L’automobile, inspiration pour nos sociétés
Carlos Tavares, le patron de Stellantis, accélère dans l'électrique en France. (GONZALO FUENTES/POOL/AFP)

L’automobile, inspiration pour nos sociétés

Les passionnés attendaient. Après quatre années d’absence, le Mondial de l’Automobile est de retour. Et de nombreux visiteurs se sont à nouveau rendus porte de Versailles arpenter ses allées, pour y découvrir les nouveautés présentées par les constructeurs et les équipementiers. 

Nous devrions en réalité aller en masse à ce Mondial, car il se passe aujourd’hui quelque chose de très marquant dans le secteur automobile, d’une portée qui le dépasse largement. Ce secteur d’activité traverse en effet des mutations profondes, un véritable « big bang » pour reprendre le terme employé dans une étude récente de Cap Gemini. Et il y a là matière à tous nous inspirer, dans tous les secteurs de l’économie. Voire au-delà.

C’est peu dire que l’automobile traverse une crise. Le COVID a laissé des traces, avec une désorganisation profonde des chaines logistiques et une pénurie généralisée sur les semi-conducteurs, obligeant l’ensemble des constructeurs à réduire leur production et à allonger démesurément les délais de livraison. Partout en Europe, les ventes sont en baisse continue. Après la terrible année 2020, où les immatriculations de véhicules neufs en France avaient chuté de 25%, la tendance peine à s’inverser. Au premier semestre 2022, le marché européen reculait encore de 14% par rapport à 2021, avec peu de perspectives d’amélioration rapide, dans un contexte macroéconomique adverse.

Cette crise de l’automobile – pour certains, la plus lourde depuis 1960 – n’est cependant pas que conjoncturelle. Elle est même d’abord structurelle, car liée au réchauffement climatique, et à l’image du secteur, étroitement associé aux énergies fossiles. Soumises à des pressions réglementaires et sociales sans précédent, la planète automobile ne tourne plus comme avant. Le secteur dans son ensemble est sommé de négocier un virage radical. Et vite ! L’Europe a fixé l’échéance : en 2035, plus aucun véhicule à moteur thermique ne sera vendu dans les pays de l’Union.

Dix ans, pour une industrie comme l’automobile, c’est demain ; et le grand public est parfois plus impatient encore. Il faut par conséquent être prêt dès aujourd’hui, en répondant à une myriade de questions liées aux nouvelles énergies – de l’approvisionnement en composants électroniques au recyclage des batteries.

Et donc, porte de Versailles, qu’ont vu les visiteurs ? De grandes innovations, sur tous les stands ! Ce qui semblait singulier, de l’ordre du « concept car », il y a encore quelques années est en passe de devenir la norme. Des dizaines de modèles d’une génération nouvelle sont exposés, sur tous les segments de marché – citadines, berlines, SUV… –, chez tous les constructeurs, des plus généralistes aux plus prestigieux. Il est question de moteurs électriques et de moteurs à hydrogène. On parle aussi de véhicules autonomes, de cloud et d’intelligence artificielle.

En un temps record, le secteur s’est totalement réinventé. Ce qui peut nous amener à faire deux constats. 

Le premier, c’est qu’il faut avoir confiance dans le génie humain. Le désenchantement ambiant fait que nous avons trop souvent perdu foi en notre capacité d’inventer, et foi en la science. Il est d’ailleurs symptomatique que les premiers mots du tout récent Prix Nobel français Alain Aspect aient justement été destinés à déplorer le trop faible niveau de culture scientifique des élites, et à exhorter la jeunesse à s’intéresser de nouveau à la science ; car c’est grâce à elle que nous pourrons apporter des solutions durables aux problèmes les plus pressants. Sans la science, comment réduire notre empreinte carbone, nous adapter aux transformations inévitables de notre milieu ambiant ? Comment aussi, dans un autre domaine, accompagner le vieillissement des populations ?

Le second constat, c’est que la contrainte peut être un formidable accélérateur de transformations. Notre époque en est riche : contraintes liées à l’énergie, à nos approvisionnements en matières premières, à la nécessaire préservation des ressources naturelles... Face aux obstacles, on peut décider de s’arrêter, voire de reculer : c’est l’idée de la décroissance. On peut aussi faire un autre choix : dépasser l’obstacle. D’autres secteurs que l’automobile s’y emploient : l’énergie par exemple, qui se réinvente pour bâtir un nouveau modèle plus durable. Et de nombreux autres misent sur l’économie circulaire, à laquelle le numérique, nous le voyons tous les jours chez Rakuten, donne une force sans précédent.

« Ne gâchons pas une bonne crise », disait Churchill. Force est de constater que l’automobile a su trouver, avec de nouveaux produits et de nouveaux usages, comment concilier les contraintes nouvelles de notre époque avec cette aspiration fondamentale à la liberté, dont elle reste un symbole.

On parlait il y a peu de « la société de l’automobile » comme l’aboutissement d’une société de surconsommation, comme d’un modèle dépassé. Par un retournement dont l’histoire a le secret, il semble que l’automobile a aujourd’hui beaucoup à enseigner à nos sociétés.

Jean-Baptiste Baron 🗝⏱

Dirigeants submergés 🕙: je construis des solutions sur mesure avec vous pour vous redonner le contrôle de votre temps

2 ans

Il y a encore de l'innovation en réserve dans le monde automobile, mais est-ce une innovation qui répond à un besoin ? (Le Mans 66, excellent film !)

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets