L’analyse de cycle de vie ou comment étudier les mille et une façons de bousiller la planète (et comment l’éviter)
Carbon Tunnel Vision, Jan Konietzko

L’analyse de cycle de vie ou comment étudier les mille et une façons de bousiller la planète (et comment l’éviter)

« Tu préfères avoir des dents en bois ou une jambe en mousse ? ».

C’est par cette citation du génial Pierre Palmade que nous pourrions résumer les choix qui doivent être faits lorsque l’on réalise une analyse de cycle de vie.

Parce que oui, c’est peut-être un scoop pour certains d’entre vous, mais tout a un impact. Même privilégier la marche à pied à un trajet en voiture (usure des chaussures, calories fournies par l’alimentation du marcheur, fabrication des trottoirs…).

Produire, consommer : chacun de ces processus, même pris sous l’angle d’un engagement militant aura des répercussions sur l’environnement.

La différence entre ces impacts est avant tout une question d’échelle et de nature des impacts (certains impacts peuvent même être considérés comme « positifs » d’un point de vue anthropique).

Pourtant, entre les annonces de « nouveau SUV zéro émission » ou de « l’avion vert à hydrogène », difficile parfois de distinguer la communication honnête du greenwashing (qui ne manquera pas de se faire joyeusement dézinguer par Bon Pote ou Pour un Réveil Ecologique dans le cas d’une pub de cette nature).

No alt text provided for this image

Promis, ce SUV a zéro impact !

C’est là que l’analyse de cycle de vie intervient.

Commençons par la définir : l’analyse de cycle de vie est une méthode d’évaluation globale et multicritères des impacts environnementaux. Tous les mots sont importants.

« Globale » parce qu’elle considère l’ensemble des phases de la vie d’un produit, soit :

  • L’extraction ou la production de ses matières premières
  • Sa fabrication
  • Sa logistique (amont et aval)
  • Son utilisation
  • Sa fin de vie

No alt text provided for this image

Autrement dit, pour créer un produit environnementalement vertueux, il ne suffit pas de déplacer les impacts depuis une phase de ce cycle vers une autre, mais bien de réduire l’ensemble de la boucle.

Le passage des véhicules thermiques aux véhicules électriques en est un exemple classique des plus probants : lorsqu’elle roule, une voiture électrique n’émet pas de CO2. D’où l’appellation galvaudée « zéro émission ».

En revanche, le reste de la voiture et sa batterie ont quant à eux nécessité de l’énergie et des matériaux pour être produits, induisant ainsi des émissions de CO2 et de la consommation de matière.

Vous en êtes probablement déjà informés : le type d’électricité utilisé pour recharger un véhicule électrique a lui aussi un fort impact sur son empreinte carbone. Une électricité au charbon aura un impact bien supérieur à celui d’une électricité produite à partir de centrales nucléaires ou de renouvelables.

In fine, pour peu que vous amortissiez la voiture sur une durée assez longue, le recours à un véhicule électrique a bien une empreinte carbone plus faible (dans la majorité des cas) que son homologue thermique (voir de nombreuses études sur le sujet, par exemple celle de Carbone 4)

Ouf !

No alt text provided for this image

Cependant, nous n’avons parlé jusqu’à maintenant que de CO2. Or, il existe beaucoup d’autres manières d’avoir un impact sur l’environnement

L’ACV est ainsi une méthode « multicritères » et là encore le bât blesse : si les engagements de neutralité carbone se multiplient, il est assez rare de voir des déclarations portant sur d’autres indicateurs (dont certains se retrouvent néanmoins dans les ODD de l’ONU). A titre d’exemple, la méthode « Environmental Footprint » fréquemment utilisée en ACV inclut 16 (!!) critères d’impact.

Voici donc un petit tour d’horizon des mille et une façons de bousiller la planète.

1) Le changement climatique

Je ne vais pas vous en mettre des tartines, si vous êtes là c’est que vous connaissez vraisemblablement le sujet. Pourtant, la définition d’un indicateur représentatif du changement climatique n’est pas si triviale que ça en a l’air.

« Bah si, c’est le CO2 ! » aurez-vous peut-être envie de me dire. Certes, mais sachez qu’il existe des dizaines de gaz à effet de serre. Les seconds couteaux (après le CO2) sont le méthane et le protoxyde d’azote, principalement produits par l’agriculture.

« Eh ben il suffit de les ajouter ! ». Pas si vite moussaillon ! C’est là que ça devient complexe. Chacun de ces gaz a à la fois une durée de vie dans l’atmosphère et une puissance radiative qui lui est propre. En combinant les deux, on obtient le pouvoir de réchauffement global.

No alt text provided for this image

C’est sympa, il y a des couleurs, mais je comprends rien à ce graphique (Source)

Ceux qui voudraient avoir des précisions sur ce qu’est le forçage radiatif peuvent aller lire mon article « Comment expliquer le réchauffement climatique à ma famille en 5 minutes » ou mieux, participer à une fresque du climat.

Nous voilà donc devant un problème pas si simple à résoudre : on voit sur le graphique ci-dessus que le méthane (CH4) a un forçage radiatif près de 100 fois supérieur à celui du CO2, mais disparaît également plus rapidement de l’atmosphère. Selon la durée considérée, émettre l’un ou l’autre s’avère plus ou moins pénalisant. Dans la quasi-totalité des cas, le pouvoir de réchauffement est exprimé sur une durée de 100 ans. Avec cette hypothèse, le méthane est 28 plus pénalisant que son homologue, le protoxyde d’azote 265 fois (les ratios peuvent changer légèrement en fonction des méthodes de comptabilité).

En ACV, tous les gaz à effet de serre sont donc exprimés en gCO2 équivalents, en fonction de leur pouvoir de réchauffement respectif.

2) La déplétion en ozone

L’ozone doit forcément vous évoquer quelque chose : le fameux trou dans la couche d’ozone a fait suffisamment parler de lui pour qu’on en garde au moins un vague souvenir. Ce trou avait en effet le mauvais goût de ne plus filtrer les rayons ultraviolets du soleil, pouvant induire des cancers de la peau ou des brûlures de la rétine.

No alt text provided for this image

Chérie, t'oublie pas la crème solaire ? (Source)

Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi on n’en entendait plus vraiment parler de nos jours ? La raison est simple : à l’inverse du changement climatique qui risque de nous occuper pendant un moment, les chlorofluorocarbures (ou CFC pour les intimes) responsables de la déplétion en ozone ont une durée de vie assez courte dans l’atmosphère. Par ailleurs, ces gaz sont utilisés de façon marginale en tant que réfrigérants ou nettoyants industriels et ne constituent pas une ressource aussi cruciale que ne peuvent l’être les hydrocarbures.

Cela ne signifie pas que nous sommes tirés d’affaire, mais au moins l’histoire a montré que nous étions capables d’agir pour traiter ce problème. La coalition mondiale qui a permis d’arriver à des réglementations permettant d’interdire l’utilisation de ces CFC fait d’ailleurs partie des exemples mentionnés dans la mise à jour de 2004 de Limits to Growth (dont vous trouverez un résumé ici).

La mauvaise nouvelle, c’est que ces CFC ont en grande partie été remplacés par des HFC qui ont eux un impact … sur le climat (avec un pouvoir de réchauffement global de l’ordre de 10000 fois celui du CO2)… ou comment déplacer le problème.

3) La toxicité pour l'homme

La méthode Environmental Footprint inclut deux indicateurs de toxicité humaine : ceux liés à l’apparition de cancers et ceux liés à d’autres types de maladies. Dans les deux cas, on mesure l’augmentation estimée de la morbidité de la population par quantité de matière émise.

Si vous pensiez que « la santé ça n’a pas de prix », eh bien rassurez-vous, elle en a bien un. C’est même l’objet de la méthode Environmental Pricing (une méthode alternative utilisable en ACV) que de chiffrer les coûts engendrés par ces externalités.

L’évaluation des critères de toxicité fait partie des indicateurs les plus mal maîtrisés, notamment car il est difficile de connaître l’impact long terme sur la santé d’un grand nombre de produits. Il est hélas fréquent qu’on les découvre après des décennies d’utilisation intensive (par exemple l’amiante).

No alt text provided for this image

4) Les particules fines

Vous entendez sans doute parler fréquemment de cette catégorie d’impact sans le savoir, notamment lors des épisodes de pics de pollution, que ce soit sur le périphérique, les autoroutes ou dans les villes.

