Le coaching, un saut dans le vide ?

Le coaching, un saut dans le vide ?

A quoi pourrait bien ressembler un saut dans le vide, au coeur d’une ère dont la finalité fait résonner des accords de « trop pleins » ? Trop de vitesse, trop de mépris, trop de non-dits, trop d’incompréhensions, trop de stress, trop de priorités, trop de honte, trop de contrôle, trop d’égo, trop de certitudes, trop de complexité, trop de trop, trop de tout. 

Si le vide est en philosophie l’élément créateur du monde, il est dans nos sociétés actuelles, fui comme la peste, associé aux démons intérieurs, vécu comme une peur, un sentiment suspect, chassé par le plein, l’inondé, l’overdose.

Les représentations de cet état saturé sont nombreuses : 

A commencer dans les esprits : Courses, devoirs, carrière, cuisine, cadeaux, rendez-vous chez le dentiste… la liste s’allonge sans cesse et se renouvelle. Un hamster fou trotte dans les têtes faisant tourner la roue infernale de la culpabilité. Le temps saturé devient le nouveau marqueur social. 

Dans les corps : l’obésité, le fléau du siècle. L’accumulation excessive de graisse observée dans les chairs va de pair avec la multiplication des fastfoods implantés à chaque coin de rue. Si la tendance actuelle se confirme, près d’un quart de la population mondiale sera obèse en 2045 avertissent les chercheurs. 

Dans les entreprises : Les agendas regorgent de rendez-vous, réunions de partout, les pauses dej sont désormais dédiées à la pratique du sport et c’est dans le métro que l’on traite ses mails, faute de temps au bureau.

Dans les séminaires d’équipe, l’une des principales difficultés du coach n’est pas de concevoir un programme qui ait du sens pour l’équipe, mais de parvenir à préserver quelques micro-temps de respiration pour restaurer les capacités d’interaction de collectifs rincés. 

Dans les rues : Voitures, bus, vélos, trottinettes électriques, les moyens de transports affluent pour remplir le vide, et gagner du temps. Du traditionnel panneau publicitaire, en passant par la densité de déchets agonisants, le moindre cm² est occupé. La problématique de l’espace public restreint bat son plein…  

Dans les greniers : Un héritage dont on ne sait que faire, une collection encombrante d’objets foutrement empilés que personne n’ose plus toucher de peur de tout voir dégringoler. L’espace de stockage aménagé finit par prendre la forme d’un grand débarras plein à craquer où il y a toujours de quoi chiner.

Sans parler d’internet et des réseaux sociaux, où cette pratique du « non espace » est bien plus qu’admise, elle est même franchement recherchée. 

Nous sommes tombés dans le règne de la toute-puissance des injonctions. « Il faut gagner plus », « il faut s’occuper de sa famille », « il faut faire bonne impression », « il faut voir tous ses amis, « il faut être à la hauteur des attentes ». En bref, il faut être perpétuellement occupé sinon préoccupé.  

Nous n’avons plus une minute pour rêvasser, errer, flâner, ou contempler, pour simplement se rencontrer et apprécier tout ce qu’il y a de plus chargé dans un long silence partagé. C’est un peu comme si l’on se mettait à empiler les activités les unes à la suite des autres pour se déculpabiliser d’une perte de sens auquel bon nombre de clients font face. 

Ce trop plein d’idées, de nœuds, de vœux pieux, ce besoin de remplir constamment le vide pour exploiter au mieux le temps, entretient un rapport névrosé au temps qui alimente souvent le besoin de contrôle. De cette chasse au vide, il en résulte un mécanisme inconscient de suspension de la réflexion empêchant l’être de se réaliser. 

Emmaillotés dans cette prise d’otage, nous existons à des années lumières de notre aspiration vitale, de notre finalité fondamentale, de notre source de vie. Remplir le vide peut avoir un côté jubilatoire. En même temps, savoir laisser place au vide peut faire émerger de nouvelles choses infiniment plus intenses, l’infiniment grand étant surtout constitué de vide. 

