L’autre logement social et le « choc » de l’offre

L’autre logement social et le « choc » de l’offre

Petit retour sur l’histoire. En 1971 la création de l’Anah financée par les bailleurs privés via la taxe additionnelle du droit au bail permet aux bailleurs privés de bénéficier de subventions en échange d’un conventionnement et d’une maîtrise des loyers. 

La création des OPAH en 1977 donne un coup d’accélérateur sans précédent à la remise en état du parc de logements privés sur l’ensemble du territoire. Jusqu’en 2000 l’Anah ne finance encore que les propriétaires bailleurs. 

La combinaison de subventions et d’avantages fiscaux permet alors de convaincre les bailleurs privés de s’engager dans le dispositif.  

L’ouverture au conventionnement sans travaux permet de trouver un public complémentaire et de combiner cet effet levier avec d’autres dispositifs, à l’exemple de Louer Solidaire ou de Solibail, en lien avec l’intermédiation locative. 

À l’heure où on l’on parle d’un « choc de l’offre », pourquoi ne pas puiser dans les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour remettre des logements dégradés et/ou vacants sur le marché plutôt que de vouloir essayer par l’abaissement des normes ? 

Simplifier est un totem derrière lequel on se retranche tel un mantra permettant de tout résoudre, mais la réalité opérationnelle est complexe.

Déroger aux PLU(i) qui sont le fruit de concertations et d’une réflexion multi partenariale est-elle une bonne chose ?

Abaisser les normes, ça veut dire quoi d’ailleurs ?  Baisse de l’ambition énergétique (réforme DPE), de l’accessibilité (haro sur les normes PMR)? Jusqu’où pouvons-nous aller, jusqu’à la sécurité incendie? A l’abaissement des hauteurs sous plafonds? Aux normes DTU en construction ?

Quand bien même nous ferions table rase des normes, ces dernières ne font pas le marché. Elles peuvent avoir un effet sur les prix, mais le décalage entre les prix de sorties et les ressources des ménages (du parc public ou privé) est tel que l’équation ne peut pas être résolue d’un claquement de normes.

Il faudra donc regarder du côté de la fiscalité et de la rentabilité de l’investissement locatif. Mais il est impératif de conserver et stimuler l’offre locative sociale, publique et privée, au regard d’une crise du logement qui s’installe durablement.

Raboter la loi SRU est un mauvais signal. Tous les observateurs avertis sont unanimes sur le sujet dès lors que la très grande majorité de nos concitoyens pourraient rentrer dans le critère d’obtention « revenu » d’un logement social de type PLUS (66%).

Le logement social est essentiel et il n’est pas réservé aux seuls organismes de logements sociaux (OLS).

En remontant un peu le temps, on constate que la production de logements conventionnés par l’Anah, c’est-à-dire du logement à vocation sociale privé représentait entre 20 et 30% de la production HLM conventionnée au début des années 2000.

En prenant les chiffres de l’année 2008 nous avions 26554 logements conventionnés Anah pour 142000 logements sociaux OLS. Mais en y regardant de plus près, les 142 000 logements sociaux comprennent l’achat de 30 000 VEFA dans le cadre du plan de relance. Les chiffres moyens des années précédentes étaient autour de 100 à 110000 logements. Si on retire ces 30000 logements, la production de logements sociaux Anah atteint pour cette année 2008 23% de la production HLM.

Ces quelques chiffres permettent aussi de mettre en perspective un choc de l’offre de 30000 logements, ce n’est pas un choc c’est un micro-tremblement. Notons que les 30000 VEFA étaient des logements sociaux !

La production de logements conventionnés Anah oscille entre 7670 et  9700 logements (2014, 2022), dans des montants beaucoup plus réduits en volume depuis les années 2010.

Les écarts entre les valeurs hautes (2008 et 2022) donnent déjà un « manque à gagner » de plus de 16000 logements. Si on est à un choc à 30000, on est à un demi-choc.

Il faut impérativement travailler sur ce levier permettant de créer du logement social et de remettre sur le marché des logements qui l’ont quitté. Cela nécessite d’éviter les raccourcis en voulant calquer les mécanismes du Pinel sur l’économie des opérations Anah. La fin du dispositif Cosse est regrettable dans certains dossiers.

Il est important de travailler dans une logique coordonnée sur l’aide aux travaux (subventions) et la défiscalisation. Les propositions sur un statut fiscal réformé des bailleurs sont une bonne idée en tenant compte de la logique d’amortissement avec des degrés plus ou moins importants suivant les contreparties sociales.

La question de la vacance qui est au cœur de nombreuses initiatives en cours nous montre bien que nous avons une inadéquation de marché entre l’offre et la demande au niveau national sauf à réfléchir à un autre niveau, celui de l’aménagement du territoire. Dans un espace de plus en plus « métropolisé » la seule façon  de pouvoir rééquilibrer les territoires est de renforcer le rôle de l’état (notamment en pilotage et financement de la question des infrastructures de transport) et non de continuer une politique de décentralisation sans vue stratégique.

Enfin toujours dans un rapport à l’histoire, nous avons déjà connu un choc de l’offre avec une production massive de logement dans le cadre des politiques créant les ZUP suite aux décrets de 1958. En 1972 la production de logement atteint son apogée passant de 120 000 logements en 1953 à 546 000 logements mis en chantier. Nous en avons 376000 en 2022 pour 68 millions d'habitants contre 52 en 1972...

Il est nécessaire dans tous les cas de prendre en compte l’inertie de la production de logements. Une production en berne ne se relance pas par des incantations mais avec une volonté politique forte et des moyens financiers. Le déficit de production actuel d’aujourd’hui sera à combler demain, avant le choc il y a le rattrapage.

On peut produire un choc de l’offre, mais cela nécessite des moyens et de la méthode. Cela impose aussi de regarder ce que peut engendrer un vrai choc en termes d’inégalités sociospatiales à terme.

Travailler sur la remise sur le marché des biens existants notamment en quartiers anciens en s’appuyant sur une politique de conventionnement volontariste permet de prendre en compte les enjeux environnementaux et sociétaux, c’est ça le développement durable.





 

Xavier BENOIST

SOLIHA Provence, Seine et Marne et Lille Metropole

11 mois

Certes mais notre pays reste très attaché a une definition statutaire du logement social. .Accepter une definition fonctionnelle est une petite revolution culturelle notamment chez les bailleurs privés qui ne sont pas les mêmes aujourd hui qu il y a 30 ans..La nouvelle generation serait sans doute plus a l aise avec le logement intermediaire qui n est pas social..La diversite des marches et des ecarts de valeur sont telles aujourd hui que ces pistes seraient indispensables a doit d explorer a l echelon local.

BOURDIN Magalie

Chef de service Habitat Logement chez Châteauroux Métropole

11 mois

Il faut commencer par accepter de mettre les moyens financiers nécessaires

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