L’AMO –art114 : Disposition à maintenir!
Le remboursement des soins de santé est le second poste en importance des prestations de sécurité sociale au Maroc et je crois que peu de personnes se rendent compte de l’importance relative du second poste par rapport au premier. En 2021, les pensions totales payées dans le régime des salariés des deux secteurs s’élevés à 53 milliards de dhs Alors que les prestations de santé du même régime s’élevaient à 15 milliards de dhs. Avec le projet d’extension de la protection sociale ce montant est appelé à doubler voir même à tripler à long terme.
Pour le dire autrement, quand on paie 100 Dhs de pension, on paie plus de 22 dhs de soins de santé et à l’avenir ce poste passerait à 66dhs !
C’est-à-dire l’importance de la maitrise de ce dernier poste dans le financement de la sécurité sociale et c’est se poser la question de savoir si les craintes l’on a sur la possibilité de payer dans l’avenir les pensions publiques ne doivent pas s’étendre également au système du remboursement des soins de santé.
Une comparaison internationale :
Il faut savoir cependant que le Maroc n’est pas un des pays qui se trouvent en tête en matière de santé. Les pays européens dépensent 8% à 9% du PIB contre 11% aux états unis. On sait que le système est presque privé dans ce dernier pays, ce qui montre que le remplacement d’un système d’assurance sociale par un régime d’assurance privé ne conduit pas nécessairement à une diminution des charges et que tout une série d’autres éléments influencent le choix public/ privé dans ce domaine.
Il faut d’ailleurs noter aux états unis une tendance accélérée au recours à un système hybride, les HMO (Health Maintenance Organisation) qui ressemblent à des mutualités, passant des accords avec des prestataires de soins à fin de limiter les couts de traitements.
Il n’empêche que pour diverses raisons le secteur privé de l’assurance devrait connaitre un développement dans le secteur des assurances soins de santé conduisant, comme pour les pensions, à une structure en trois piliers : la sécurité sociale complétée par des régimes collectifs ou individuels d’assurance.
Tout ceci montre qu’une place considérable est à prendre par le secteur privé de l’assurance dans le secteur des assurances hospitalisations et soins de santé.
Les limites de la privatisation :
Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, dans ce domaine, comme dans d’autres secteurs de la sécurité sociale, un désengagement de l’état est à exclure socialement. Un des avantages majeurs des assurances sociales est d’empêcher une sélection trop importante des risques d’une part et maintenir l’accès à des soins de qualité, même aux plus démunis.
L’assureur privé va normalement pratiquer une segmentation, c’est-à-dire, qu’il va essayer de ne garder que les bons risques en éliminant les mauvais risques et il va faire varier sa prime en fonction précisément de la qualité des risques couverts. De même il sera normalement insensible aux idées de solidarités qui devraient faire payer des primes proportionnellement plus importantes aux revenus les plus élevés.
L’assurance privée doit-elle normalement entrainer une segmentation poussée des risques et le rejet de toute solidarité ? La réponse à cette question est négative car là où le secteur public s’est désengagé en matière d’assurance soins de santé on a simultanément étudié les règlementations s’appliquant aux régimes de substitution, limitant l’effet de segmentation et maintenant un principe de solidarité dans le calcul des primes. Les exemples le plus frappants de cette façon de voir sont l’article 114 de l’AMO au Maroc et le plan DEKKER aux pays bas.
En effet, la loi 65-00, instaurant l’AMO, a autorisé, via son article 114, les entreprises assurés auprès des compagnies d’assurance, de maintenir leur couverture pendant une période transitoire. le directeur général de la CNSS avait annoncé 2021 juste après sa nomination à la tête de cette institution 2024 comme échéance de basculement.
Structure des régimes privés :
Il n’empêche que déjà actuellement le besoin de couverture complémentaires soins de santé se fait sentir au Maroc et en Afrique d’une manière générale.
On peut déjà recourir à des produits collectifs, dans le cadre d’assurances de groupe ou même de groupements, ou des assurances purement individuelles.
Les remboursements peuvent :
· Forfaitaire, prévoyant par exemple le paiement d’un montant fixé au contrat pour chaque jour d’hospitalisation, montant fixé indépendamment des frais réels, permettant de couvrir une série d’autre dépenses. ce genre de couverture est souvent proposé dans des campagnes publicitaires ou des prospections par courrier prévoyant l’absence de tout délai de carence ou de toute formalité médicale en de réponse dans un certain délai.
