire face à la tracasserie de l’époque, à savoir le chômage des diplômés. D’ailleurs, tout le monde, de spécialités différentes, se propose de prendre la plume pour redorer le blason d’un concept nouveau et d’une spécialité méconnue…
Peut-on compter largement sur la logique entrepreneuriale pour garantir la création d’entreprises, le développement des entreprises en matière d’innovation et l’amélioration de la gestion des entités publiques par les initiatives et la créativité ? Et, si c’est oui, quid de l’université ?
L’université fait évidemment partie de la galerie qui a une farouche volonté de mettre en œuvre une stratégie entrepreneuriale dès son offre de formation jusqu’à sa contribution managériale et citoyenne dans la nation. Cette université qui est mise continuellement sous les phares de la société et de l’économie se trouve non seulement redevable du fait de résulter des personnes-citoyens utiles, utilisables et productrices, mais elle est désormais contrainte de dompter une population diplômée épargnant un esprit entrepreneurial parfaitement confirmé sur le tas et continûment valable autant que possible dans le secteur privé que dans le secteur public.
A l’instar de certaines expériences réussies, l’idée maîtresse est alors de créer une maison de l’entrepreneuriat au sein de l’université s’occupant en tant que structure et acteurs de l’émergence d’une idée nouvelle pour la conduire vers un « projet de projet » à structurer et à mettre en œuvre avec les incubateurs et les plates-formes d’initiatives. La pratique des « projets couveuses » repose sur un processus d’apprentissage impliquant toutes les structures internes du monde universitaire et les parties prenantes du milieu professionnel avec la participation qui se veut être porteuse des dispositifs socio-économiques. Il s’agit d’offrir aux étudiants, dès le début de leur cursus, et aux diplômés, aussitôt leur sortie, un environnement conditionné leur permettant d’assimiler la démarche juridico-financière et de brasser la paperasserie administrative quelques fois établie afin de créer, de monter, de gérer et de développer leur propre entreprise. La légende managériale crée à travers l’aspect académique et quelque simulation pratico-pratique des appétits pour la sensibilisation et l’accompagnement des étudiants, et toutes personnes non averses aux risques, au sujet de la pensée et de l’action entrepreneuriales. Il semble ainsi possible dans les amphithéâtres, avec le soutien de la maison de l’entrepreneuriat, d’apporter un surplus pédagogique et une approche traduisant l’image-vraie du marché, de l’économie et de l’entreprise. Les résultats : pourvoir des « entrepreneurschips ».
Une université consciente de l’action entrepreneuriale est une université qui « éduque » comment apprendre à travers les controverses sociétales et socio-économiques. Et, une université qui apprend devient inévitablement capable d’améliorer ses résultats aussi bien quantitativement que qualitativement. Il va de soi que l’efficacité du « fait universitaire » dépend pour une part importante de la compétence - qui est difficilement déterminée mais manifestement authentifiée - de son corps enseignant, de ses diplômés, de ses responsables et gestionnaires et de ses partenaires professionnels. C’est sans nul doute l’efficacité qui se met toujours en examen. Comme le champ d’action universitaire concerne toutes les parties intéressées, il serait peut-être plus pertinent de penser à une expérimentation collective qui engage l’acte d’enseigner, l’acte de comprendre et d’apprendre, l’acte de socialiser, l’acte de réfléchir et l’acte d’entreprendre. La dialectique qui existe entre la formation, en tant que processus du faire-savoir, et l’action, comme logique du savoir-faire, oriente le débat vers un autre terrain d’entente plutôt aplatit entre l’université et les différentes composantes de la société. Ce qui renvoie la réflexion vers la raison d’être du dispositif universitaire !...
Il est indéniable que la mesure de l’efficacité universitaire dans le sens large du terme ne peut plus s’effectuer en dehors du contexte socio-économique et au détriment d’une certaine légitimité managériale où la qualité des produits et des services rendus soit une aventure véridique, concrète, durable, perfectible et valorisable selon des normes internationales et des standards universels préservant une coloration culturelle qui soit localement distinguée et mondialement reconnue.
