LE BURN-OUT DU COVID

LE BURN-OUT DU COVID

Attitude de retrait, perte d’efficacité dans le travail, sentiments négatifs, manque d’énergie, épuisement… Parle-t-on des symptômes caractéristiques d’un burn-out, maladie professionnelle reconnue par l’OMS, ou de ceux provoqués, à l’échelle de la planète, par le virus SARS-CoVid-2[1]? En d’autres termes, le Covid 19 serait-il la manifestation d’un burn-out collectif ?

Les causes du burn-out individuel

Les causes d’un burn-out dépendent de l’histoire personnelle du « malade » concerné. Mais on y relève de traits communs. 

La gestion de nos ressources

Pour commencer la personne diagnostiquée en burn-out a accumulé les heures de travail sans prendre le temps suffisant pour se reposer et reconstituer ses réserves. Elle subit une tension permanente, un état de stress critique c’est-à-dire un niveau qui ne baisse pas suffisamment pour retrouver l’énergie suffisante pour repartir. Et un vilain jour, elle ne repart plus… 

Le manque de reconnaissance

Ensuite les individus touchés par le Syndrome d’épuisement professionnel[2] se disent en manque de reconnaissance ; du travail accompli, des efforts consentis, des difficultés rencontrées. Les responsabilités qu’ils prennent en charge deviennent trop lourdes à porter. Ils ont besoin d’aide mais ont le sentiment que leur détresse n’est écoutée par personne, malgré les signaux et les alertes émises.

Comme si se dressait entre eux et leur sphère sociale un mur infranchissable ou une faille insondable. 

La perte de sens

Enfin et peut-être surtout, le burn-out se caractérise par une perte de direction, de sens. Se décrivant parfois comme des bêtes de somme, comme des hamsters tournant dans leur roue, les personnes en burn-out ont l’impression de faire du sur-place malgré leurs efforts pour avancer. En fait, elles ne savent plus pour quoi et pour qui elles agissent. Elles reconnaissent souvent qu’elles placent les demandes et les besoins des autres avant les leurs. 

Les causes du burn-out collectif

Si on considère l’humanité comme un système, les causes du burn-out collectif trouvent leurs origines dans les grandes divisions mises en exergue par Otto Scharmer Maître de conférences au M.I.T. dans la Théorie U[3]

La division écologique

La faille s’agrandit entre nous et notre environnement. La liste des exemples est malheureusement trop longue pour être ici entamée. L’environnement n’est plus un ami, un compagnon dont il faut prendre soin, une ressource qu’il faut savoir gérer en écoutant ses besoins. Nos sociétés consomment sans compter des ressources naturelles qui n’ont même plus le temps de se reconstituer[4]. On emprunte à la psychologie des termes utilisés pour l’individu en parlant de stress hydrique dans les régions sèches pour parler des tensions autour de l’eau. Ironie cynique de la nature, l’apparition du SARS-CoV-2 est en lien direct avec ces questions écologiques. La disparition accélérée de l’habitat naturel des animaux sauvages les pousse à se rapprocher des villes et donc des hommes qui ne sont pas immunisés contre les virus qu’ils se transmettent. Dans le cas du foyer chinois, il semble que ce soit la vente traditionnelle d’animaux sauvages sur les marchés qui soit à l’origine de la transmission du virus à l’homme. 

La division sociale

La faille s’accentue chaque jour un peu plus entre nous, l’autre et les autres. Nous observons que chacun tend à se renfermer sur sa communauté, à rester dans l’entre-soi, à mettre à distance le différent ou l’inconnu, bref, à ne pas le reconnaître. Aux Etats-Unis, l’idée de mur est passée du registre du symbole à celui de la réalité. En France, ce sentiment de séparation s’est exprimé lors de la crise des gilets jaunes qui se plaignent d’un manque de considération, d’écoute, de reconnaissance. Des décisions sont prises dans des cercles fermés à l’altérité : politiques, spécialistes, experts, dirigeants d’entreprise sortent souvent des mêmes écoles, des mêmes milieux, logent dans les mêmes quartiers et ne se frottent plus au quotidien d’autres groupes sociaux. En entreprise les Managers recrutent des « comme eux » croyant que cela facilitera le partage de culture et limitera les désaccords. Les décisions sont alors prises sans concertation avec ceux qui seront impactés et qui risquent un jour de se « rebeller » contre ce manque de considération. 

