LANGUES ET DIPLOMATIE- QUELLE IMPORTANCE?
Le monde change, la diplomatie aussi. Les diplomates cherchent inlassablement l’interopérabilité et la coopération pour la performance dans leurs fonctions diplomatiques. Pour atteindre cette performance, le diplomate doit faire usage d’une ou de plusieurs langues étrangères dans cette profession. Pour un diplomate, parler la langue officielle du pays hôte, n’est-ce pas faire face avec confiance à tous nouveaux défis dans son environnement de travail immédiat ?
Mieux, n’est-ce pas qu’à travers la langue de son pays d’accueil qu’il
pourrait maîtriser également les subtilités, les codes et les références de ses
interlocuteurs immédiats sur le théâtre des opérations diplomatiques ?
Il est donc important de réfléchir sur l’apport qualitatif de langue officielle du
pays, en d’autres termes, creuser en profondeur pour déceler l’importance d’être
bilingue et repérer son impact sur la performance managériale des diplomates en général, et plus précisément ceux en provenance des pays non francophones en Cote d'Ivoire.
Pour aborder la question, plusieurs approches sont plausibles. Toutefois,
compte tenue de la complexité du sujet et de la spécialisation envisagée, nous nous intéresserons qu’au bilinguisme tardif en explorant son impact sur les fonctions régaliennes des diplomates. Il s’agit de la fonction :
- de représentation des intérêts de son pays dans un autre pays tiers ;
- de recueil d’informations stratégiques pour des prises de décisions
- de négociations stratégiques qui ne peuvent se faire qu’à travers la
langue officielle dans les pays où ils se trouvent.
Qu'est-ce qui justifie le choix du sujet de cet article
- Motivations d’ordre social et stratégique
Les grandes puissances de ce monde positionnent leurs diplomaties sur un
marketing diplomatique de terrain culturel et linguistique. Au sein des
représentations diplomatiques dans les pays en voie de développement,
notamment en Côte d’Ivoire, se trouvent des centres culturels où sont exposées
les grandes œuvres littéraires, scientifiques, professionnelles, religieuses,
culturelles et linguistiques. La première observation pour nous qui côtoyons les fonctionnaires diplomatiques de ces pays, c’est qu’ils parlent plus ou moins l’une des langues locales des pays où ils sont en service. Certes, bien qu’ils aient souvent recours à des traducteurs locaux, la plupart d’entre eux s’expriment dans les langues d’Etat ou les langues officielles. Ici, la compétence linguistique constitue pour eux une sorte de « chaînage haut » pour rigidifier l’ossature de leur métier de diplomatique sur lequel est posé le pignon des missions diplomatiques. C’est un indicateur de performance et qui est une source d’opportunités dans les échanges professionnelles et diplomatiques et donc une des conditions indispensables pour des relations internationales réussies.
En revanche, certaines représentations diplomatiques des pays en voie de
développement ou en développement, se caractérisent par l’absence de centres culturels faisant la promotion de leurs cultures encore moins des services de langues. La majorité de ces pays remplissent les fonctions diplomatiques de représentation pour certains et politico- économique, pour d’autres.
Le dynamisme de leur mission réside en général dans le « ghetto » de l’aspect politique L’enjeu pour eux ici, est de nouer des relations politico-stratégiques encore plus économico-stratégiques. En effet, si dans le management des entreprises, la meilleure chance est donnée pour mieux vendre ses produits par la maîtrise de la langue du client, est-ce le cas dans l’exercice des fonctions diplomatique ? La langue est un fait social, c’est ce qui nous lie à l’autre selon P. Wald (2012) Elle est forgée par la culture et reste l’outil privilégié d’expression interactive entre le diplomate et ses interlocuteurs. C’est justement ce rôle social et stratégique de la langue qui justifie dans un premier temps le choix de ce sujet de notre article.
2. Motivation d’ordre professionnel
Le positionnement d’une diplomatie réussie dans un monde multilingue,
nécessite des réflexions en profondeur sur les avantages d’être bilingue pour
les diplomates . En tant que professionnel du milieu diplomatique, il nous a été donné de percevoir l’intérêt de la maîtrise de la langue du pays d’accueil dans l’atteinte des résultats et de la performance de l’organisation qui impose le succès dans la gestion des affaires d’Etat. Il nous faut donc saisir très rapidement le lien entre être bilingue et performance managériale dans l'exercice de la fonction diplomatique .