La maison de l’entrepreneuriat constitue un tournant dans la pensée managériale puisqu'elle va éloigner l’université de la passivité caractérisant auparavant ses structures et acteurs afin qu’ils se rapprochent de manières institutionnelle et formelle de l'esprit créatif et de l’innovativité tout en encourageant la création d’entreprises et la production continuée d’idées nouvelles. Cet organisme serait peut-être seul à même de forger une double complicité non oisive entre l’université et la société, d’une part, et d’autre part, entre l’université et l’économie. On comprend par conséquent le souci de réagir en même temps dans les espaces professoral et estudiantin puisqu’il occupe une place essentielle dans la société moderne.
Nettement, la stratégie entrepreneuriale cherche à cerner ce que fait, peut faire et doit faire l’université pour enfoncer sa citoyenneté et par conséquent identifier les principales activités académiques, scientifiques, éducatives, pédagogiques et managériales. Il s’agit de maîtriser une batterie de processus, de sous-processus, d'activités et d’actions de l'agir entrepreneurial que les structures et acteurs devront exercer tout au long de leur démarche. Dans le même ordre d’idées, la maison de l’entrepreneuriat retrace les différentes étapes du processus entrepreneurial, intrapreneurial et extrapreneurial et les différentes méthodes d'entreprendre. La capacité entrepreneuriale est aussi une compétence qui se cultive dans les salles et espaces d’enseignement. L’université en est évidemment pleinement responsable…
La question culturelle s’impose dans ce contexte de manière beaucoup plus musclée. Il ne faut pas agir à court ou moyen terme. L’entrepreneuriat fait partie du management stratégique permettant de dessiner une socialisation, dite aussi socialisation entrepreneuriale. Pour ce faire, l’université met à la disposition de l’économie, suite à une démarche constructive bien conçue, une catégorie de diplômés capable de créer leur propre entreprise et une autre catégorie techniquement chevronnée pour non seulement provoquer des initiatives mais également les soutenir, les étayer, bref, les gérer convenablement. Là encore, on envisage une coordination plus étroite entre toutes les personnes concernées par le développement du couple Université-Entreprise. Ce transfert de compétences dans les deux sens qui est au fait profitable pour les deux parties prétend, à côté de l’esprit entrepreneurial, un comportement social et professionnel conforme à l’éthique. C’est spécifiquement le comportement entrepreneurial qui est mis en exergue !... D’autant qu’il faut avoir les nerfs solides pour encaisser les risques précaires des affaires, il est préconisé à l’administration universitaire de pratiquer à l’interne une gestion participative quant à la détermination des priorités, des choix et des options en termes d’objectifs, d’identifier et de capitaliser rationnellement toutes les compétences disponibles, de favoriser une certaine autonomie, de responsabiliser les parties prenantes, de s’auto-évaluer et de pouvoir évaluer les écarts entre prévisions et réalisations d’une manière objective et scientifique, et de reconnaître le succès en sachant le garder le plus longtemps possible… L’entrepreneuriat est ainsi un processus garantissant à l’université sa mission, alors noble, de transmission des savoirs et sa vocation très stratégique, celle de la recherche scientifique, au sens de Schumpeter. L’originalité se traduit tout simplement par la mise en évidence d’une veille entrepreneuriale.
Somme toute, la culture entrepreneuriale que l’université s’engage à enraciner dans ses murs et un peu partout ailleurs favorise évidemment une politique motivationnelle conduisant les étudiants et les diplômés à enrichir leur patrimoine relationnel par des carnets d’adresses. Ces jeunes de l’université s’aperçoivent, après coup, capables de thésauriser un réseau de connaissances d’acuité et largement propice à soutenir leur projet et réaliser leurs idées… Déjà, les enseignants, les étudiants, les responsables et les gestionnaires universitaires sont eux-mêmes des vecteurs de triomphe pour l’agir entrepreneurial. Tous devront avoir un sacré courage pour sauter le pas… avec les partenaires … entrepreneurs, créateurs d’entreprises et la société entière…
Hichem Elloumi - Expert en Management Public