Le chiffre noir de l’inceste : une omerta qui freine l’identification des victimes

Le chiffre noir de l’inceste : une omerta qui freine l’identification des victimes

Un an après la dénonciation de la pédophilie dans « le consentement » de Vanessa Springora, l’actualité littéraire vient nous rappeler la dure réalité des violences sexuelles intrafamiliales qui touchent un français sur dix durant leur enfance.

Le livre « La Familia Grande » de Camille Kouchner est un témoignage sur la conduite incestueuse perpétrée par son beau-père à l’encontre de son frère jumeau tout juste âgé de 14 ans.

Ce récit poignant démontre que le fléau frappe tous les milieux et qu’il est très difficile de briser le silence qui l’entoure.

Il donne aussi l’occasion de rappeler les défis juridiques complexes qui pèsent sur la notion d’inceste, la question des mineurs et les problèmes de prescription de ces crimes.

L’interdiction d’une relation incestueuse entre un majeur et un mineur n’a été inscrite que très récemment dans le code pénal avec la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance.

L’article 222-31-1 désigne l’inceste comme « les viols et les agressions sexuelles commises sur un mineur par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce ou par le conjoint/ concubin de ces personnes si cette personne a sur la victime une autorité de droit ou de fait ».

Mais la loi du 3 aout 2018 sur les violences sexuelles n’a pas prévu d’âge plancher sous lequel la contrainte serait présumée.

En l’absence de présomption de non consentement, l’enfant victime d’un viol ou d’une agression sexuelle, doit donc démontrer l’existence d’une situation de violence, de contrainte, de menace ou de surprise et la réalisation d’un acte sexuel pour que l’infraction soit caractérisée et l’auteur condamné.

Dans le cadre de la famille, c’est une charge bien trop lourde à relever seul.

D’autant que le rallongement de la prescription à 30ans à compter de la majorité de la victime, ne suffit pas toujours à faire émerger cette vérité dans les temps.

La prescription des faits évoqués par Camille Kouchner illustre l’inadaptation des nouveaux délais dans la sphère familiale où la dénonciation relève d’un long et très complexe cheminement des victimes ou de leur entourage avant de se libérer de l’emprise du milieu ou de leur agresseur.

Aussi, il est important qu’une sensibilisation par l’information se développe précocement pour que les enfants sachent que des dispositifs pluridisciplinaires de soutien comprenant associations, psychologues et avocats peuvent les aider à se libérer de leur aliénation psychologique et affective.

La profession d’avocat peut jouer un rôle prépondérant de lien entre le médico-social et le judiciaire pour aider les victimes à se libérer, se protéger et être reconnues sur le versant pénal et indemnitaire.

Sur le plan de l’action gouvernementale, il faudra prendre un peu de recul pour jauger de l’utilité de la Commission indépendante sur les violences sexuelles sur mineurs qui vient d’être créée récemment.

D’ores et déjà dans le contexte du livre de Camille Kouchner, le choix de sa présidente n’apparait pas comme la meilleure des augures.

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