3. Motivation d’ordre scientifique
Selon Genesee (2008), apprendre une nouvelle langue à tout âge, y compris à
l’âge adulte, a des bénéfices non négligeables d’un point de vue cognitive. Certes, apprendre une langue à l’âge adulte est souvent perçu comme une
entreprise fastidieuse, dont les résultats sont peu gratifiants et immédiats.
Cependant, les bénéfices de l’apprentissage d’une nouvelle langue à l’âge
adulte sont bien réels. Pour certains spécialistes mondiaux du plurilinguisme tels que Carlson et Meltzoff (2008), le cerveau des bilingues ne fonctionne pas de la même manière que les autres. Il est par exemple « beaucoup plus performant dans un environnement bruyant pour trier les différents sons ». A cet avantage, s’ajoute d’autres études au Québec qui montrent que la plupart des bilingues sont les personnes les moins atteintes de la maladie d’Alzheimer, de la démence sénile et de tout autre déclin cognitif lié à l’âge chez ceux qui, depuis leur enfance parlent deux langues. Pour Bialystok et Martin (2004), le bilinguisme augmente les performances du système cognitif des fonctions exécutives. Ce système est responsable de tous les processus impliquant l'attention, la sélection, l'inhibition et le changement, crucial pour toutes les pensées complexes.
PROBLEMATIQUE DE LA PERFORMANCE ENTRE LANGUE ET DIPLOMATIE
Nous savons tous que l'environnement dans lequel travaillent les diplomates a beaucoup changé ces dernières années. La mondialisation de l’économie pousse les représentations diplomatiques à réorienter leurs stratégies politiques, économiques, socio-culturelles, technologiques pour mieux positionner leur pays dans le concert des nations (Horvath, 2014).
Dans ce nouvel environnement de compétition de diplomatie bilatérale ou multilatérale et pour assurer la pérennité des relations, les grandes nations sont contraintes d’adopter de nouveaux outils de management participatif pour la performance de leurs représentations à l’étranger. Parmi ces outils de gestion opérationnelle, tactique et stratégique, se trouvent le bilinguisme comme étant le premier facteur de recueil d’information, de communication et de négociation.
Une observation attentive de la diplomatie des grandes nations non francophones telles que les USA, Canada (pays bilingue), Allemagne, l’Angleterre, le Japon, Chine, permet de comprendre que ces grandes nations ont opté pour la formation de leurs diplomates en amont, dans des écoles et des instituts de langues. L’objectif étant de doter leurs concitoyens embrassant le métier sensible de la diplomatie, d’outil important de collecte d’informations, de négociations stratégiques, à savoir bilinguisme ou des multilinguismes pour l’opérationnalité de leurs missions dans les pays d’accueil.
Des tests d’aptitude linguistico-communicationnelle sont souvent organisés pour les candidats potentiels au sein des directions linguistiques de leurs départements des affaires étrangères, de coopérations internationales ou de Secrétariat d’Etat.
Selon le diplomate français Nadale dans les cinq conseils importants pour devenir un diplomate accompli donne un point d'honneur sur l'importance de la langue dans les fonctions d'un diplomate « La langue permet d’être ouvert sur le monde, sur les autres cultures et sur les autres civilisations. Ainsi, le diplomate doit être capable de parler en plus de sa langue d’origine, la langue de l’Etat dans lequel il est appelé à exercer ».
En Côte d’Ivoire où j'y vis, les exemples d’organisations où prévaut une situation de coexistence entre différentes communautés langagières sont nombreux, plus particulièrement dans les représentations diplomatiques non-francophones. Le contexte particulier qu’il nous est donné d’observer depuis plusieurs années est celui de l’Ambassade de la République d’Afrique du Sud en Côte d’Ivoire, où être bilingue est un facteur inhérent dans la communication et les négociations stratégiques pendant les échanges bilatéraux.
Contrairement aux représentations diplomatiques occidentales, nous sommes tentés de nous demander pourquoi certains pays émergents ou en voie de développement , accordent-ils peu d’importance à la langue d’échange en Côte d’Ivoire avant le déploiement et surtout pourquoi les diplomates eux-mêmes ne s’efforcent-ils pas de la comprendre une fois qu’ils sont sur le théâtre de l’opération diplomatique ?