La division intra-personnelle

De soi avec soi. Conséquence ou phénomène parallèle, au manque de reconnaissance de soi par l’autre, s’ajoute le manque de valorisation de nos actions par nous-mêmes. 

La petite ou grande angoisse du dimanche soir, la fatigue chronique, le manque de motivation, la recherche de plaisirs illusoires au travers de nos consommations compulsives, de l’usage de drogues, de comportements à risque (…) témoignent de la perte de sens de nos existences. Très nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi ils se lèvent le matin, se questionnent sur l’utilité de leur contribution au collectif et le nombre de suicides dans le monde est devenu plus important que le cumul des décès par mort violente (guerres ou accidents): terrible donnée ! D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, une personne sur 5 dans le monde va être touchée par la dépression. Nous ne percevons plus les effets de nos actions ou pire encore, elles nous paraissent aller à l’encontre de ce qui nous ferait du bien, de ce dont l’humanité a besoin pour continuer à avancer. 

Le Covid 19, burn-out de nos sociétés

Le Covid 19 n’est pas un simple virus. A la différence d’un virus « classique » tel celui de la grippe, le Covid 19 ne concerne pas que les malades et leur entourage ; il nous impacte tous, à une échelle jamais atteinte jusqu’ici et ses manifestations symptomatiques sont à rapprocher des symptômes du burn-out individuel.  Le monde se met en retrait au travers du confinement. Vécu de façon différente selon qu’on est seul ou accompagné, en ville ou à la campagne, en France ou en Inde, ce retrait du monde a transformé notre quotidien. La perte d’efficacité dans le travail et la baisse de la production sont  évidents : Zoom ou Skype ne solutionnent pas tout et en France le chômage partiel est devenu un statut à part entière. L’expression de « sentiments négatifs » est aussi présente, avec une méfiance accrue à l’égard des élites et des étrangers qui transportent ce mal. Quant au manque d’énergie, en anticipant un peu, il pourra être rapproché du manque de liquidités à venir de nos économies au vu des dépenses de soutien engagées et en espérant que nous n’aurons pas à parler d’épuisement… 

Et maintenant… ?

La crise produit ses effets. On constate une baisse spectaculaire des niveaux de pollution. Des professions habituellement dévalorisées (infirmières, aides-soignants, professeurs, chauffeurs-livreurs, éboueurs, vigiles ou forces de maintien de l’ordre …), retrouvent le sens de leur activité grâce à la reconnaissance unanime de la collectivité. Nos mails et nos messages démarrent désormais par un « Comment vas-tu ? » ou encore « Je t’espère en bonne santé » et se terminent par un touchant et empathique « Prends soin de toi et de tes proches » qui témoignent d’une attention retrouvée pour l’autre. Nos réseaux relaient des initiatives de solidarité aussi nombreuses que variées. La prise en charge globale et politique de cette crise nous en dit aussi beaucoup sur l’inflexion à l’œuvre. Dans la course effrénée à la rentabilité, le primat de l’économie sur l’homme semble marquer le pas. Les gouvernements de, presque, tous les pays ont décidé de mettre la protection de la santé de leur concitoyens avant la défense des agrégats macro-économiques et ce même si ces citoyens  ne sont plus « productifs » parce que trop âgés. 

Comme lorsque l’individu se retrouve en burn-out, notre système connait un point de bascule qui offre l’occasion de nous penser de façon différente, individuellement et collectivement, en questionnant les apparences, les habitudes, les certitudes pour laisser émerger une nouvelle façon d’être ensemble, d’écouter et de prendre soin du monde… Il s’agit maintenant de saisir cette opportunité en y apportant toute notre vigilance et notre engagement…

Emmanuelle Francblu Blecher

Directrice du cabinet PRACTIS Formation, Facilitation, Coaching



[1] Le terme SARS-CoVid-2 est le nom du virus de la famille des Coronavirus qui décelnche la maladie appelée Covid 19

[2] Le Symptôme d’épuisement professionnel est une autre appellation du Burn-out

[3] Théorie U : Diriger à partir du futur émergent- Otto Scharmer – Ed. Yves Michel

[4] Le jour du dépassement se situe désormais début août voire fin juillet. C’est le jour à partir duquel nous commençons à consommer plus que l’ensemble des ressources que la Terre peut produire en une année. 

sophie orsel

Responsable Formation chez 1001 vies Habitat

4 ans

Tellement juste!

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Emmanuelle Francblu Blecher

Autres pages consultées

Explorer les sujets