No alt text provided for this image

-20km/h ? Jamais de la vie, ça empiète sur mes libertés individuelles !

L’unité de référence qui a été choisie correspond à l’augmentation des maladies respiratoires par les PM 2.5 (c’est-à-dire les particules de moins de 2.5µm, particulièrement insidieuses puisqu’elles peuvent pénétrer jusque dans les alvéoles de nos poumons).

Celles-ci proviennent essentiellement du trafic routier (fumées de combustion, plaquettes de frein et pneus), du chauffage (au bois notamment) et de l’industrie. Certaines estimations font état d’environ 42000 décès par an en France à cause de ces particules, soit du même ordre de grandeurs que la mortalité liée au Covid en 2021. Pas une paille donc !

Et comme souvent, ce sont hélas souvent les personnes les plus fragiles (enfants et personnes âgées qui trinquient en premier).

No alt text provided for this image

J'aime l'odeur des PM 2.5 au petit matin

Ce qui est paradoxal, c’est qu’une partie d’entre elles agissent également comme des aérosols ayant un effet négatif sur le forçage radiatif à l’origine du réchauffement climatique. Là encore, je vous invite à participer à une fresque du climat pour bien comprendre pourquoi. De là à se dire que ça pourrait être une solution pour le climat, il n'y a qu'un pas... que certains essaient de franchir

5) Les radiations ionisantes

Vous vous en doutez, le nucléaire a quelque chose à voir là-dedans. Il est cependant à noter qu’une grande partie des rayons ionisants auxquels nous sommes exposés sont d’origine naturelle. Sauf en cas de catastrophe nucléaire, les fuites sont en général très limitées (même s’il en existe forcément). Elles sont prises en compte et exprimées comparativement au rayonnement de l’uranium 235 dans l’air.

6) La formation d’ozone photochimique

Il s’agit de la transformation de polluants chimiques (les oxydes d’azote ou NOx, bien connus dans le monde des transports, ainsi que les composés organiques volatils ou COV) en ozone troposphérique (O3) sous l’action des rayons ultraviolets du soleil. Ce qui est amusant, c’est que pas assez d’ozone dans la stratosphère (cf. 2) est mauvais pour la santé, mais trop d’ozone en basse altitude (la troposphère) également. Cerise sur le gâteau, c’est aussi un gaz à effet de serre…

Si vous habitez dans une grande agglomération, il est vraisemblable que vous ayez déjà été confronté à des épisodes de fortes concentrations en ozone, à l’origine de la formation de « smogs », c’est-à-dire de nuages de pollution atmosphérique.

Je ne parle même pas des Chinois pour qui ces épisodes constituent une routine… Au-delà de considérations climatiques (pas si terribles puisque leur électricité est principalement produite à partir de charbon), c’est l’une des raisons principales qui motive leur gouvernement chinois à soutenir l’électrification des véhicules.

No alt text provided for this image

C'est beau Shangaï, pas vrai ?

7) L’acidification des sols et des rivières

L’absorption de CO2 atmosphérique constitue la source majeure d’acidification des océans, mais l’émission de polluants tels que les oxydes d’azote (toujours les NOx) et les oxydes de soufre (provenant en bonne partie des raffineries de pétrole et de la combustion des fiouls lourds des bateaux de transport de fret et de croisière) joue également un rôle notable.

No alt text provided for this image

Bienvenue en Corse, son air pur, son eau limpide... euh non rien

Là encore, les aficionados de la fresque du climat connaissent les conséquences de cette acidification : un PH acide rend difficile la formation de coquilles calcaires, notamment pour des petits organismes à la base de la chaîne alimentaires marine (les fameux ptéropodes et coccolithophores).

Bien que sérieuse, l’acidification des océans n’est aujourd’hui pas considérée comme étant une limite planétaire dépassée (heureusement, car il commence à il y en avoir de moins en moins). En revanche, celle liée au cycle de l’azote l’est assez largement : il y en a beaucoup trop dans l’eau, particulièrement près des côtes, ce qui induit des problèmes d’eutrophisation (magnifique transition avec le prochain chapitre !)

No alt text provided for this image

Mireille, c'est pas bon signe tout ce rouge, si ?