Il s’agit pour cet article, de tenter de comprendre les raisons profondes de cette négligence, mais aussi de rechercher le lien entre être bilinguisme et la performance managériale dans des représentations diplomatiques. Surtout comprendre l’impact du bilinguisme sur la performance managériale des représentations diplomatiques. L’appréhension de cette préoccupation majeure nécessite qu’un certain nombre de questions soient préalablement soulevées :
Quelles sont les difficultés liées à l’obstacle linguistique rencontrées par les diplomates non francophones en Côte d’Ivoire dans l’exercice de leurs fonctions ? Quelle est ou quelles sont les stratégies utilisées pour contourner ces obstacles et enfin que peuvent être les limites de ces stratégies ? Enfin, quels peuvent être les recommandations pour optimiser la performance des acteurs au sein des missions diplomatiques dans le monde ?- C'est une réflexion que nous n'avons pas prétention de donner une réponse ou la réponse ici. Nous essayerons d'élucider quelques pistes de solutions
Puis que c'est un sujet de réflexion intellectuelle, nous émettons ici une hypothèse qui serait est une tentative d’explication par anticipation. Comme le disait (Aktouf, 1987). '' Elle est en rapport étroit avec les grands axes de la problématique. C’est la formulation proforma des conclusions que l’on compte tirer et que l’on va s’efforcer de justifier et de démontrer méthodiquement et systématiquement ''.
Ainsi, dans le cadre de cet article, notre hypothèse est la suivante : La négligence du bilinguisme par un diplomate limite son action managériale de sa représentation diplomatique dans le pays où il est en mission.
Il y a des variables explicatives aussi bien que des variables à expliquer car la mauvaise perception idéologique de l’importance du bilinguisme peut s’expliquer par la négligence des décideurs à mettre en place des mécanismes structurels pour promouvoir l’importance du bilinguisme dans la fonction diplomatique. La question est de savoir pourquoi cette négligence tout en sachant que cela déséquilibre la performance du diplomate.?
BILINGUISME : ATOUTS ET FACTEURS D’INTEGRATION
I- Etre Bilingue: Facteur d’intégration pour une diplomatie réussie?
« La langue est un fait social. C’est ce qui nous relie à l’autre. Langue et culture sont indissociables. La langue est forgée par la culture et reste l’outil privilégié d’expression de la culture » (Lefebvre, 2008).
Apprendre une deuxième langue se caractérise donc par l’apprentissage d’une pratique culturelle différente, une autre manière de vivre, de parler, d’entrer en relation avec autrui. Elle participe à la construction de l’identité d’un groupe et à plus forte raison de l’identité personnelle.
Dans cette même pensée, Van Overbeke (1972), nous situe de façon complète sur cette préoccupation. Pour lui, « Le bilinguisme authentique confère une immersion culturelle car les bilingues s’imprègnent et s’approprient la culture d’autrui en s’intégrant aisément dans son nouvel environnement sans préjugés »
Lefebvre et Overbeke, n’ont pas tenu compte de la dimension managériale du bilinguisme à la différence de Hemelrijk (2003). En effet, Hemelrijk anticipe cette perception du bilinguisme, car pour lui, l’utilisation des langues dans la diplomatie ne date pas de nos jours, car comme dans beaucoup de domaines, les Romains ont fait preuve, en matière d’emploi des langues, d’une grande capacité d’adaptation dans leur conquête. Il relate que « Les cités du monde grec, une fois vaincues, ont continué à utiliser le grec comme par le passé. Partout où les Romains sont présents, leur langue s’ajoute à celle(s) en usage dans ces contrées, mais elle ne s’y substitue pas ».
Cette perception corrobore avec celle de Chorney (1998) dévoilant l’importance du bilinguisme. Pour lui, « l’acquisition d’une compétence en communication dans les deux langues officielles du Canada comme partout dans le monde, offre un rendement sur le capital investi qui dépasse largement le rendement attendu. L’investissement dans le bilinguisme profite non seulement à l’individu, mais aussi à la société dans son ensemble et à l’économie politique qui en résulte. Cela produit une démocratie plus dynamique, dont la trame est constituée de liens sociaux plus solides ». Le regard porté sur l’importance du bilingue ne doit-il pas être global pour intégrer la dimension managériale incluant les facteurs culturels, sociologiques et professionnels?
