Mondial de l’Auto : le salon du « second choc chinois »
Chronique publiée dans Sans doute le 22 octobre 2024
L’automobile chinoise a montré sa puissance à tout le secteur. Face à la « chronique d’une mort annoncée » de l’automobile européenne, il n’est jamais trop tard pour se réveiller. En repartant de la base : le client !
Le Mondial de l’Auto, qui vient de fermer ses portes, n’aura jamais aussi bien porté son nom : pas moins de neuf constructeurs chinois y volent la vedette, en démontrant la supériorité de leurs modèles électriques sur la concurrence mondiale. Tandis qu’Elon Musk fait un flop lors de la présentation à Los Angeles de son CyberCab, la Chine annonce déjà la prochaine révolution du secteur : celle d’une cinquantaine de companies de taxis autonomes, prévues opérationnelles des 2025 ! Au même moment, Pékín tente de masquer les 250 milliards de dollars de subventions publiques estimées derrière la vente cumulée de 25 millions de véhicules, en Chine, soit près de 10 000 dollars par voiture ! Et passe sous silence les 20 milliards de dollars de pertes dénoncées par l’Association des Concessionnaires chinois pour la seule année 2024.
Ce « Mondial » est donc historique. Le « second choc chinois » de 2024 – après le premier que constitue l’entrée de l’empire du Milieu dans l’OMC en 2001 – s’appuie sur un modèle économique inédit : l’innovation à faible productivité, financée par l’absence de rémunération de l’épargne forcée locale, et facilitée par l’écrasement des salaires après l’implosion de la construction immobilière.
Second choc chinois
Ce « second choc chinois », l’Europe n’en a toujours pas pris la mesure. « Ce n’est pas la Chine qui détruit l’industrie européenne, c’est l’Europe qui autodétruit son auto », me confiait un ami chinois. Difficile en effet de trouver plus de zizanie qu’entre patrons du secteur : celui de Renault, désespéré d’exploiter opportunément son cours de Bourse inflaté, appelle à la « coopération avec la Chine » ; celui de Stellantis prévient qu’une structure de coûts duale – pour la motorisation thermique et électrique – se révèlera intenable ; celui de BMW annonce pour 2035, en l’état règlementaire actuel, les funérailles du secteur européen. Ne manque dans cette cacophonie ubuesque qu’une déclaration des ayatollahs écologistes du Parlement européen, qui auraient pris plaisir à nous rappeler l’inutilité de toute étude d’impact économique sur un secteur qui représente pourtant non seulement 10 % des emplois, mais, de manière beaucoup plus structurante pour l’avenir, 50 % de la Recherche et Développement privée européenne !
« Ce n’est pas la Chine qui détruit l’industrie européenne, c’est l’Europe qui détruit son auto »
Face à cette « chronique d’une mort annoncée », il n’est jamais trop tard pour se réveiller. En repartant de la base : le client ! Quitte à reconnaitre que l’expérience automobile en Chine et en Europe n’ont rien en commun : l’auto à Pékín n’est plus qu’un « téléphone sur roues », coincé dans des embouteillages limitant les distances parcourues à quelques dizaines de kilomètres, et donc également les contraintes de recharge. L’expérience en Europe, sans tomber dans l’extrême américain, comprend encore occasionnellement de longues distances à parcourir, freinant l’essor du véhicule électrique tant que le défi de la recharge « en mouvement » n’aura pas été résolu ; ce qui requiert une disruption dans le stockage de l’énergie.
La sagesse appelle donc à ne pas chercher à répliquer les pertes abyssales chinoises en saturant un marché à pertes, de manière beaucoup trop rapide. Le cabinet McKinsey vient d’ailleurs d’indiquer que 29 % des propriétaires de véhicules électriques dans le monde déclaraient vouloir revenir au moteur thermique lors de leur prochain achat. Qui, au-delà de 15 % de privilégiés dans un pays comme la France où le revenu médian mensuel se situe à 2 000 euros, a-t-il 35 000 euros à consacrer à une simple R5 électrique ? Ou 32 000 euros à une Cinquecento électrique ?
Après l’entrée de l’empire du Milieu dans l’OMC en 2001, l’Europe assiste à ce « second choc chinois » sans en prendre la mesure
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Naïveté et arrogance.
Le véhicule électrique n’échappe donc pas au diktat général de la transition environnementale : celle-ci va être beaucoup plus coûteuse et beaucoup plus longue que les gouvernements veulent nous le faire croire. Bruxelles devrait donc protéger les acteurs européens face à l’assaut chinois, en échange de la définition d’objectifs industriels raisonnables à atteindre dans un horizon de cinq, puis de dix ans, tant sur le plan de la structure de coûts, des performances de batteries que d’efficacité environnementale. Quitte à favoriser les coopérations sino-européennes sur le sol européen, avec transferts forcés de technologie et de savoir-faire. En commençant en priorité par le secteur des batteries, ou le Suédois Northvolt et le Français ACC seraient appelés à troquer leur « naïveté et arrogance » lors de leur montée en puissance de production, pour une coopération avec les meilleurs ingénieurs en process chinois.
Ouvrons les yeux : la roue de l’Histoire a tourné, après le premier choc chinois de 2001 ! Quoiqu’il arrive, ce « Mondial » de 2024 est appelé à rester dans les annales : soit comme celui du retour de l’innovation productive européenne, telle qu’exigée par Mario Draghi ; soit comme celui du triomphe de l’innovation chinoise, à la sauce « neo-lénino-marxiste ».
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1 moisMerci David Baverez d’avoir partagé cette analyse sur @sansdoute.info 😁