8) L’eutrophisation des mers, des sols et des cours d’eaux

Savez-vous grâce à quoi poussent la plupart des légumes qui arrivent dans votre assiette ? Du soleil et de l’eau ? Certes, mais l’agriculture intensive, celle capable de nourrir près de 8 milliards d’êtres humains, cache un sérieux revers de la médaille : les champs doivent être constamment alimentés en nitrates et phosphates pour pousser.

Un sol normalement constitué possède déjà ces éléments chimiques nécessaires à son bon fonctionnement (les fameux NPK pour les plus jardiniers d’entre nous). Malheureusement, parce qu’une grande partie des sols du monde sont biologiquement en piteux état (demandez aux vers de terre ce qu’ils en pensent) et parce que nous devons nourrir un nombre toujours croissant de terriens, ces engrais sont utilisés en quantité astronomique dans les champs.

Au-delà du fait que les réserves de phosphate fossile ne sont pas inépuisables (les stocks actuels sont estimés à 100 ans d’utilisation), il existe un autre problème majeur lié à l’utilisation de ces molécules : l’excès. Comme le dit l’adage « c’est la dose qui fait le poison ». Or, les sols étant incapables d’assimiler la quantité d’engrais que nous lui injectons, une bonne partie se retrouve dans les cours d’eau, les nappes phréatiques et les océans.

Il se trouve que les plantes des champs ne sont pas les seules à apprécier ces molécules : les algues aussi en raffolent. Celles-ci se mettent alors à proliférer à la surface de l’eau, empêchant les rayons lumineux de passer et consommant l’oxygène présent lors de leur décomposition. Cela crée ainsi des zones « mortes », c’est-à-dire sans aucune autre forme de vie possible. On parle de 245000 km2 dans le monde, soit l’équivalent de la moitié du territoire français. Ce nombre a triplé depuis les années 1960…

L’azote utilisé peut soit être produit de manière synthétique à partir de celui présent dans l’air (qui rappelons-le, en contient près de 80%), soit provenir du lisier des animaux d’élevages. Les Bretons savent de quoi il en retourne, il suffit de voir l’effet de l’élevage de cochons sur leurs littoraux :

No alt text provided for this image

Maman, pourquoi il y a de la salade sur la plage ?

9) L'utilisation des sols

Cet indicateur est beaucoup plus complexe qu’il n’en a l’air. Initialement, celui-ci désignait simplement la superficie de sol transformé depuis un état brut (prairie, forêt…) vers un état artificialisé (construction) ou cultivé (champs).

Depuis quelques années, il considère plus généralement le niveau de qualité des sols et son impact sur la biodiversité. Il s’exprime en PDF.m2.an, où PDF signifie « potentially disappeared fraction » (pourcentage potentiellement disparu). Autrement dit, cet indicateur tient compte à la fois de la perte directe de biodiversité, la surface concernée et la durée pendant laquelle cet impact persiste. Convertir une prairie en champ cultivé aura par exemple un impact moindre par rapport à la transformation de la même surface en parking, la nature poussant en général plus difficilement sur du goudron.

L’occupation des sols est un phénomène assez mal connu et pourtant essentiel pour la préservation de la planète. Les méthodes d’analyse du cycle de vie n’incluant pas de suivi direct des impacts sur la biodiversité, c’est l’indicateur qui s’en rapproche le plus. Mais il est aussi à prendre en considération dans la capacité de production alimentaire de nos sols. En effet, l’érosion des sols constitue un des paramètres pris en compte dans le modèle World3 présenté dans les Limites à la croissance. C’est l’une des principales causes de baisse de la quantité de nourriture alimentaire par habitants dans leurs simulation (et donc de baisse de la population également) :

No alt text provided for this image

Jusqu'ici tout va bien...

Figure 13 Jusqu'ici tout va bien...

L’utilisation des sols est liée principalement à deux phénomènes :

-       La déforestation, permettant de créer de nouvelles zones de cultures. L’exemple le plus criant concerne le Brésil, qui grignote chaque année des morceaux d’Amazonie, notamment pour y installer des champs de soja. Il serait cependant trop facile de dire que c’est la faute de Bolsonaro, étant donné que ce soja sert en partie à nourrir le bétail européen. Pensez-y la prochaine fois que vous mangez une côte de bœuf !