II- Le bilinguisme comme outil de travail diplomatique?
Si la langue porte la culture de l’autre, elle l’est aussi bien nécessaire pour la communication stratégique, le recherche d’informations opérationnelles et les négociations pour le diplomate.
Pour Ladouceur (2008), « la capacité de fonctionner dans la langue favorise les affaires à l’échelle mondiale et comporte des avantages indiscutables. Sur la scène internationale, le bilinguisme officiel du Canada l’inscrit dans plusieurs réseaux construits autour de l’usage de l’une ou l’autre langue véhiculaire, souvent héritée du mouvement colonial, que ce soit au sein du Commonwealth ou de la Francophonie mondiale. Il donne en outre accès à un marché global qui a fait de l’anglais sa lingua franca en même temps qu’il participe d’un multiculturalisme officiel permettant au Canada de se distinguer des États-Unis en opposant la mosaïque canadienne au melting pot du puissant voisin américain » .Aujourd’hui nos Etats ont des frontières transparentes et de plus en plus l’on y trouve des diplomates et des professionnels qui se côtoient à travers plusieurs langues et différentes cultures.
Le bilinguisme n’est pas seulement un tremplin pour la communication dans les administrations, dans les affaires, mais il l’est également pour le diplomate que pour le monde diplomatique, comme le souligne Louise Ladouceur. Cependant, ce qui manque à cet outil dans le domaine diplomatique et qui est ignoré des auteurs cités, c’est le positionnement de cet outil au cœur des normes modernes de la diplomatie.
III- Le bilinguisme: Avantage ou handicap sur la performance du diplomate?
Le développement récent de la recherche en sciences cognitives et la naissance du bilinguisme en tant que champ d’étude depuis 1970, ont permis de décrire plus précisément le fonctionnement neuropsychologique de la personne bilingue, de révéler des effets globalement positifs du bilinguisme sur la performance cognitive, sociale et professionnelle mieux sur la performance économique de la société. Une étude récente réalisée au canada (2015), par Pierre- Marcelle Desjardins et David Campbell sur les avantages et les potentielles économiques du bilinguisme au Nouveau-Brunswick, montre huit avantages économiques :
- Avantage 1: Une main-d’œuvre bilingue explique en bonne partie pourquoi le Nouveau-Brunswick a été en mesure d’attirer des entreprises d’envergure comme Exxon Mobil, Xerox, IBM, Fedex, UPS, RBC, TD Insurance, Unilever et SNC-Lavalin.
- Avantage 2 : Le bilinguisme a mené le développement d’une industrie langagière dynamique dans la province.
- Avantage 3 : Le bilinguisme a été un facteur clé dans le développement de liens commerciaux et des investissements sur le marché québécois.
- Avantage 4 : Le bilinguisme explique en bonne partie pourquoi des entreprises des secteurs de la finance et de l’assurance desservent leurs clients de l’ensemble du pays à partir du Nouveau-Brunswick.
- Avantage 5 : Le bilinguisme a été un facteur clé dans la croissance du secteur néo-brunswickois des services professionnels sur le marché québécois.
- Avantage 6 : Le bilinguisme explique en bonne partie pourquoi le Nouveau-Brunswick connaît un si grand succès pour attirer les touristes québécois.
- Avantage 7 : Le bilinguisme est un facteur important pour expliquer la capacité de la province à attirer des étudiants de niveau postsecondaire provenant d’autres provinces ou d’autres pays.
- Avantage 8 : Le bilinguisme est une raison importante pour laquelle le Nouveau-Brunswick attire une proportion plus élevée d’immigrants bilingues que la plupart des autres provinces.
La performance managériale est un critère multidimensionnel qui englobe l’économique (compétitivité), la finance (rentabilité) et l’organisationnelle (efficience) visant à des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et dans le temps (SMART définit par l’organisation. C'est aussi une équation dont les objectifs et les indicateurs sont définis en fonction des stratégies en association avec la fonction de mobilisation des ressources humaines et techniques dans une adéquation avec la culture du changement individuel et organisationnel. En effet, dans un monde en compétition, le diplomate en tant que Manager (gestionnaire des dossiers diplomatiques) a une obligation de résultat dans les stratégies diplomatiques. Peut être ainsi qualifié de Manager performant en diplomatie, celui qui a une culture de résultats et qui conjugue compétitivité et efficacité à la rentabilité et l’efficience pour rassembler toutes informations utiles aux fins de les traiter dans une analyse minutieuse et sans assistance interne au sein de la représentation ni d’aucun appuie extérieur d’un autre diplomate bilingue en dehors de sa représentation.