· Également forfaitaire, c’est-à-dire toujours no lié aux frais réellement exposés et exprimés et exprimés sous forme d’un supplément au remboursement au remboursement de la sécurité sociale, par exemple suivant l’acte médical 50 ou 100% en plus du remboursement de la sécurité sociale.
Je ne pense pas cette façon de procéder est pratique au Maroc alors qu’elle est la méthode la plus courante en France, dans le régime dites de prévoyance qui couvrent des prestations décès invalidité et frais médicaux en faveur de personnel salarié d’entreprises. et sans doute cette façon de procéder et le caractère obligatoire de ces régimes de prévoyance qui expliquent l’importance des primes d’assurances soins de santé en France.
· Indemnitaire, c’est-à-dire que le remboursement de l’assurance de base/complémentaire est égal au plus 100% des dépenses réellement exposés/ sous déduction du remboursement déjà effectué par le régime de base. C’est le régime le plus répondu et qui est appelé à se développer d’avantage au Maroc.
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La situation actuelle :
Comme je viens de le dire, les régimes en Afrique sont indemnitaire et prévoit en cas d’hospitalisation le remboursement de x% (en général avoisine 100%) de la partie de frais qui n’est pas remboursé par la sécurité sociale. Ce genre de contrat prévoit une franchise annuel le par assuré ou par foyer avec également un plafond d’intervention annuel. La plus part des contrats collectifs au niveau des entreprises sont souscrite sur cette base .
En général une garantie maladie grave est également souscrite qui prévoit en plus de la garantie hospitalisation le remboursement des frais de médecine ambulatoire si les frais occasionnés par l’une ou l’autre maladie grave reprise dans une liste figurante au contrat :
Cancer, leucéanie , tuberculose, sclérose en plaques….
Les formules connues aux états unis sous le nom de « Major Médical » qui en absence d’une couverture sociale généralisée couvrant des frais médicaux aussi bien out- que in hospital quelle qu’en soit leur cause.
Il faut d’ailleurs savoir que le comportement des individus pourrait, qu’il s’agisse des assurés, des bénéficiaires ou des prestataires de soins, être fortement influencé par l’existence de telles couvertures complètes. Certains se demandent d’ailleurs si ce n’est pas l’existence de ces couvertures aux états unis qui explique les 11% des PIB consacrés dans ce pays aux soins de santé.
Seule une prise en charge partielle de certaines prestations par l’assuré lui-même est un frein efficace à un développement incontournable des assurances soins de santé …. Il ne faut pas tenter le diable.
La situation au niveau des entreprises :
De nombreuses entreprises ont souscrit des contrats de ce genre en faveur des membres de leur personnel. Ces contrats dont les primes sont payés par l’employeur, peuvent également couvrir les membres de la famille.
Ii arrive parfois que l’employeur ne prenne à sa charge que les primes concernant le travailleur lui-même, celui-ci prenant en charge, s’il souhaite les couvrir, les primes concernant les membres de sa famille.
Pour fixer les idées, une prime normalement actuellement sur le marché pour une franchise nulle et une intervention limiter à 3 fois le remboursement de la sécurité sociale, s’élève à 75% du smig pour une personne adulte et la moitié pour un enfant.
En général ces contrats prévoient une limitation du montant remboursable à plafond. Ces limitation sont introduites à fin de tempérer les excès possibles des prestataires de soins.
D’après certaines informations, les assureurs seraient enclins à diminuer encore quelques peu ces limitations, en les ramenant à des montants plus faible en vue d’améliorer encore leur protection contre les excès.
Lorsque le contrat couvre un nombre important de personne, il est possible de négocier avec les assureurs des conventions « d’expérience rating » prévoyant la ristourne à l’employeur d’une partie de solde bénéficiaire éventuel fait par l’assureur. Il y a également une certaine tendance à évoluer vers les contrats du type « cost-plus » qui prévoient que la prime déterminée à la fin de l’exercice sera égale aux sinistres effectivement payés et réservés plus un chargement pour frais de gestion.
Maintien de la couverture :
Un système non résolu systématiquement pour les contrats collectifs est celui de la continuité de couverture au moment où un assuré change d’employeur ou lorsqu’il part à en préretraite ou à la retraite, ainsi d’ailleurs qu’en faveur de ses ayants droits en cas de décès. Sauf convention contraire, les contrats collectifs prévoient en général dans ces cas la cessation pure et simple de la couverture et ce n’est pas socialement acceptable.
« La couverture pour e genre de contrat devrait être viagère et qu’au de départ de chez l’employeur la couverture pouvait être maintenue sans visite médicale, à condition que l’assuré continue à payer des primes que l’assureur pouvait calculer éventuellement à son tarif individuel.
En ce qui concerne les sorties de service par contre, s’ils ne sont pas préretraités ni retraités et toujours sauf convention contraire, ils perdent toute couverture au moment de leur départ, sauf en retrouver une auprès d’un nouvel employeur.
Il ne faut pas oublier que c’est au moment de la retraite que maintien d’une couverture complémentaire soins de santé prend toute sa valeur, ce qui montre bien l’importance de voir les contrats précisent clairement la dite couverture.
Dans un but de solidarité entre les actifs et les retraités, limite l’écart de prime entre ces deux catégories d’assurés.
La population bénéficiant des dispositions de l’article 114 dans le secteur privé est de 1 271 631. La part des assurés actifs bénéficiant des dispositions de l’article 114 par rapport aux assurés actifs du secteur privé déclarés auprès de la CNSS a été de 17,4% en 2018 et est passée à 14,4% en 2021. La part de leur assiette de cotisation par rapport à l’assiette globale du secteur privé déclarée à la CNSS est passée de 35,9% en 2018 à 31,3% en 2021
Conclusion :
Je pense que l’article 114 de l’AMO traduit le génie du législateur Marocain qu’il faut maintenir au-delà 2024, en effet la croissance des dépenses de soins de santé et les prestations versées par des régimes de base progressent plus vite que l’assiette des cotisations. Donc, La privatisation partielle de l’assurance soins de santé peut contribuer à la maitriser la charge globale que ceux-ci représentent pour la collectivité.
Sans entrer dans trop de détails, je pense qu’aussi au niveau des frais de gestion que des économies substantielles soient possibles, en effet, un meilleur contrôle des dépenses, notamment par la conclusion des conventions comme HMO américains avec les prestataires de soins, ou à la délégation de la gestion aux TPA, pourrait entrainer des réductions substantielles des charge. A concilier avec les exigences de solidarité et des limitations de la segmentation.
Gérant du cabinet Mditerranean Consulting Services
1 ansJe partage parfaitement l'analyse pertinente de mon ami Mr Chakib Abouzaid. Le système doit être clarifié et expliqué comme il se doit. Car, il y a des points confus. Je donne l'exemple de certains cliniques qui exigent toujours des chèques de garantie avant la prise en charge des malades, et des sociétés d'assurances qui limitent leurs engagements à des plafonds ridicules pour les grosses opérations chirurgicales et les grandes maladies. Tout doit être mis à plat pour parvenir à une couverture totale comme souhaité par notre Auguste Roi, que Dieu le glorifie.
General Arab Insurance Federation (GAIF) General Secretary
1 ansAFIFI Mohamed merci pour cet article très intéressant. Je ne suis pas très au courant des méchanismes de couverture maladie au Maroc. Je voudrais juste faire remarquer que des pans entiers supposés être couverts par l’assurance maladie, n’en bénéficient pas , l’état des prestations, la qualité de service et la corruption, exercent un effet de repoussoir. Quand on a les moyens, on se fait soigner dans le privé et peu importe si on se fait rembourser ou pas. Faut-il pour autant « jeter le bébé avec l’eau du bain? » A mon humble avis, non ; une première tranche obligatoire de couverture pour tous les marocains me paraît une excellente chose, à la condition su’elle donne accès au services du privé. Au dessus, une deuxième tranche, à la charge des employeurs et des salariés, sera la bienvenue. Les assureurs devront pouvoir offrir leurs produits à toutes les CSP. Une 3ème tranche qui existe déjà ( plafond élevé, maladies graves et international), pour revenus élevés pourra être aussi un gisement de primes pour assureurs, à condition qu’à tous les niveaux, on pratique une tarification technique et un contrôle très strict pour réduire la fraude. Il y a dans le monde arabe des expériences qui méritent d’être étudiées (KSA, EAU…).