Retour "historique"​ sur les problématiques liées à l'habitat privé dégradé, manque de Lois ou manque de moyens?

Retour "historique" sur les problématiques liées à l'habitat privé dégradé, manque de Lois ou manque de moyens?

En France, selon la fondation Abbé Pierre en 2018, il existe encore 490 000 logements indignes sur un total de 36 millions d’habitats : 420 000 en métropole (600 000 il y a plus de dix ans) et 70 000 en outre-mer. 50% de ces logements relèvent de propriétaires occupants et 50% de bailleurs dont certains sont des marchands de sommeil.

La problématique du « mal logement » est une problématique récurrente qui, malgré d’importantes avancées au cours des 150 dernières années perdure et menace la santé et la sécurité des occupants de ces logements. 

Exemple de la croissance démographique de Roubaix au XIXe siècle

Au début du XIXe siècle, les conditions générales d’habitat sont, en comparaison aux normes actuelles, particulièrement désastreuses, dans une période de transition démographique et d’exode rural liée à la révolution industrielle. Les besoins de main-d’œuvre autour des centres urbains poussent à la concentration et à la croissance extrêmement rapide de certaines villes.

Les premières topographies médicales et les constats alarmants de certains médecins dès les années 1820 montrent des risques sanitaires importants liés aux facteurs environnementaux liés aux conditions d’habitat notamment de la classe ouvrière, par « manque d’air et de lumière ».

Image de 1932 Choléra

En 1832 et en 1839, la France est frappée par des épidémies de Choléra. Celle de 1832 décime près de 2,5% de la population française. C’est notamment à cette date que les classes aisées commencent à craindre pour leur propre santé qui, selon la théorie des miasmes de l’époque, porté par le courant hygiéniste, pourrait être mise en danger par une « infection de l’air ».

C’est dans ce contexte que la première loi française sur le logement insalubre est votée le 13 avril 1850. Elle établit d'une part les premiers critères du logement insalubre (« logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé des habitants »). Cette loi reste cependant d’une portée modeste en chargeant les conseils municipaux de définir les mesures d'assainissement des logements. C’est à Paris que l’intervention sera la plus significative avec des pouvoirs spéciaux confiés au Préfet de la Seine, notamment le mécanisme de l’expropriation, afin de mener un projet de rénovation urbaine répondant à un double objectif : assurer la sécurité publique dans un Paris ayant connu les évènements de « la Commune » et agir sur la santé en détruisant certains « îlots tuberculeux » et en traitant « l’habitat insalubre ».

Mais les conditions d’habitat restent malgré l’importance des opérations engagées majoritairement exécrables. Les logements sont en général seulement pourvus d’un point d’accès à l’eau dans les cours et l’évacuation des eaux usées se faisait via des « plombs », cuvettes situées sur les paliers. Les excréments étaient stockés dans des fosses insuffisamment vidangées (« l’odieux commerce de nuit ») sources d’odeurs immondes et de danger d’explosions liées à la présence de méthane. 

Aucun texte alternatif pour cette image

Malgré l’épidémie de tuberculose (« la maladie du manque d'air et de lumière »), qui frappe l'Europe en 1871, les premières lois véritablement contraignantes n'apparaissent qu'en 1894 et 1898 avec l'obligation du tout-à-l’égout et du traitement de l'eau pour les nouvelles constructions. La pollution industrielle obligeait par ailleurs à conserver les fenêtres fermées la majorité du temps.

Projet sur l'îlot n°1 "Beaubourg", Paris

Une grande enquête menée par Paul Juillerat de 1894 à 1904 met en évidence des problèmes d'hygiène dans certains quartiers de Paris. Les spécialistes faisaient correspondre l'apparition de cas de tuberculose à la trop forte densité et en particulier à l'étroitesse des voies de circulation par rapport à la hauteur des immeubles. Le Conseil municipal du 8 mars 1906 a ainsi créé une liste de six îlots « tuberculeux » ou insalubres, qui s'étendra à dix-sept îlots après la Première Guerre mondiale.Dans le même temps, les lois sur le lotissement dégradent la situation du logement en France au début du xxe siècle. La volonté de développer le logement bon marché a pris le pas sur les considérations sanitaires. Les habitants de ces lotissements vivent sur des terrains qui certes leur appartiennent, mais où les équipements permettant l'accès à l'hygiène brillent par leur absence. Les habitations prennent alors la forme d'abris de fortune érigés dans la boue tandis que les propriétaires des lotissements réalisent des bénéfices exponentiels en cédant des terrains, ne se souciant pas de leur viabilité en termes de constructibilité et d'aménagement.

Dans ce contexte, plusieurs lois vont jeter les bases d’une intervention plus régulatrice de l’Etat :

•       La loi de 1902 sur la Santé Publique dont le règlement sanitaire de 1904 de Paris est l'application va préciser par son article 33 que : « Le sol de toute pièce d'habitation aura une surface minimum de neuf mètres. Chaque pièce aura un conduit de fumée, sera éclairée, aérée sur rue ou sur cour, équipée d'une baie dont la surface sera égale à 1/6e du sol ». Cette réglementation a des effets contraignants sur la disposition des immeubles. En cela, elle préfigure le droit de l'urbanisme.

•       La loi sur l’assainissement forcé de 1912 qui va répondre aux problématiques rencontrées notamment dans les passages couverts parisiens quant au non-entretien des canalisations enterrées. Elle va en ce sens être précurseure de la loi sur la copropriété en forçant les propriétaires à gérer des parties communes indivises d’une part. Mais, d’autre part, elle va également permettre des mécanismes d’intervention coercitive du préfet au titre de la santé publique suivant une logique de ce que l’on nommera plus tard les « travaux d’office ».

•       La loi Sarraut du 15 mars 1928 qui impose un minimum de réglementation dans le lotissement en exigeant le concours de l’État à « l'aménagement des lotissements défectueux » et endiguera ainsi la crise des « mal-lotis ».

Crise du logement, Wikipédia

Le 14 août 1914, quelques jours après l'entrée en guerre contre l'Allemagne, le gouvernement français accorde les premiers « délais moratoires » aux combattants et à leurs familles. Ceux-ci se voient dispenser de payer leur loyer jusqu'à la fin de la guerre, que chacun espère courte. 

Cette disposition exceptionnelle est dans l'ordre des choses : il ne s'agit pas que des femmes et des enfants soient jetés à la rue pendant que le chef de famille risque sa vie pour la patrie.  Mais comme le conflit se prolonge, les délais moratoires sont renouvelés jusqu'à concerner 80% des locataires et devenir le régime général. Par la loi du 9 mars 1918, le gouvernement fige cet état de fait. Il accorde aux locataires la prolongation indéfinie de leur bail. Les locataires, dès lors, n'ont plus intérêt à quitter leur logement, même lorsque celui-ci devient trop grand pour eux après un veuvage ou le départ des enfants. Quant aux propriétaires, dont les revenus ne suivent plus l'inflation, ils renoncent à entretenir leur bien. Enfin, les investisseurs potentiels, échaudés par l'interventionnisme de l'État, y regardent à deux fois avant de se lancer dans la construction.

On assiste à une pénurie grandissante, avec d'un côté des logements anciens souvent sous-occupés et gagnés par la vétusté, d'un autre côté des chantiers trop rares. Entre les deux guerres mondiales, les logements réputés vétustes passent de 150.000 à près de 3 millions. 

Roubaix, journaux de 1944, la problématique du logement à l'origine de la création du premier CIL

Cette situation conduit à une crise du logement sans précédent et entraînera une série d’actions visant à sortir de cette situation : le développement du logement social d’une part, la création des Cil (en 1943 à Roubaix et généralisé en 1953), l’action associative avec la création du mouvement Propagande et Action Contre les Taudis (PACT) ou encore l’appel de l’abbé Pierre en 1954. 

Le 31 décembre 1958, par un décret, la rénovation urbaine est lancée et va agir notamment sur les zones des bidonvilles recensés notamment par création des ZUP. Au cours du Ve plan 239 opérations sont lancées visant à la création de 152 000 logements via la destruction de 103 000 logements.

Face à l’ampleur des destructions, la loi de 1962, dites loi Malraux, va instituer un programme de sauvegarde du patrimoine et l’idée de réhabiliter les logements par les propriétaires selon le mécanisme des opérations groupées de restauration immobilière (OGRI) va être engagé la même année, sur proposition du mouvement PACT et à titre expérimental.