Dans le cadre cet article, la performance du Diplomate Manager est déterminée par sa capacité linguistique dans l’exercice de ses fonctions diplomatiques, à la mise en œuvre effective de ses compétences managériales à la réalisation des objectifs fixés. Lesquels objectifs, peuvent être la compétitivité diplomatique, la rentabilité des informations stratégiques recueillies pour les prises de décisions bilatérales ou multilatérales et les négociations multiformes dans ses fonctions régaliennes.
IV- RECOMMANDATIONS DE L'ARTICLE
Les recommandations au terme de notre réflexion vont s’articuler autour de la synthèse de la logique du processus d’intervention des différents acteurs dans les fonctions diplomatiques :
- Recommandations aux décideurs
Créer une synergie de suivi et d’évaluation pour donner de la valeur à la langue dans la fonction diplomatique. Le suivi des intrants, du processus et des extrants pour déterminer si les programmes des langues pour les diplomates s’exécutent en tenant compte de la complexité des fonctions diplomatiques. Le suivi de la formation des langues pour les diplomates est une fonction continue qui vise à fournir aux gestionnaires des programmes linguistiques et aux principales parties prenantes, des indications sur les progrès réalisés ou des difficultés rencontrées au cours de la mise en œuvre du programme. Ainsi, à partir de la définition des axes stratégiques, on établit une synergie dans :
- la collecte routinière des informations sur les activités du programme des langues depuis le pays d’origine, ses produits et les résultats attendus
- La mesure des progrès réalisés dans le sens de la l’atteinte des objectifs du programme linguistique c’est-à-dire le comptage des extrants
- La surveillance routinière de l’utilisation des ressources financières et le fonctionnement du programme sur la base d’une évaluation ; lorsque celui –ci est liée à un programme spécifique de langue du pays d’accueil.
- L’évaluation des programmes de langue dans le pays, bien qu’elle soit un exercice limité dans le temps, doit viser à mesurer objectivement l’impact (résultats) observé au niveau des acteurs diplomatiques. Ainsi :
- L’analyse rigoureuse des programmes de langue depuis le pays d’origine, doit avoir un caractère scientifique dans l’analyse des données relatives aux ressources, aux activités, et résultats pour déterminer le mérite ou la valeur dudit programme,
- La conception des stratégies doit être conjointe avec un groupe de diplomate ou de consultants pour permettre d’atteindre l’impact souhaité dans le temps de sa mise en œuvre du programme ,
- L’analyse des résultats du suivi pour améliorer les programmes de langue souhaités et informer les décisions concernant les futures allocations des ressources.
- Recommandations aux missions diplomatiques
La responsabilité de la mission diplomatique est de s’assurer que l’acteur au sein de la mission dans la défense des intérêts du pays cerne l’importance de la langue dans ses fonctions diplomatiques. A cet effet, notre étude cet article recommande aux représentations diplomatiques :
- D’encourager tous les diplomates à renforcer leur capacité linguistique pour être à mesure de fournir avec exactitude des informations sans assistance externe. En effet, la fiabilité et la précision des données permettent aux représentations de faire des recommandations à leurs hiérarchies dans les négociations stratégiques et dans prises des décisions opérationnelles pour une meilleure coopération bilatérale ou multilatérale.
- De fournir un rapport de suivi et d’évaluation sur les progrès des diplomates pour permettre une meilleure amélioration des programmes structurels visant en amont à équiper les diplomates de capacité linguistique.
- Prévoir au cas échéant des programmes de formations en interne pour les diplomates avec l’aide de consultants pour revolver la question de manque de temps pour suivre des formations de langue en dehors de l’ambassade.
