Le financement de projet : un parcours semé d’embûches
A l’image de la construction du projet, son financement est un parcours du combattant. Le responsable du financement est un acteur de l’économie souvent mal connu. Tel un bâtisseur, le responsable de financement part d’une feuille blanche pour construire sa feuille de route : le modèle financier.
Le montage des tableaux de flux (revenus/dépenses) caractérisant le projet est la première étape du modèle visant à connaître la rentabilité du projet et ses besoins de financement (investissement, BFR). Vous devez ainsi vous approprier le projet, évaluer les risques, les aléas et collecter le maximum d’informations auprès des différents services intervenant sur le projet. Vous devez avoir une vision aussi bien transversale que verticale. Chute des revenus, recours judiciaires, impayés, changements législatifs, tous ces éléments doivent être testés dans votre modèle pour en connaître la résistance. Une fois ce dernier éprouvé, vous détenez la clé de votre financement : votre business plan.
La seconde étape, et non des moindres, consiste à expliquer son projet aux partenaires financiers et les convaincre de le financer. Malheureusement, vous aurez beau avoir le plus parfait des business plan avec des cash-flows éprouvés et un plan de financement bien ficelé, rien ne vous assure un accord. Une mauvaise nouvelle dans le secteur, un projet concurrent en liquidation, voir un problème de liquidité sur les marchés financiers, voici un bref aperçu des aléas extérieurs qui pourraient vous fermer les portes de votre partenaire financier. Mais écartons ces sinistres présages et partons du fait que vous arrivez à convaincre votre partenaire du bien fondé de votre projet grâce notamment à votre connaissance approfondie du sujet Il vous reste toutefois un dernier accord à obtenir pour commencer les difficiles négociations à venir : l’accord du comité de crédit. Vaste machine ayant le pouvoir de vous refuser ou de vous octroyer un prêt. Equipe des risques d’un côté et équipe métier de l’autre avec au milieu de la mêlée un juge de paix, le comité de crédit est semblable à une cour de justice : tout y est inspecté et décortiqué. Heureusement, les dieux des marchés sont en notre faveur : coûts de dépôts en hausse, liquidité abondante, revenus bancaires en baisse… Les comités sont aujourd’hui ravis de vous accorder un financement.
Nous entrons maintenant dans la dernière ligne droite : la négociation de la documentation financière. Table des lois régissant votre financement, la convention de crédit est le document de votre financement. En effet, celle-ci reprend tous les termes régissant votre prêt : les taux d’intérêts applicables, les conditions de tirage sur la ligne de crédit, les conditions et covenants à respecter et les cas de défaut pouvant entraîner le remboursement immédiat de votre emprunt. Il faut donc négocier ferme et intelligemment. Sortez les couteaux, la cornemuse, bref tout ce que vous pouvez car ces négociations pourront bien faire de votre vie un enfer dans les prochaines années. En effet, ce document vous imposera ou non des reportings réguliers, des états d’avancement du projet, une visite régulière d’un auditeur, des analyses ponctuelles... Tous ces travaux, certes nécessaires au bon suivi du projet, seront plus ou moins contraignants en fonction du résultat de vos négociations.
Cette étape du financement est donc toute à la fois cruciale et palpitante. Elle pourrait même être amusante si les avocats (conseils des deux parties) ne venaient pas interférer dans la rédaction : ces derniers ayant la fâcheuse tendance à voir le mal partout et à complexifier la documentation. Vous pouvez ainsi atteindre une convention de 100 pages alors que le même type de projet vous en avait demandé 50 auparavant. Durs, durs en affaire, ces avocats. Ne soyons pas trop injuste. Les avocats sont indispensables à la bonne structuration d’un financement : le responsable du financement est certes censé maîtriser l’ensemble des sujets (assurances, techniques, financement, couverture), mais c’est aussi un être humain qui a besoin de nombreux conseils notamment au niveau juridique.
Une fois le financement signé, vous voilà engagé sur une route dont vous apercevez la fin et dont vous ne connaissez pas le trajet. Quelques étapes délicates se dresseront encore devant vous. Dans la plupart des dossiers, la mise en route du projet constitue une étape déterminante. Elle commence souvent par une phase de construction et donc par des tirages successifs sur la ligne de crédit que vous avez si durement obtenue. Votre chemin sera alors parsemé d’embûches: enquête publique, autorisation légale, voisinage, malfaçons; qui pourront à tout moment enrayer la belle mécanique que vous avez mis tant de temps à lancer. Un petit grain de sable peut rendre votre ligne de crédit inaccessible impliquant alors de longues discussions avec votre partenaire bancaire. Mais ce sont toutes ces difficultés qui rendent ce métier si complet et passionnant.
Pour votre partenaire, vous êtes le responsable du projet, son porte-parole, son capitaine. Votre mission ne s’arrête pas à l’obtention du financement, vous devez ensuite suivre le projet et rendre des comptes à vos partenaires financiers. Vous êtes là pour redresser la barre en cas d’intempérie mais aussi pour apprécier les bons moments. Vous sentirez ainsi que votre travail est véritablement ancré dans la réalité du terrain et associé à la tâche des opérationnels menant à bien ce projet.
Au final, quelle que soit la documentation que vous signerez ou les précautions que vous prendrez, dans les moments tendus du projet, ce sera votre relation personnelle avec votre partenaire financier qui fera pencher la balance. La documentation impose certes des covenants financiers, des restrictions, des interdictions, toutefois concernant le suivi quotidien du projet, la banque se reposera avant tout sur la relation qu’elle entretient avec vous et sur la confiance qui en découle. Le financement est avant tout une histoire de confiance entre deux hommes ayant un but commun : la réussite du projet.