Extrait des débats relatifs à la loi Vivien 1970, Archives Assemblée Nationale

La loi du 10 juillet 1970, dite « Loi Vivien », va prendre le relais des décrets relatifs à la rénovation urbaine en fixant un cadre aux opérations de Résorption de l’Habitat Insalubre par application des mécanismes de récupération foncière et par le fondement de l’utilité publique sur la base des arrêtés d’insalubrité irrémédiable et de péril avec interdiction définitive d’habiter. Cette loi prend mieux en compte les considérations sociales des occupants à la différence des mécanismes antérieurs. Elle est complétée par un financement dit « RHI » basé sur une logique de subvention au déficit du bilan de l’opération d’aménagement visant à démolir les logements insalubres et à produire du logement social.

En 1971, la création de l’Anah, caisse mutualisée de propriétaires bailleurs, va permettre d’aider ces derniers à réhabiliter leur logement avec des subventions en échange d’un conventionnement des loyers à niveau modéré pendant une durée minimum de neuf ans. Cette intervention s’inscrit dans la logique de mise en place d’un « marché du logement » notamment porté par l’instauration des aides personnalisées au logement.

En 1977, la création des Opah, appuyée par le Fond d’Aménagement Urbain (FAU), permet d’intervenir dans une logique incitative en traitant à la fois les problématiques d’habitat, mais également des actions à vocation urbaine. La première génération d’Opah – jusqu’à la décentralisation de 1983- se rapproche donc des logiques plus tard développées par l’ANRU dans le PNRU et le PNRQAD.

La mise à niveau du parc de logement grâce aux Opah est indéniable et le bilan des 20 ans d’Opah met en lumière les effets positifs de cette intervention, mais elle en souligne aussi les limites en indiquant la nécessiter d’agir de manière plus coercitive face aux situations bloquées et aux propriétaires indélicats.

La création de la « grande Anah » en 2000 marque cette évolution avec le fusionnement des aides aux propriétaires occupants et des propriétaires bailleurs. Cette période est également marquée par les premières actions en direction des copropriétés dégradées (1996) et ouvre la voie à une série de lois qui vont chacune renforcée les moyens d’action en direction de la lutte contre l’habitat indigne.

La création du pôle national de lutte contre l’habitat indigne, présidé par Nancy Bouché entre 2002 et 2009 participera à faire émerger des outils adaptés aux différents contextes rencontrés sur le terrain.

Pas moins de 8 lois se sont succédé depuis 1996 prévoyant des dispositions particulières relatives à la lutte contre l’habitat indigne :

•       Loi du 14 novembre 1996 relatif à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville ;

•       13 décembre 2000 promulgation de la loi n° 2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (« Loi SRU ») ;

•       1er août 2003 promulgation de la loi 2003-710 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;

•       6 juillet 2006, loi relative à l’engagement national pour le logement, dite loi ENL ;

•       5 mars 2007 promulgation de la loi n° 2007-290 instituant le droit au logement opposable ("Loi Dalo") ;

•       25 mars 2009 promulgation de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (loi MOLLE) ;

•       24 mars 2014 promulgation de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – loi ALUR ;

•       23 novembre 2018 promulgation de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN).

Ces lois sont également complétées par la loi Letchimy (loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer) qui prend en compte les spécificités des territoires ultra-marins.

L’ensemble de ces lois a été complété par de nombreux décrets et de mesures complémentaires. L’ensemble de cette inflation législative permet de déduire 2 éléments importants :

•       L’ensemble de « l’arsenal » d’intervention pour lutter contre l’habitat indigne est particulièrement riche, complexe, mais permet de s’adapter aux différentes situations rencontrées sur le terrain.

•       La succession des Lois montre bien que la problématique perdure malgré l’engagement et l’action des différents gouvernements sur cette question. 


En conclusion, au regard de ce panorama historique, nous pouvons avancer que ce n’est pas tant la question de la complexité technique de l’intervention qui est le principal problème pour lutter contre l’habitat indigne, c’est avant tout un problème de moyens humains et financiers pour mettre en œuvre l’ensemble des textes existants. 

Crédits @Develop'Toit librement inspiré des éléments disponibles sur Internet + Wikipédia

Intéressant rappel historique Guillaume. 🙏

Geoffroy ALIMONDO

Consultant indépendant en urbanisme et habitat

5 ans

Cette mise en perspective historique est tout à fait pertinente, et rappelle à quel point le temps de maturation du droit est long. J'ajouterais aux éléments cités quelques compléments, et notamment : > La création du FNAH, dès 1945, qui a précédé à celle de l'Anah, et qui visait notamment à éviter le développement d'un parc à deux vitesses dans le contexte de la reconstruction ; > "L'hausmannisation" de tissus urbains obsolètes, au titre de l'hygiénisme, a touché le territoire de façon très disparate... ce qui explique d'ailleurs partiellement la sous-évaluation criante (et surprenante, venant de la fondation Abbé Pierre) du parc de logements indignes et dégradés en France. Je pourrais à ce titre donner de nombreux exemples de petits bourgs ou villes dont le cadastre et les formes urbaines actuelles sont quasiment identiques à celles du XIXème siècle. Je rejoins par ailleurs vos conclusions : si le droit est arrivé à maturité (quoiqu'il demeure bien sûr perfectible), il nous manque aujourd'hui les moyens de le mettre en oeuvre. Je souhaiterais à ce titre abonder dans votre sens en m'essayant à prolonger l'analyse, en caractérisant notamment le manque de moyens dans le contexte particulier que l'on connaît, plus particulièrement pour la filière de l’aménagement. En 2001, l'Anah publiait pour ses 30 ans un document qui stipulait dans son préambule que "la géographie des OPAH avait dessiné la géographie des quartiers dégradés", formule très intéressante qui d'une part soulignait l'articulation nécessaire de différentes filières opérationnelles pour traiter l'ensemble des situations rencontrées dans le parc privé, et d'autre part pointait la limite de l'OPAH, qui se révélait inopérante sur les problématiques les plus dures. Le constat est ancien (et a même en partie précidé aux lois Malraux et Vivien !) : là où l'habitat indigne est structurel, la filière d'intervention requise est celle de l'aménagement, c'est à dire le recours à l'intervention publique au titre du dépassement de l'échelle du logement, de l'immeuble et/ou de la parcelle, et par conséquent, l’indépassable nécessité de la maîtrise foncière. Dès lors que "l'hausmannisation" n'a pas touché le territoire métropolitain de façon homogène, l’on doit en déduire que l'habitat indigne "structurel", c'est à dire consubstantiel d'une forme urbaine donnée (et aujourd’hui obsolète), constitue encore une part importante de nos centres anciens (bourgs et villes), et qu'à ce titre, non seulement le nombre de logements indignes est effectivement largement sous-estimé, mais que les moyens d'interventions requis se précisent et relèvent mécaniquement de l'aménagement (articulée avec les autres filières de l’action publique pour couvrir l’intégralité du spectre des situations évoquées). Cependant, sur les tissus anciens, au vu de mon expérience, je constate que les pathologies à l'origine d'un mal logement structurel sont systématiquement de nature urbaine (excès de densité, mauvaise qualité constructive, imbrication structurelle du bâti, morcellement progressif du parcellaire...), et très rarement immobilière. Dès lors, attendre une réponse à l'échelle de la parcelle, qui incarne schématiquement l'échelle de l'intervention privée et des problématiques immobilières (techniquement mais également au vu de la structure française de la propriété), est inopérant et donc voué à l'échec. Il y a en effet ici une inadéquation fondamentale entre l'échelle des enjeux et l'échelle de l'action. Ce constat appelle de façon catégorique à la filière de l'aménagement pour traiter les tissus urbains structurellement générateur de mal logement. Or, l'aménagement en tissu urbain constitué, donc le renouvellement urbain, a toujours eu un modèle économique déficitaire, reposant sur la participation publique, au titre de l'équilibre du bilan d'opération. Ce fut d'ailleurs longtemps la clé de détermination, comme l'a parfaitement démontré Thierry Vilmin, entre les opérations "simples" (pouvant être portées dans leur phases foncières comme immobilières par le secteur privé) et les opérations "complexes", dévolues à la puissance publique pour leur partie foncière. C'est d'ailleurs un déficit prévisionnel d'opération qui constitue l'assiette subventionnable des financements THIRORI/RHI de l'Anah centrale ! Seulement, il n'est pas inutile de rappeler le cours des 20 dernières années, pendant lesquelles, schématiquement, deux courbes se croisent qui rendent aujourd'hui insoluble - ou, dans le meilleur des cas, très insuffisante - l'équation économique de l'aménagement complexe : > De façon générale, et sauf exceptions qui ne sont finalement pas si nombreuses, la matière première de l'aménagement (le foncier bâti) a vu sa valeur tripler entre 1998 et aujourd'hui ; > A l'inverse, la capacité d'investissement des collectivités, depuis 2008 (première RGPP, puis une cure d'amaigrissement par gouvernement, toutes majorités confondues...), a été globalement divisée par deux. Il n'est pas difficile de comprendre que le modèle économique de l'aménagement a volé en éclat, sans solution de remplacement. Pour le dire en d'autres termes, les politiques publiques ne sont désormais plus capables de suivre le "cours du marché". D'autres conséquences de "l'austérité" (qui doit être ici nommée précisément) doivent être également pointées pour comprendre l'étendue des enjeux, notamment la fonte généralisée des effectifs de "l'ingénierie territoriale", au niveau des services de l'Etat au sens large (des ARS à l'état déconcentré) comme de ceux des collectivités territoriales, ici encore au sens large. Or l'aménagement en quartier ancien est un exercice technique et complexe (qui se heurte par ailleurs à un déficit criant de compétence), et ne peut aboutir sans un niveau suffisant d'ingénierie d'une part, ni sans investissement public conséquent (et toujours plus conséquent à mesure que les marchés seront à la hausse) d'autre part. Aucune de ces deux conditions n’étant réunies, un tel contexte conduit à l'inertie, souvent jusqu'au drame (lorsque, par exemple, les immeubles tombent d'eux-mêmes comme ce fut le cas à Marseille l’an passé). Aussi, je crois qu'il est important de mettre en rapport les deux mouvements profonds qui traversent les 20 dernières années en matière de lutte contre l'habitat dégradé et indigne : la maturation progressive du droit (avec notamment le tournant de la Loi SRU, mais aussi toutes les passerelles prévues par le législateur entre les différentes filières d’intervention – incitative, coercitive, substitution publique [càd aménagement]), et le rétrécissement continu des moyens de l'action publique, dans un contexte de hausse quasi-générale des marchés immobiliers et fonciers. Cette analyse appelle à des réflexions fondamentalement politiques (et non partisanes), sur le rôle des pouvoirs publics, la place et/ou le rôle du "marché" (lequel porte dans le cas d'espèce sur un bien [le logement] répondant à un besoin fondamental [se loger], et non sur une marchandise relevant du loisir ou de la liberté de choix), la disparition progressive de l’offre de logements intermédiaires portée par les grands bailleurs institutionnels et le durcissement consécutif des conditions d’accès au logement pour une part toujours plus importante des ménages (à mesure que se contracte l’offre sociale et qu’augmentent simultanément les prix de marché…), l’impact de la méthodologie du compte à rebours sur la détermination du montant de la charge foncière et donc sur les bilans d’aménagement (ne faudrait-il rendre public les bilans promoteurs ?)… Ces quelques questions nous rappellent que l’habitat indigne et dégradé est une conséquence et non une cause. Or, si le droit est aujourd’hui mature du point de vue opérationnel pour traiter les conséquences, rien n’est encore prévu pour s’attaquer profondément aux causes de ce phénomène. Car sauf à considérer à modèle constant que l'habitat indigne est un projet de société, la situation actuelle doit nous interpeller quant à l'incapacité structurelle de nos moyens combinés à intervenir à la bonne échelle, alors même que le droit semble (presque) nous le permettre.

Bravo Guillaume pour avoir repris l'histoire ! Instructif pour ceux qui croient encore qu'il " n'y a qu'a faut qu'on" ou le mythe de la police unique... On ne peut traiter avec le meme medicament un rhume et la peste porcine ... Comme vous le concluez si bien, ce ne sont pas les procedures qui sont complexes, mais bien les situations a traiter...et si tous les propriétaires étaient riches, soucieux de leurs biens et des locataires universellement riches et honnetes, les copropriétés bien gerees avec des copropriétaires riches et de bonne foi et des immeubles bien construits, il n'y aurait aucun probleme ! Pas plus si toutes les collectivités, Etat compris, etaient courageuses et competentes... Quant au chiffrages publics de l'habitat indigne annoncés, ils sont parfaitement fantaisistes et sous-évalués. Il suffit de travailler a partir de l' Insee, du Ggdd, de la Drees ou de la Cnis pour trouver un chiffrage tres largement au dessus de 1 million de logements......C'est de l'incompetence ou de la mauvaise foi ? A suivre... Nancy Bouché

Merci pour cette synthèse limpide

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