- Recommandation au diplomate
Un diplomate doit comprendre qu’être bilingue dans les fonctions diplomatiques à des avantages professionnels parmi lesquels :
- Le diplomate bilingue est plus performant dans les tâches de planification et de résolution des problèmes. En effet, Le psychologue César Avila Rivera et ses collègues de l’Université de Jaume de Catalogne, en Espagne, ont ainsi constaté en 2010 que les adultes bilingues sont plus sont plus rapides et performantes dans certaines tâches exigeant l’utilisation des compétences mentales connues sous le nom de fonction exécutives telles que la planification et le raisonnement.
- Le diplomate bilingue augmente sa capacité relationnelle et professionnelle. La maitrise de la langue du pays hôte permet de nouer très facilement des relations avec ses interlocuteurs. C’est un vecteur de mise en contact véritable avec autrui. Ainsi, la langue ouvre le monde extérieur (pays hôte) et permet d’entrer plus facilement en relation avec ses habitants. Ce qui augmente la confiance en soi dans les négociations.
- Le diplomate doit s’assurer qu’il a les aptitudes pour communiquer avec les interlocuteurs. Communiquer est vital et la langue étant le premier vecteur de la communication, le diplomate doit créer sa propre communauté de compréhension avec ses interlocuteurs pour collecter au mieux les informations pour son pays.
- Le diplomate ne doit pas trop être dépendant de la stratégie du contournement à travers les interventions internes (faiblesses) et les interventions externes (menaces) dans ses fonctions diplomatiques.
- Le diplomate doit s’approprier des moyens (intrants, ressources, les produits) disponibles pour renforcer ses capacités linguistiques. Même si les décideurs de son pays n’ont pas encore pris la résolution d’intégrer la langue comme levier de performance, à l’instar de l’Ambassadeur du Nigeria, le diplomate doit s’efforcer de comprendre la langue du pays d’accueil.
Conclusion
La fonction diplomatique n’est pas contraire à l’exercice langagier. Le diplomate est évalué en fonction de sa capacité à communiquer avec les autres. Entendons par communiquer, toutes les stratégies mise en place pour remplir ses fonctions diplomatiques à savoir l'intelligence stratégique visant à la maîtrise globale des flux d'information et la construction de plans en vue de l'action.
Elle inclut non seulement la veille stratégique, mais plus largement l'acquisition et le traitement d'information à caractère stratégique. La fonction diplomatique c’est aussi la relation partenariale qui tend à inscrire l'expression de ses propres objectifs dans la culture ou la logique des partenaires, de leurs actions, pour fonder des projets communs (coopération).
Elle dépasse ainsi l'habituelle négociation "gagnant-gagnant", où l'on se regarde l'un l'autre, car il s'agit de regarder ensemble dans la même direction. L’action diplomatique dans les relations partenariales pour les diplomates anglophones s’inscrit dans la culture de résultats pour leur pays.
Et pour y parvenir, des mécanismes importants sont à prendre en compte, parmi lesquels la langue comme outil de travail. Notre contribution ici s’accorde avec France Diplomatie qui estime que, « la diplomatie se situe par définition au point de contact entre deux ou plusieurs États souverains.
C’est donc une branche de la puissance publique qui ne doit pas recourir, même en dernier ressort, à la contrainte, et c’est la seule ; elle ne peut agir que par le dialogue, autrement dit par la négociation » Et la négociation ne peut se faire sans la connaissance de la langue de l’un des acteurs en présence. L’importance du bilinguisme se situe à ce niveau.
Devraient ils (les diplomates) concéder une partie de leur pouvoir régalien de protection des intérêts, de recueil d’informations confidentielles et de négociations stratégiques à des bilingues (traducteurs, interprètes…) n’ayant pas ce droit ? Ou devraient-ils également se fier qu’aux informations des autres diplomates à l’extérieur de leurs représentations respectives ?
Bien qu’il faille se rendre à l’évidence de l’existence de la pratique sur le terrain, faute de déficit linguistique de certains diplomates, ne sommes-nous pas en mesure au terme de cet article d’affirmer que certains diplomates anglophones courent le risque de collecter des informations sous couvert ?