Dans ce vacarme retentissant, le coaching apparaît comme un remède visant à produire intentionnellement le vide pour restaurer la capacité de choix et faire émerger l’espace fertile à la création. Ce vide volontairement initié, est d’or. Il est comme un miroir, un point de vue libérateur. Il dessine un passage à l’intérieur du terrain en friche de la conscience pour inspirer le client à se définir, se penser, se conjuguer.

A l’inverse du peintre cherchant à sculpter chaque trait en partant du vide de la toile, le coaching désamorce les couches superflues de l’être jusqu’à faire surgir le vide permettant de se reconnecter à soi, au monde, à l’univers. Le coaching joue avec le visible pour investiguer l’invisible et participer à la réunification de l’être. 

Vu de l’extérieur, le saut dans le vide semble vertigineux. Nul ne sait ce qu’on y trouve. Ni par quel chemin. Vécu de l’intérieur la sensation est toute autre. Ce saut est souvent perçu par ceux qui le vivent comme l’ébauche d’un long processus, une quête vers la réconciliation de chacune de nos parties, tête, cœur, corps. Tout commence par un alignement. Si je ne suis qu’une tête, je sais penser sans jamais m’émouvoir. Si je ne suis qu’un cœur, je sais ressentir sans jamais savoir que faire de l’émotion. Si je ne suis qu’un corps je sais agir sans jamais donner de sens.

La tête a besoin du cœur pour savoir accepter et prendre conscience. Le cœur a besoin de la tête pour comprendre les messages que le corps lui envoie. Le corps a besoin des deux autres pièces du puzzle pour orienter toute son énergie vers ce qu’il désire. Lorsque les trois parties communiquent ensemble pour former un tout, elles interagissent de manière fluide pour élancer l’être tout entier vers la congruence et l’auto réalisation.  

Métaphoriquement, le coaching invite le client à se décharger de ses vieux meubles, nombreux objets fatigués à force d’usure comportementale, et embrasser le nouveau volume de vide installé comme l’opportunité de rénover son palais intérieur. Fort de ce nouvel élan vital, le client accède au renouvellement d’une vision structurante. « Une maison est percée de portes et de fenêtres, c'est encore le vide qui permet l'habitat » Lao Tseu.

Lorsque la question du coach est puissante, elle va servir de marche vers un niveau plus élevé de pensée, amenant le client à franchir de nouveaux paliers, et contacter le sens enfoui au plus profond de lui. 

Sans vouloir disgracier l’ouvrage de Julia de Funès, La comédie (in)humaine, parler indifféremment des genres de coaching sportif, alimentaire, de vie, professionnel ou thérapeutique, c’est entretenir des poncifs par le mélange des genres et c’est aussi témoigner d’imprécisions à l’égard d’une discipline que manifestement encore peu de gens connaissent. 

Le marché du coaching est un peu comme celui de la restauration. Il y a les fast food, les chaines de restaurants, les brasseries, les restaurateurs étoilés. Tout dépend des niveaux de besoin de chacun. Et tout cela est en perpétuel mouvement, évolue et se développe sans cesse avec des déviances, des succès, des échecs, comme toute activité s’étendant à grande échelle. Le renforcement de la déontologie du métier en train d’opérer, est d’ailleurs l’empreinte authentique d’une profession en passe de se structurer autant que de se professionnaliser. 

Peut-être le développement de cette pratique peut-il être vu comme le début d’un commencement d’une prise de conscience que le vide peut être intensément plein : plein d’énergie, de regards, d’imagination, d’émotion, de silence, de tout ce qui crée la magie et laisse parler l’essentiel. 

Pascal Rolin

🧬 Mon ADN : la relation client | Coach Exécutif et Formateur

4 ans

ha Camille, ton père est galactique!!!!

Frederic Bonnard

Executive coach HEC - ICF PCC

4 ans

Bravo!!!

Candelaria ROLDAN

Coach personnel - HEC Paris

4 ans

Bravo Camille, tellement bien écrit 🦋

Camille Boutte

Associée @La Suite / formatrice et coach (certifiée HEC) / Sereinement agitée 🌾

4 ans

Brillant ma Camille !! 🙌🏻✨ Et si le coaching c’était faire le vide du visible pour faire le plein d’invisible... j’ajoute cette citation de Lao Tseu qui a aussi dit que “le vide dans le vase en permet l’usage”...

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets