"Lament for the Children" de Carl André

Peut-être l'une des œuvres les plus émouvantes que l'on peut voir en ce moment à Paris, à la densité énigmatique selon ce qu'elle "monte" ensemble de l'architecture et de la sculpture, et que l'on dirait faite pour réveiller toute la réceptivité de nos corps, au passage, est "Lament for the Children" de Carl André montrée au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris dans l'exposition rendant hommage à cet artiste américain "Carl André: Sculpture as Place: 1958 - 2010". Cette œuvre me semble constituer un moment privilégié, culminant, de cette exposition, occupant le lieu le plus reculé du bâtiment et faisant lieu, ayant lieu justement pour la sorte de vérité de ce qu'il nous est possible de vivre et d'arpenter. On connaît l'"argument" de cette œuvre réalisée en 1976 dans une ancienne école new-yorkaise utilisée comme centre d'art, mais détruite puis recréée en 1996 à Wolfsburg en Allemagne: il s'agit, depuis cette "complainte des enfants", d'une mélodie écossaise funèbre pour cornemuse du XVIIe siècle, et il s'est agit pour Carl André de se ressaisir d'un geste par lui pensé comme très ancestral, immémorial, de rapport à la mort et de reconnaissance de l'omniprésence de la mort, de sa ritualisation assumée, dans la vie sociale des vivants et, j'ajouterais, au plus intime de leurs pensées.

Les (modestes) parallélépipèdes  de béton sont dressés afin de composer ou convoquer (faire allusion à) l'étendue vibrante d'un cimetière proposé comme un champ de forces poignantes, visuellement perturbant, puis devant lequel on finit par se tenir longuement debout et solidement sur ses jambes comme un Dernier Fils de l'Homme de passage par là...

Alors après, en face au Palais de Tokyo investit par Tino Sehgal, les seules œuvres sculpturales apparaissant sont les formes qu'en parlant les hommes et les femmes de tous âges et de toutes conditions impriment à l'air et composent dans l'Air du Temps (le Zeitgeist plus ou moins tragique des choses en cours) en déambulant vers eux seuls. 

(Pas d'image disponible, toute photographie de l'exposition de Carl André étant interdite, même des cartels explicatifs. L'exposition est visible jusqu'au 12 Février 2017) 

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