LE DEPART DU LOCATAIRE
Bail 3-6-9 oui mais…
Un bail commercial doit en principe aller jusqu’à son terme, donc durer 9 ans au moins. Toutefois, en pratique, il est fréquent que le départ du Locataire intervienne avant l’échéance du bail ou de son renouvellement. Devant la multiplicité des cas de résiliation anticipée du bail, il ne sera examiné ici que le départ voulu par le Locataire. Le départ du Locataire à l’initiative du Bailleur fera l’objet d’une autre étude.
I. Le départ pour la fin de la période triennale :
Il faut tout d’abord rappeler que le Locataire dispose toujours de la faculté de donner congé à l’expiration de chaque période triennale. Cette faculté de résiliation est discrétionnaire et le Locataire n'est pas tenu de préciser les motifs pour lesquels il souhaite partir. Il doit toutefois respecter un préavis minimum de 6 mois et notifier son congé par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, même s’il est plus prudent de faire délivrer le congé par acte d’huissier à titre de sécurité juridique.
Et ce d’autant que le respect des règles de forme est impératif et que la sanction peut être redoutable pour le Locataire qui peut voir son congé annulé et rester redevable des loyers dus jusqu’au terme du bail.
S’agissant du délai, si le congé ne permet pas de respecter le délai minimal de 6 mois avant la prochaine période triennale mais est valable en la forme, il ne prendra effet qu’à la période triennale suivante. Ainsi, un congé signifié le 2 avril 2016 ne pourra pas donner effet pour le 30 septembre 2016 mais pour le 30 septembre 2019, principe rappelé encore récemment par la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 30 novembre 2016.
Depuis la loi du 18 juin 2014 qui a modifié l'article L 145-4 du Code de commerce (Loi PINEL), nous nous souviendrons que les parties ne peuvent plus déroger conventionnellement à cette faculté de résiliation triennale pour le Locataire, et donc conclure des baux fermes de 9 ans, excepté pour certains baux limitativement énumérés (les baux conclus pour plus de neuf ans, les locaux « monovalents », les baux de locaux à usage exclusif de bureaux et les baux de locaux de stockage).
Le droit du Locataire à un départ anticipé à chaque période triennale est donc d’ordre public.
II. Le départ en retraite :
Le Locataire qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou qui a été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité peut quant à lui donner congé à tout moment pendant le cours du bail sans attendre l'expiration d'une période triennale. Son congé doit toutefois respecter les mêmes conditions de forme et de délai évoquées précédemment.
Cette faculté de résiliation à tout moment s’applique aux commerçants personnes physiques, à l'associé unique d'une EURL ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une SARL, lorsque celle-ci est titulaire du bail. La Loi PINEL du 18 juin 2014 a également étendu ces prérogatives aux ayants droit en cas de décès du Locataire.
III. Le départ du Locataire suite à son droit d’option valant renonciation au renouvellement :
Il est ici question du Locataire qui a reçu un congé avec offre de renouvellement de son bail ou qui en a demandé le renouvellement mais qui n’est pas parvenu à un accord avec son Bailleur sur le montant du loyer renouvelé.
Afin de ne pas lier définitivement les parties alors qu’aucun accord sur le prix n’a été trouvé, le Locataire a la faculté d’exercer son droit d’option en renonçant au renouvellement de son bail, et ce tant qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer renouvelé et tant que l’action en fixation du loyer n’est pas prescrite.
Le Locataire qui exerce son droit d’option n’est alors soumis à aucune condition de délai ni de forme, ni même de préavis. Toutefois, son option doit être explicite et ne pas être assortie de réserves.
L’exercice du droit d'option a du sens puisqu’il s’agit de ne pas forcer le Locataire à conserver un bail dont le loyer serait trop élevé pour lui, ce qui ne manquerait pas de susciter la mise en jeu, à plus ou moins long terme, de la clause résolutoire.
Il importe toutefois de préciser que le Locataire qui renonce ainsi au renouvellement de son bail ne peut revenir sur sa décision et devient alors occupant sans droit ni titre depuis le jour où le bail expiré a pris fin, par l’effet du congé ou de la demande de renouvellement.
Depuis cette date, il doit une indemnité d’occupation de droit commun qui doit en principe correspondre à la valeur locative du bien, et pourra donc être supérieure au loyer que payait anciennement le Locataire dans le cadre du bail expiré.
IV. Le Départ négocié ou accepté
Fort heureusement, les dispositions régissant le statut des baux commerciaux ne font pas obstacle à une résiliation amiable du bail. Les parties peuvent donc décider à tout moment de mettre un terme, d’un commun accord, à leurs relations contractuelles, et ce nonobstant la durée initiale du bail.
La résiliation amiable du bail sera généralement établie par un protocole d’accord de résiliation.
Toutefois, cette acceptation réciproque de mettre un terme au bail de manière anticipée peut également être tacite et résulter du comportement des parties.
Il est ici envisagé, à titre d’exemple, l’hypothèse du Locataire qui déciderait de son propre chef de «restituer les clefs de son local», ce qui serait accepté expressément et sans réserve par le Bailleur.
Nous serions alors dans un cas de résiliation amiable acceptée de part et d’autre, ce qui matérialiserait la résiliation du bail à la date de la rencontre de volonté des deux parties.
Les juges du fond apprécient la portée de l’attitude du Bailleur qui accepte les clefs et reprend possession des lieux.
Ainsi, dans un arrêt en date du 21 septembre 2017, la Cour d’Appel de Grenoble a condamné un locataire au paiement de la somme de 37.504€ TTC au titre des loyers dus et du dépôt de garantie, faute pour lui d’avoir pu démontrer l’existence d’un accord intervenu avec le Bailleur sur la résiliation anticipée du bail.
C’est pourquoi la volonté des parties de mettre fin au bail ne se présumant pas et devant être sans équivoque, il est fortement conseillé de procéder à la rédaction d’un acte constatant cette résiliation du bail d’un commun accord.
Il importe de rappeler que, même en cas d’accord entre les parties sur la date de fin de leur relation contractuelle, la résiliation du bail ne deviendra définitive qu'un mois après la notification faite aux éventuels créanciers inscrits sur le fonds de commerce.
En conclusion, même si la durée du contrat de bail fait l’objet d’une réglementation rigoureuse qui offre peu de souplesse au Locataire qui se voit « enchaîné » pour une période de trois ans minimum, voire pour neuf ans minimum pour certains baux, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour organiser le départ du Locataire, et ce souvent dans l’intérêt des deux parties à ce contrat.
Article rédigé par Karine MATHOU, Avocat associé co-fondateur du Cabinet INSOLIDUM AVOCATS ASSOCIES, intervenant principalement en droit des affaires, domicilié 90, rue de la Victoire 75009 PARISTel : 01.42.81.61.60. Fax : 01.42.81.61.61 – avocats@insolidum.com Site internet : www.insolidum-avocats.com