Dans sa conférence sur « Le rôle du diplomate et de la diplomatie dans un monde en transformation » Miguel Moratinos à l’Ecole de la Gouvernance de Rabat (Début 2015) ; explique que, quand on a une volonté politique, la diplomatie peut résoudre de nombreux conflits et crises à travers le monde ; en rapprochant deux entités à s’accorder sur leur divergence. Mais pour y parvenir, il faut que le diplomate se mette à jour sur la transformation du monde en tenant compte des fonctions qui lui sont assignées. A cet effet explique –t-il, « le diplomate doit se munir de tous les mécanismes lui permettant d’être efficace et performant dont la langue du pays hôte» Une performance qui passe par l’efficacité du diplomate au niveau individuel, qui impactera certainement sur performance collective de la mission diplomatique.
Notre article a fait des recommandations sur trois leviers essentiels pour servir de base de réflexion sur ce passionnant sujet qu’est l’importance du bilinguisme dans la fonction diplomatique.
Ainsi, du point vu de macro stratégique, il est important pour tous les pays qui envoient des diplomates dans d’autres pays ne parlant pas la même langue, de mettre un point d’honneur sur une stratégie de formation en amont, dont l’objectif est d’équiper leur diplomate sur le plan linguistique dans l’exercice des fonctions diplomatiques. Bien qu’il existe au sein des différents départements des instituts, il est aussi recommandé d’avoir une stratégie claire en associant le suivi et l’évaluation à la formation pour permettre d’identifier les niches à améliorer pour l’efficacité des instituts de formation linguistique.
Aussi, avions- nous recommandé aux missions diplomatiques qui sont la continuité de leur pays à l’extérieur, de poursuivre le suivi et l’évaluation sur le terrain pour proposer des solutions alternatives ou complémentaires dans l’amélioration des programmes des instituts au sein des affaires étrangères. Mieux, optimiser les allocations budgétaires pour renforcement des capacités.
Enfin, notre article, a encouragé les acteurs diplomatiques qui constituent le « front office » des missions diplomatiques de prendre en compte le bilinguisme comme étant le « chaînage haut » dans la solidification ou la rigidité de la fonction diplomatique. Il leur appartient dans un premier temps de s’approprier de l’importance de la langue dans l’exercice de leur fonction.
Sans tomber dans l’excès des recommandations, notre article, en décrivant l’impact qu’a le bilinguisme sur la performance des diplomates, les stratégies utilisées pour contourner le déficit linguistique dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, en identifiant les limites de ces stratégies et enfin en proposant des solutions alternatives et des recommandations, a-t-elle suffisamment cerné l’ensemble de cette problématique liée à l’impact du bilinguisme sur la performance des diplomates ?
Vos contributions sont les bienvenues en inbox : nzifelix@gmail.com
Administrateur Civil
5 ansBonjoir... Selon la tradition romaine, "toute transaction avec un tiers nécessite une compréhension mutuelle". Ou soit tu les comprends ou soit ils te comprennent. En tout état de cause, les meilleures echanges doivent se faire dans l'une des langues. Par conséquent il est important de comprendre la langue de son interlocuteur à défaut que ce soit eux qui te comprennent. Pour un consultant , cela suppose que tu est un expert dans le domaine où on doit te consulter, ce qui sous entend que tu es préparé à comprendre ceux qui te demandent service. En claire, il est important de comprendre l'autre pour mieux communiquer et produire de bons résultats. D'où la nécessité de de comprendre la langue de l'autre fut elle non commerciale. Cordialement
Sciences du Langage
5 ansMerci beaucoup FELIX pour l'article je vais m'en servir avec votre permission
Business Development Manager | Expert in Technical Sales for Mining, Fuel Dispensers, Oil & Gas, and Chemicals | MBA in Sustainability | Proven Track Record in Account & Sales Management
8 ansTrès bon article FELIX. Il m'a permit de comprendre beaucoup de chose concernant l'impact de la langue sur la fonction diplomatique. Je souhaiterais savoir aussi l'impact aussi sur une carrière de consultant. Est il aussi pertinent pour un consultant de pouvoir maîtriser les langues locales d'autant plus que l'anglais est la " langue officiel" pour faire du business dans le monde. Ma deuxième préoccupation est relatif au terme " langue locale" . Selon toi cela sous entend aussi les langues tribales du pays hôte tel que le lingala, baoulé etc ou parles seulement des langues officielles. Merci pour ton article . Permet moi aussi de te dire qu'il ya répétition de mot au niveau du dernier paragraphe des motivations professionnelles. konan Honoré N'GUESSAN