Le collège est-il vraiment « l’homme malade » du système éducatif français ?

Le collège est-il vraiment « l’homme malade » du système éducatif français ?

Dans un entretien accordé au Midi libre, le samedi 16 septembre 2022, le ministre de l’Education nationale, Monsieur Pap NDIAYE, a fait part de son intention de « s’attaquer » au collège, « l’homme malade » du système éducatif. Il met notamment en avant la faiblesse des résultats en mathématiques et en langue vivante en fin de 3ème.

La dernière « réforme » du collège date de 2016, voulue par la ministre de l’époque Madame Najat VALLAUD-BELKACEM. Ses points saillants en étaient :

  • une révision des horaires (26h de cours hebdomadaires pour chaque niveau du collège) et le démarrage de la deuxième langue vivante en 5ème ;
  • l’incorporation de l’accompagnement personnalisé des élèves à l’intérieur de l’horaire obligatoire de disciplines choisies par le conseil d’administration ;
  • des programmes conçus par cycle et non plus par niveau de classe ;
  • l’arrimage de l’école élémentaire au collège et réciproquement, en créant le cycle 3 réunissant les années de CM1, CM2 et 6ème ;
  • l’introduction des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), supposés donner plus de sens aux apprentissages en décloisonnant les disciplines et en faisant travailler ensemble plusieurs professeurs.

Globalement, beaucoup d’efforts ont été déployés par les cadres de l’Education nationale pour en assurer la mise en œuvre comme par les professeurs qui ont dû s’adapter à de nouveaux programmes scolaires et de nouvelles modalités d’enseignement sur tous les niveaux du collège en même temps. Une élection présidentielle plus tard et à peine plus d’un an après cette « réforme », le nouveau ministre, Monsieur Jean-Michel BLANQUER, la vidait de sa substance. Il devait ensuite consacrer beaucoup de son énergie aux lycées et, dans une moindre mesure, à l’école élémentaire.

Il n’est donc pas surprenant que le collège revienne aujourd’hui dans le radar ministériel. Au passage, signalons que toute nouvelle « réforme » du collège sera observée, au minimum, avec circonspection, vu la façon dont la dernière s’est soldée.

Avant d’aller plus loin, jetons un rapide coup d’œil dans le rétroviseur. Le collège, situé entre l’école primaire et le lycée, a toujours été génétiquement plus proche du lycée, par son organisation, son fonctionnement et ses objectifs, que du primaire. En 2004, la commission présidée par Monsieur Claude THELOT remettait au Premier ministre un rapport conséquent, qui faisait suite à un an de débats et de consultations à différents niveaux de la société. Il donnait des pistes de réflexion pour « L’Ecole du futur », une formule chère à l’actuel président de la République. Huit grandes orientations étaient proposées, dont l’une esquissait « l’école du socle ». En effet, une fois défini un socle commun de connaissances, de compétences et de culture que la Nation s’engageait à faire acquérir au cours de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire au primaire puis au collège, venait logiquement l’idée de faire de l’école primaire et du collège une seule entité : « l’école du socle ». Aussi, « s’attaquer » au collège, sans évoquer l’école primaire semble créer, de facto, un angle mort dans le futur projet.

L’Education nationale dispose de nombreux indicateurs chiffrés qui lui donnent une vision du niveau scolaire des élèves, macroscopique comme microscopique. Prendre les résultats en fin de collège est une chose. Voyons aussi d’où nous partons, c’est-à-dire le niveau d’entrée en 6ème, facilement mesuré, par exemple, par les évaluations nationales passées chaque mois de septembre. Or, c’est un fait que, de manière générale, beaucoup trop d’élèves entrent au collège avec des acquis fragiles ou insuffisants, notamment en lecture. En écrivant cela, il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur les professeurs des écoles mais uniquement d’être factuel. Difficile alors, pour le collège, de résorber ces difficultés voire lacunes tout en faisant acquérir les nouvelles connaissances et compétences qui relèvent de sa prérogative. Ajoutons à cela que la scolarité au collège correspond au délicat passage de l’adolescence et on comprendra que, plus qu’un « homme malade », le collège est un passage sensible de la scolarité obligatoire qui a trop longtemps été un point aveugle, faute d’avoir, par exemple, clairement défini ce qu’on attendait de lui et de former les professeurs en conséquence.

Ainsi, il ne suffisait pas de brandir « la démocratisation scolaire », avec la loi HABY du 11 juillet 1975, pour qu’elle ait lieu dans un système historiquement pyramidal, sélectif et centré sur la voie générale. Encore fallait-il le vouloir réellement politiquement et s’en donner les moyens, par exemple en accompagnant les acteurs de l’Education nationale face à un tel défi. Prisonnier de cette démocratisation de masse et de sa filiation avec le « petit lycée », le collège est depuis longtemps confronté à des injonctions contradictoires. Il fait ce qu’il peut…

Enfin, sans aborder ici la place du savoir dans les sociétés occidentales, force est de constater que l’Ecole rame souvent à contre-courant, par exemple face à l’immédiateté, la facilité, la communication et la consommation de masse qui sont devenues autant de valeurs cardinales desdites sociétés.

Le collège n’est donc pas tant « l’homme malade » de notre système éducatif que son impensé. Il est probablement vain de se pencher sur son cas sans le faire aussi sur celui de l’école primaire et, donc, sans avoir en arrière-plan l’idée de « l’école du socle ». Le sujet est éminemment politique puisqu’il ne s’agit rien de moins de que de définir les buts poursuivis par la scolarité obligatoire et les moyens de les atteindre, notamment la gouvernance à mettre en place, les formations des acteurs et la pédagogie mise en œuvre dans les classes. Car, si une seule chose ne devait compter, ce serait bien ce qui se passe dans la salle de classe. C’est pourtant celle dont il est le moins question.

Anne Schneider

Enseignante chez Education Nationale

2 ans

Je partage totalement cette analyse !

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