L’art inspirateur du management
Pour bien des gens, l’art touche à la sensibilité et aux émotions et le management au rationnel et à l’organisation. Pourtant paradoxalement, il faut une très grande exigence et une très grande rigueur pour atteindre la perfection artistique, et a contrario, on ne peut pas manager des hommes sans sensibilité et émotion. Les deux notions ne sont donc pas antinomiques. Ces mondes sont même plus intimement liés qu’ils n’y paraissent. Alors, comment un manager peut-il s’inspirer d’un artiste ? L’art peut-il vraiment nourrir le management ?
Les artistes ont toujours réussi à prendre conscience et à alerter des évolutions de la société en avance de phase. Sans doute grâce à une écoute et une grande sensibilité, ils ont la capacité de percevoir les signaux faibles. L’art aide à mieux comprendre et aborder l’environnement. Ainsi les nouveaux réalistes, en quête de sens, dénoncent les excès de la société de consommation dès les années 1960, avec par exemple les violons découpés, éclatés, brûlés d’Arman, les compressions de César, etc. Des monstres sacrés du XXème siècle, comme Cocteau (littérature, peinture, cinéma), Matisse ou Picasso (céramique, peinture, sculpture), croisaient les univers et acquéraient ainsi de nouvelles manières de voir les choses et de les transposer, avec leurs visions, dans leurs œuvres. Finalement, on voit tous l’environnement à notre manière. Mais comment peut-on apprendre d’un univers et l’adapter à un autre ?
Là encore, les artistes nous apportent des réponses : Andy Warhol a été un dessinateur publicitaire réputé avant d’être reconnu pour ses talents artistiques, Vasarely était à la fois un artiste et un formidable designer. D’autres artistes, en travaillant sur des séries atteignant plusieurs centaines d’exemplaires (jusqu’à 400 chez Arman) voire plus, ou en travaillant sur des objets du quotidien (Duchamp et ses ready-mades) questionnent la frontière entre l’œuvre d’art, l’objet décoratif, l’objet du quotidien.
L’art est une formidable fenêtre ouverte sur le monde. En nous interpellant, les artistes posent ainsi la question du sens, en tentant à leur façon d’y apporter des réponses. En cela, ils peuvent aider les managers à remplir pleinement leurs fonctions.
Aujourd’hui, l’entreprise dialogue de plus en plus avec le monde de l’art : design des produits, décoration d’intérieur, architecture des locaux, packaging des produits, mécénat, sponsoring, parrainage d’exposition ou encore publicité… Autant d’interventions artistiques qui réintroduisent déjà l’irrationnel et la sensibilité dans l’espace professionnel.
Certaines entreprises l’ont déjà pleinement intégré en proposant des espaces de travail visant à améliorer le bien-être des salariés au quotidien (dites démarches QVT pour Qualité de Vie au Travail) : lounges décorés, œuvres louées mensuellement, etc. Autant d’éléments inspirants qui permettent d’animer une société et d’améliorer la productivité de leurs collaborateurs.
L’art ne doit donc pas rendre les directions sceptiques ou méfiantes, bien au contraire. Les managers sont, certes, attachés aux normes et aux processus bien rodés mais ils doivent aussi apprendre à « lâcher prise » et à lâcher du lest à leurs salariés. Ils dirigent des humains, non des machines, auxquels ils doivent donner du sens dans un monde en changement.
En se nourrissant des artistes, les responsables peuvent affuter leur capacité d’interprétation, leurs qualités imaginatives et créatives et acquérir le pouvoir de s’adapter. Cette dernière compétence est primordiale pour gérer des situations nouvelles (globalisation, concurrence, nouvelles technologies, risque de crise…).
Peut-on donc aborder une situation managériale comme si l’on était face à une œuvre d’art ? Faire appel à son imagination, à sa capacité d’interprétation et à son jugement est le quotidien du manager. Le sens n’étant pas donné d’emblée, il convient de bien observer, réfléchir et interpréter, pour le restituer avec sa sensibilité propre. L’authenticité est en effet une qualité en lien avec l’artiste que doit avoir un bon manager. Si le manager n’est pas sincère, ses équipes le ressentiront et n’auront pas envie de le suivre.
Les entreprises ont donc tout intérêt, pour mieux appréhender les tendances futures et les évolutions dans la société, à introduire l’art comme support de management. Cela favorisera les contacts, les échanges, la créativité individuelle et collective et permettra même de désamorcer les éventuelles tensions au sein d’un groupe de travail. Les organisations seront impactées activement et le management profondément enrichi.
For a sustainable thinking - Président d’EDDP
5 ansArticle inspirant !