Le citoyen, les territoires et les acteurs de l’énergie, trois piliers de la réussite de la transition énergétique

Lundi 8 avril se déroulait la journée de restitution du Grand Débat National. Heureux hasard, c’était également l’occasion pour nous d’accueillir Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès du Ministre d’Etat, Ministre de la transition écologique et solidaire ainsi que Sylvie Jehanno, Présidente Directrice Générale de Dalkia, pour le lancement de notre cycle 2019 du Club Les Echos Prospective. L’occasion d’échanger autour du rôle fondamental des citoyens, des entreprises et des collectivités publiques comme facteurs clés de succès de la transition énergétique.

Le citoyen, au cœur de la transition énergétique

Après une phase initiale où le thème de l’Environnement et de l’Energie ne ressortait pas comme majeur, celui-ci ressort finalement comme l’un des sujets principaux du Grand Débat National. Emmanuelle Wargon a évoqué trois leçons majeures qui s’en détachent :

-       Le fait qu’une mobilisation sur le sujet du climat est nécessaire

-       86% des participants sur la plateforme déclarent qu’ils pensent pouvoir contribuer eux-mêmes à la transition énergétique ;

-       Plus de 70% de ces mêmes répondants pensent pouvoir faire des économies grâce à la transition énergétique ;

De bonnes nouvelles donc, qui corroborent notre étude portée par Elabe et Wavestone, qui mettait en avant le fait que les Français faisaient d’abord confiance aux ONG, aux associations (58% dont 66% pour les 18-24 ans), les collectivités locales (57% dont 70% pour les 18-24 ans) et les citoyens eux-mêmes à hauteur de 54%, pour réussir la transition énergétique en France.

Si ces enseignements sont encourageants, la Secrétaire d’Etat à la transition énergétique a cependant relativisé : le Grand Débat National a également mis en avant le décalage très fort entre les « techniciens » de l’énergie et la population, notamment au niveau de la trajectoire carbone et de ses coûts associés. Ce décalage étant d’autant plus problématique qu’une transition énergétique réussie réside dans l'implication du citoyen dans la cité : c'est l’investissement de chacun au service de l'intérêt général qui est la racine du vivre ensemble et du réussir ensemble.

Mobiliser les citoyens avec les territoires tout en associant les acteurs privés de l’énergie 

Lors du débat, un consensus a cependant émergé : loin d’opposer citoyens, territoires, et acteurs privés du fait d’intérêts divergents, il faut au contraire associer tous ces acteurs.

Pour Sylvie Jehanno, à partir du moment où il y a une réelle volonté de diminuer les émissions de carbone, notamment au niveau des territoires, tous les projets sont imaginables. C’est le cas par exemple du partenariat entre la collectivité de Charleville, Dalkia, PSA et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) : grâce à un investissement de 10 millions d’euros de Dalkia, supporté par le Fonds Chaleur de l’ADEME, la chaleur des fonderies de PSA est récupérée et transformée en chauffage pour les habitants de Charleville, se substituant aux énergies carbonées, tout en baissant la facture de chauffage des citoyens. Ce partenariat illustre bien le fait que pour mettre en œuvre la transition énergétique, développer, opérer et déployer des solutions acceptables et abordables, il nous faut disposer d’acteurs économiques et d’entreprises mobilisées et performantes.

Pour Emmanuelle Wargon, la question de la mobilisation des territoires se pose également avec d’autant plus d’importance que la transition énergétique suppose un véritable changement dans l’organisation du système énergétique : en passant d’un système centralisé à un système décentralisé (c’est-à-dire en passant du nucléaire ou du gaz à de la méthanisation, de l’éolien ou du solaire par exemple), on se rapproche des territoires et des citoyens : la question de l’acceptabilité devient alors centrale du fait de cette proximité.

Les prochaines mandatures régionales et municipales seront ainsi décisives pour passer de l’intention à la concrétisation des projets, à l’échelle des enjeux de la transition énergétique. Pour cela, il est primordial que chaque collectivité locale et territoriale s’approprie pleinement le rôle qui lui a été donné.

Pour dépasser les discours d’intention, les Régions ont un enjeu à clarifier les priorités et orchestrer les acteurs, à partir des spécificités de leurs territoire.

Faire évoluer les mentalités et les pratiques

La question des moyens mis en œuvre pour enclencher une dynamique de transition est essentielle.

Sylvie Jehanno a notamment évoqué la question du recrutement et des compétences, centrale selon elle. Il y a aujourd’hui une forte demande (Dalkia a ainsi recruté 2 000 personnes l’année dernière, sur un total de 16 000), et il n’est pas facile de recruter des talents.

La question de la diversité des équipes se pose également, lorsque l’on sait que le taux de féminisation des effectifs dans le secteur de l’énergie était d’un peu plus de 20% en 2002 lors de la 1ère enquête de la branche des Industriels Electriques et Gazières, et qu’il est aujourd’hui d’un peu moins de 30%. Les initiatives se multiplient donc pour tenter de féminiser la filière, comme en témoigne par exemple la création du prix « Women Energy In Transition » par Dalkia, qui vise à encourager et soutenir financièrement des femmes aux parcours remarquables dans les domaines de la transition énergétique.

Au-delà des questions de talents et de compétences, se pose aussi la question du financement de la transition énergétique.

Si les financements publics sont essentiels, notamment dans le cadre de la PPE ou du Fonds Chaleur par exemple, le levier de l’investissement privé n’en demeure pas moins capital : il s’agit ainsi de choisir entre une politique d’incitation versus une politique de contrainte pour accroitre les investissements s’inscrivant dans la transition énergétique.

Pour Emmanuelle Wargon, les certificats d’énergie représentent une partie de la solution, tout comme les mécanismes de contrats de performance énergétique : certains mécanismes économiques sont déjà en place, et une étape supplémentaire pourrait être franchie au niveau européen, notamment concernant la taxation de l’aérien par exemple, ou encore sur les produits importés.

Enfin, l’évolution des mentalités pourrait constituer la transformation la plus considérable pour s’engager résolument dans la transition énergétique. Sylvie Jehanno tout comme Emmanuelle Wargon l’ont affirmé : au niveau de Dalkia, Sylvie Jehanno constate que l’entreprise est amenée à évoluer sur son rôle, en étant de plus interpellée dans les appels d’offre sur le sujet de la citoyenneté en tant qu’entreprise : on leur demande ainsi de réaliser des actions de pédagogie et de sensibilisation auprès des citoyens, au-delà de leurs prestations plus classiques. La secrétaire d’Etat va dans le même sens, en affirmant qu’il est essentiel de réinventer collectivement un futur dans lequel on puisse concilier création de valeur et transition énergétique, qui fasse « rêver, et non cauchemarder ».

Nous avons tous les outils pour enclencher un véritable mouvement vers la transition énergétique. Il n’appartient qu’à nous, citoyens, entreprises, collectivités publiques, de faire un pas en avant et de nous transformer collectivement.

Un grand merci à Sylvie Jehanno et à Emmanuelle Wargon pour avoir accepté de débattre avec nous autour de ce sujet capital qu’est la transition énergétique, et de nous avoir apporté leurs visions complémentaires.

Pour en savoir plus sur notre vision de la transition énergétique, découvrez notre publication « Transition Energétique : le temps des citoyens et des territoires ? »

Merci à Lucie Villain pour son appui pour la rédaction de cet article.