-       L’expansion urbaine. Avec l’augmentation de la démographie, le besoin en logements se fait de plus en plus pressant. Les villes d’étalent, d’autres voient même le jour à une vitesse vertigineuse, notamment dans les pays en développement. C’est l’avènement des banlieues. Or, cet étalement urbain n’induit pas seulement la construction de nouvelles habitations. Il faut aussi prévoir l’installation de nouveaux commerces, de nouvelles infrastructures, de nouvelles routes, pour que les habitants puissent y vivre correctement. En France, le rythme d’imperméabilisation augmente même plus vite que la démographie (source) ! Il va pourtant falloir redresser sérieusement la barre puisque la loi Climat et Résilience impose un objectif de « zéro artificialisation nette » en 2050.

Cet étalement est intrinsèquement lié à la facilitation de l’accès à la mobilité : plus les transports sont rapides et plus il devient possible d’habiter loin de son lieu de travail, sans pénaliser la durée des déplacements.

No alt text provided for this image

C’est ce qui s’appelle « marquer son territoire » ! Yiwu (Chine), source

10) L’écotoxicité pour l’eau douce

Cet indicateur évalue la fraction d’espèces potentiellement affectées par une unité de masse d’éléments chimiques émis dans une unité de volume sur une durée annuelle (phrase à lire doucement). La plupart des industries nécessitant de grandes quantités d’eau, la nature de leurs rejets a un impact direct sur la biodiversité.

Vous vous souvenez peut-être de certains scandales liés à des émissions a priori involontaires de produits toxiques dans l’eau. Citons par exemple le cas de Nestlé, poursuivi en justice pour un débordement d’une de ses stations d’épuration (au sein d’une usine de fabrication de lait en poudre) ayant entraîné la mort de milliers de poissons.

No alt text provided for this image

Cette semaine, -50% sur tout le rayon poissonnerie ! Source

Ce cas de figure correspond néanmoins à un cas accidentel, là où l’ACV s’intéresse plutôt à un fonctionnement « normal » d’un système de production.

11) L’épuisement des ressources en eau

Comme cela a été indiqué en introduction, les impacts environnementaux considérés en ACV sont considérés à l’échelle globale. Autrement dit, les disparités locales ne sont pas prises en compte. C’est particulièrement problématique pour cet indicateur, puisqu’une même consommation d’eau peut avoir des conséquences très différentes selon l’endroit où elle est prélevée.

Pour rappel, l’eau douce ne représente que 3% du volume d’eau total disponible sur Terre et près de 99% de cette eau douce est sous forme de glace ou disponible dans le sous-sol. Autrement dit, les ressources en eau potable « exploitables » représentent une fraction infime de la quantité totale.

Par ailleurs, cet indicateur ne considère que l’« eau bleue », c’est-à-dire celle qui coule de votre robinet, qui provient des lacs, rivières ou nappes phréatiques. Elle est utilisée pour des usages domestiques, industriels et agricoles.

A l’inverse, l’eau verte désigne quant à elle l’eau de pluie stockée dans le sol. Elle est donc indispensable à la croissance des plantes. Il s’agit de la dernière limite planétaire dépassée à date.

La disponibilité de l’eau douce est évidemment aggravée par le changement climatique, mais aussi par des prélèvements des nappes phréatiques supérieurs à leur capacité de régénération.

Les principaux secteurs consommateurs d’eau sont l’agriculture (assez largement), suivie par l’industrie et la consommation domestique.

No alt text provided for this image

Pisser sous la douche ne suffira pas Source

12) L’utilisation de ressources fossiles

Ce critère est sensiblement corrélé au changement climatique, puisque la consommation d’énergie fossile est en majeure partie responsable de celui-ci. La différence réside dans le fait qu’il s’exprime sous la forme de l’énergie utilisée (en Méga Joules) pour produire l’objet étudié (ou plus précisément la fonction remplie par cet objet).

La guerre en Ukraine a au moins eu ce mérite : rappeler que, bien qu’encore disponibles en quantité bien trop importantes pour préserver notre climat, les ressources fossiles ne sont pas disponibles partout.

13)  L’utilisation de ressources minérales et métalliques

C’est sans doute un des indicateurs qui nécessitera une attention toute particulière dans les années à venir, pourtant il est globalement absent des débats publics. En effet, la transition énergétique et numérique induit une consommation accrue de ressources minérales et métalliques. Citons par exemple :

-       Les métaux (rares ou pas) utilisés dans la fabrication des éoliennes et des panneaux solaires

-       Les batteries, gourmandes en lithium, cobalt, nickel, indium…

-       Les objets de la tech (ordinateurs, tablettes, écrans…), nécessitant eux aussi une multitude de microcomposants métalliques

Je vous invite à voir une conférence d’Aurore Stéphant pour vous rendre compte de l’omniprésence des métaux.

