Le Bus

Matin d’hiver. L’horloge rouge de la cuisine affiche 07h18, le ramassage scolaire passe à 07h20, sept cent mètres me séparent. Mon corps n’est pas prêt, mon esprit lui est déterminé. J’aurai ce bus, je dois l’avoir, je ne peux pas ne pas y arriver. Matinée sombre, fraîche, calme, mon cœur s’emballe et participe à l’effort de guerre. Je traverse la départementale en esquivant les comètes d’argent. Je suis maintenant piégé entre cette voie infernale et un mur, je cours de toutes mes forces, les pleures transfigurent ce paysage où tout bouge bien trop vite, bien trop tôt. La ligne droite me paraît interminable, et pourtant je dois encore courir. Je vois le bus au loin, il est à l’arrêt, mais ne clignote pas encore. Ça y est, j’aperçois les portes se refermer, et pourtant je suis encore loin d’y être. Les roues tournent, la machine s’enivre, et pourtant s’arrête. Les portes s’ouvrent, je vois mes camarades taper les fenêtres, le chauffeur a pour cette fois bien voulu me faire une faveur, et a répondu aux requêtes de la tribu.

Je crois bien avoir vécu le moment le plus intense de la journée. Dorénavant, tout me paraît fade, mise à part la sonnerie m’indiquant la fin de la journée. Je l’attends, comme le Saint-Graal. Rien ne peut empêcher le processus, je suis contraint d’accepter ma destinée. Je dois rester assis, écouter, somnoler, écrire, mimer, feindre, acquiescer, persévérer. Le cirque dure, ne s’arrête jamais. Mon seul rêve est pourtant simple : m’envoler, traverser l’horizon, ne jamais m’arrêter. Je rêvasse, rêve d’une terre promise où seule, par monts et par vaux, l’aventure entraîne.

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