La disponibilité de ces ressources étant très variable, l’utilisation d’une même masse aura un impact différent selon le métal / minerai considéré. L’unité de référence est un kilogramme d’antimoine, métal précieux peu abondant sur la planète.

L’ADEME a publié un rapport relativement édifiant à ce sujet en 2017 (L’épuisement des métaux et minéraux : faut-il s’inquiéter ?) : « La croissance exponentielle de la demande risque d’être supérieure au rythme de la croissance des capacités d’exploitation. En conséquence, des pénuries sur certaines matières minérales pourraient survenir dans un avenir proche (10 ans). Dans une croissance continue de la demande à 2 ou 3%, le recyclage ne pourra pas répondre à cet accroissement et restera à moins de 20% des approvisionnements nécessaires. […] Ce n’est probablement pas l’épuisement des métaux et minéraux qui est à craindre mais très certainement la fin de l’extraction et de la disponibilité facile. »

Par ailleurs, au-delà de la disponibilité, se pose la question des impacts sur les écosystèmes de l’extraction minière. Les cas de catastrophes liées à des fuites ou à des exploitations peu scrupuleuses se font de plus en plus nombreux.

No alt text provided for this image

Pourquoi vouloir aller sur Mars quand on peut avoir Mars sur Terre ? 2010 : Fracture d’une digue retenant les boues rouges d’une usine de production d’aluminium à Ajke en Hongrie.

Conclusion

Il y aurait encore beaucoup à dire sur la méthode d’analyse de cycle de vie, la manière de calculer, son intérêt et ses limites (vous remarquerez par exemple que l’on a très peu parlé de biodiversité), mais j’espère que vous avez désormais une meilleure vision des impacts environnementaux que peuvent avoir nos activités.

Si vous avez lu jusque-là : merci.

N’hésitez pas à mentionner en commentaires si vous avez appris des choses ou si vous souhaitez compléter (voire corriger, j’ai pu commettre des erreurs) certains des points mentionnés ci-dessus !

Nicolas Salchaud

Motorcycle Rider Gear | Brand Marketing & Go to Market ✅ Motorpro Agency Consulting 💯 TV Speaker | ex Pro Rider FIM EWC 🏁#eco-design #recycling ❇️ BELL | BIHR

1 ans

Top article ! 👏 💪

Remy Bourganel

(He/him) Holistic thinker & servant design leader scouting regenerative service ecosystem, from purpose to impact

2 ans

Merci Alexis. Dans le modèle Symbiosis un Development, l’analyse du cycle de vie se fait au niveau ´objet’ , elle ne permet pas de changer de mindset faire moins mal’ pour aller vers celui de l’économie de la fonctionnalité, le restauratif, le regeneratif et un regard holistique. Dans le cas de la voiture que tu prends, la finalité, le modèle d’affaire n’est pas remis en question et le mindset de la propriété non plus probablement. Bref, à mon sens, on est au plus bas des 12 leviers de bascule d’un système de Donella Meadows.

Bertrand MONFORT

Expert, Conférencier, Enseignant ☀️ Biomimétisme 🌱 Biomanagement 🌎 Transitions et Métamorphose sociétale 🐛🦋 | né à 315,3 PPM

2 ans

L'ACV à la portée de tous les neurones 👌. Merci Alexis Treilhes

Antoine Julien

Stratégie soutenable d'entreprise industrielle | Expérience significative en industrie | Master Manager de la Transition Écologique et Solidaire | MBA U.S. | Ingénieur | Lean Six Sigma Black Belt | Opinions personnelles

2 ans

Excellent tour d'horizon, merci Alexis Treilhes ! Juste une question : pourquoi avoir choisi le graphique des limites planétaires de 2009, plutôt qu'un graphique mis récemment à jour ? (même si tu parles plus loin de la dernière limite planétaire confirmée comme dépassée).

Nicolas Salva

Product Manager at REEV | building the future of walking assistance 🦿

2 ans

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets