Le futur dont j'ai envie... Renaissance
La compagnie des Tambourlingueurs et Confkids organisent des séjours où se rencontrent et réfléchissent ensemble des jeunes confiés à la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou de l'Aide sociale à l'enfance, et des jeunes activistes socio-environnementaux.
En 2023, le groupe de la 4e édition a co-écrit 3 synopsis de courts métrages sur "Le futur dont j'ai envie...".
Renaissance est l'un de ces trois textes.
Un texte de Yanis, Ombeline, Thomas, Vanda, R., Clara, Malaury,
En 2050, la justice restaurative est au cœur du système judiciaire.
Nous sommes le lundi 28 novembre 2050. Il est 8h. Marine prend une chicorée latte avec son ami Eric, un sage. Il exerce un nouveau métier qui est venu remplacer celui de juge.
Dans les procès, il joue le rôle d’un arbitre neutre qui garantit les règles fondamentales et le cadre. Il s’assure que chacun puisse être entendu, gère le temps de parole et tranche pour prendre la décision finale en concertation avec les assemblées citoyennes présentes lors des procès. Il a rencontré Marine il y a un an, lorsqu’elle est devenue médiatrice en justice restaurative.
Assise au café à ses côtés, elle lui raconte le Drancy d’avant, le quartier qui l’a vue grandir il y a plus de 20 ans. Les immeubles, le béton et la précarité d’autrefois ont laissé place à des habitats partagés, des potagers et des coins de nature, et elle se réjouit de voir davantage de résilience, de métissage, de joie et de partage entre les habitants.
Il est bientôt 8h30. Eric part travailler. C’est le jour de l’ouverture d’un procès qui est attendu dans le monde entier. La salle du tribunal est grande, lumineuse et remplie de végétaux divers et variés. 25 personnes y sont assises en cercle face à des percussions maliennes. Parmi elles, il y a 10 citoyens tirés au sort qui représentent la diversité de la société, 10 fonctionnaires de la justice restaurative, le sage Eric, l’accusée Kamila et la représentante des victimes, Rava,sans oublier le chef d’orchestre Jeune.
Pour marquer l’ouverture du procès, le sage se lève et s’adresse à l’assemblée en Moundi, la langue universelle qui permet à tout le monde de se comprendre peu importe son origine.
“Solonis solonos fa mundo, indi fa mi cyclo, voci dora troko far lussas.”
“Chers citoyennes et citoyens du monde, membres de l’assemblée, je déclare ouverts les échanges pour le bien commun.”
Le sage annonce que le procès a lieu pour les faits commis par Kamila.
Je suis Kamila. J’ai 19 ans. Je suis française d’origine marocaine. A la fin de ma première année d’études pour devenir infirmière, je suis partie en mission humanitaire au Pakistan.
Et aujourd’hui, je suis accusée d’avoir été à la tête d’un réseau de trafic d’armes qui a contribué au massacre des habitants du village de Swabi.
Les victimes du village de Swabi sont représentées par Rava.
Je suis Rava et je suis l’unique survivante du massacre de Swabi. L’année dernière, j’ai vu toute ma famille se faire tuer sous mes yeux.
Kamila fixe le mur, elle ne sait pas où poser les yeux. Elle est gênée. Rava lui fait face. 9 mois se sont écoulés depuis le premier procès. A l'époque, Rava n’était pas présente. Elle n’était pas prête à parler et à rencontrer Kamila. Quant à elle, Kamila n’avait pas conscience de la gravité de son acte.
Dans l’attente du procès, Kamila a rencontré plusieurs fois Marine, sa médiatrice en justice restaurative. Le processus a été long. Toutes les semaines, Marine échangeait avec Kamila pour comprendre son ressenti et préparer le procès à venir. Pendant ces échanges, Marine avait l’habitude de se rappeler ce qu’elle avait vécu lors de son propre procès, en 2030, quand elle n’avait que 20 ans. Elle avait eu droit à quelques échanges avec son avocate, mais avait manqué d'accompagnement psychologique. Ce qu’elle ressentait à l’époque ne comptait pas. Pourtant, elle était bouleversée. Alors qu’elle était interne en médecine, spécialisée en chirurgie esthétique et réparatrice, ses parents sont décédés tragiquement dans un accident de voiture. Pour pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de son petit frère, elle s’était lancée dans le trafic d’organes avec son oncle. Elle n’avait aucune idée de la tournure que ça prendrait.
20 ans plus tard, le parcours judiciaire de Kamila est moins chaotique, mais il n’est pas toujours facile pour autant. Kamila a appris récemment la mort de Bharat, un pakistanais dont elle était tombée follement amoureuse lors de son séjour humanitaire. Il était le chef d’un gang qui se battait pour la guerre de l’eau au Pakistan. C’est pour lui qu'elle avait commencé à exporter des armes. Quand elle a appris qu’il était mort dans le massacre de Swabi alors qu’elle le croyait en caval, ça a été un électrochoc. Elle a compris qu’elle avait participé à la mort de plusieurs centaines d’autres êtres humains et qu’il était temps de réparer sa faute.
En parallèle, Rava a, elle aussi, travaillé avec Marine. Elle a eu besoin de temps et d’écoute pour être capable de faire face à Kamila. Se remémorer les événements traumatisants du 30 juillet 2049 était trop douloureux. A chaque fois qu’elle accompagne des victimes comme Rava, Marine ne peut s’empêcher de penser qu’elle n’a jamais rencontré les victimes de ses propres actes. Que sont-ils devenus ? Ont-il réussi à passer à autre chose ?
Lui ont-ils pardonné ? Elle vivra toujours avec ces questions restées sans réponse.
Après des mois de préparation et de médiation, le procès commence. Le chef d’orchestre Jeune guide l’assemblée qui joue en choeur un morceau qui symbolise la cohésion et la bienveillance.
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Kamila et Rava sont prêtes à se rencontrer et à échanger. Avec l'assemblée citoyenne et le sage, elles vont décider des mesures à prendre pour que Kamila puisse réparer sa peine et que Rava puisse enfin avancer. Pendant le procès, chaque personne présente s’exprime.
Après 3 heures d’échanges riches et bouleversants, le verdict tombe. L’assemblée décide de laisser une chance à Kamila. Elle s’engagera à vie pour une association d’intérêt général de son choix. Elle choisit l’association Mila que Rava a créé pour préserver les ressources en eau et éviter les guerres liées aux crises écologiques. Tout au long de son parcours de réparation, elle continuera d’être suivie par Marine, avec qui elle a déjà établi un lien de confiance.
Pour marquer la fin du procès, le sage se lève et s’adresse à l’assemblée en Moundi.
“Spaci coram fa grapi, ekota medo. Pava towa fa lutera navo.”
“Merci d’avoir participé à la justice restaurative. En route vers la renaissance !”
Le chef d’orchestre Jeune guide l’assemblée sur un morceau qui symbolise l’union et la force du collectif.
En sortant du procès, Kamila éprouve des remords mais se sent soulagée d’avoir l’opportunité de recommencer à zéro. Elle est décidée à ne jamais commettre les mêmes erreurs et à s’engager pour lutter contre les violences causées par les crises écologiques.
Rava, quant à elle, est apaisée. Le chemin a été long et douloureux. Aujourd'hui, elle est fière du chemin parcouru. Elle n’éprouve plus cette colère qui la dévorait depuis plusieurs mois. Elle a envie d’avancer et de se battre pour que plus jamais un tel massacre puisse se reproduire.
Eric sort le sourire aux lèvres : c’est pour des résultats comme celui-là qu’il a décidé de devenir sage. Il aime se dire qu’il participe à réparer à la fois les victimes, les accusés et la société pour permettre la renaissance de toutes et tous. Il espère que le prochain procès se passera aussi bien.
Le prochain procès, c’est justement celui qui a lieu pour les faits commis par Jade, 34 ans,
Thaïlandaise et dirigeante du groupe d'hôtellerie Zentai qui appartenait à son père. Il fait suite à un lynchage médiatique impulsé par le reportage de Lucile qui a mis au grand jour le scandale de l’assèchement des nappes phréatiques en Corse dont Zentai est responsable. L’hôtel que le groupe a construit sur une forêt vierge puisait des millions de litres d’eau par an pour remplir ses piscines et arroser ses golfs. En découvrant les faits, les ONG environnementales, dont l’association Mila, ont assigné Jade en justice. Leurs membres ont décidé de faire représenter les victimes par l’organe international des droits de la nature.
Lors du procès, les échanges sont fluides et donnent lieu, en une seule et unique séance, à un consensus pour la mesure de restauration concernant Jade. L’assemblée décide que ses hôtels soient transformés en fermes agroécologiques.
Pendant 2 ans, Jade oeuvre dans le sens de la mesure de restauration, accompagnée par sa médiatrice Marine. Elle parvient à transformer le plus gros hôtel de Corse en une ferme agroécologique de 130 hectares qui nourrit les villages alentour.
Mais un jour, son père, qui prépare sa retraite, lui propose de rejoindre sa nouvelle entreprise en lui vendant des parts. Après avoir quitté Zentai, il a lancé Shiny, une société d’exploitation de diamants qui participe à la destruction des sols en Afrique. Appâtée par l’argent, elle accepte sa proposition malgré les risques. Le dispositif de transparence bancaire international, instauré en 2040, la rattrape rapidement et la mène à un deuxième procès.
Cette fois-ci, les échanges aboutissent à l’incarcération de Jade pour 3 ans au minimum du fait de sa récidive. Elle a également l’obligation de revendre ses parts dans les entreprises Zentai et Shiny et de reverser l’argent à l’organe international des droits de la nature.
Marine retourne en prison pour la première fois depuis sa libération en 2048 au moment de revoir Jade pour son suivi. Elle découvre les changements depuis que la justice restaurative est au coeur du système judiciaire. Les cellules collectives et précaires ont laissé place à des chambres individuelles et lumineuses, ouvertes sur le jardin partagé au centre de la prison en forme de cercle. Les salles de bain collectives sont devenues des salles de bain privatives. Au-delà du confort matériel, elle s’étonne de la vie communautaire qui s’est développée au sein de l’établissement pénitentiaire : potager, ferme avec des poules, des moutons et des chèvres, ruches, unité de transformation des aliments et magasin ouvert sur l’extérieur. L’absence de barreaux et la mixité sur les temps collectifs l’affectent. Les détenus prennent du plaisir à participer aux ateliers du matin, comme la méditation, le yoga, la philosophie, la lecture, les projections de film, les jeux ou la musique, mais aussi aux activités d’insertion professionnelle de l’après-midi, comme le maraîchage, l’élevage, la production de miel, la transformation des aliments ou la vente en direct producteur. Marine apprend que Jade peut voir et appeler régulièrement sa femme et ses deux enfants, le lien entre les détenus et l’extérieur étant permis et facilité. Elle, qui
a passé 20 ans derrière les barreaux avant la création de ces nouvelles prisons, aurait aimé pouvoir en bénéficier.
Dans la chambre de Jade, Marine se souvient de ces moments qu’elle a passés devant la télé et de toutes les émissions qui suivaient le mouvement pour la justice restaurative, cette forme de justice qui a progressivement la justice l’ayant condamnée. En 2045, elle a même pu suivre le grand sommet international réunissant à la fois les dirigeants et des citoyens du monde entier qui a abouti à la signature de la charte mondiale pour la justice restaurative, rédigée en moundi. Cela a permis de faire appliquer partout le principe selon lequel “Nul ne doit ignorer la loi”, avec des règles très simples, compréhensibles par tous.
C’est désormais cette charte qui est partagée dans les écoles par les fonctionnaires du Ministère de la Justice formés à la sensibilisation et l’information auprès du grand public. En fait, Marine réalise que la prison est devenue un lieu où la seule contrainte est la privation de liberté pour protéger la société. Elle respecte enfin les droits fondamentaux et sert à la sensibilisation et à la réflexion pour faciliter la réinsertion.
Conformément à la nouvelle législation, Jade a droit à un nouveau procès 3 ans après son incarcération. Le procès donne lieu à la poursuite de son incarcération. Mais 3 ans plus tard, en 2058, ce sera le moment pour elle de commencer une nouvelle vie. L’assemblée citoyenne de son troisième procès tranche : elle est libérée.
20 ans plus tard, Marine est décédée mais elle a écrit un livre pour témoigner de
l’évolution de la justice.
Jade s’est installée à la campagne avec sa femme qui l’a toujours soutenue, et vit simplement, en harmonie avec la nature.
Kamila est devenue directrice de l’association Mila
Rava est est devenue sage.
Le fin mot de l’histoire, c’est qu’il faut toujours laisser la parole aux concernés.
fondatrice Confkids
1 ansEulalie Spychiger Institut Français pour la Justice Restaurative
Semons Pour l'Avenir ! De l'enfance à l'entreprise, #HR #accompagnement #mixité #ESS
1 ans#SemonsPourlAvenir a vos côtés avec les Les Editions de l'Arrosoir Déborah pour alimenter la curiosité des jeunes sur les métiers et les rendre acteurs conscients de leur avenir et de leur contribution au monde de demain ! Bravo pour vos actions auprès des jeunes avec la #justicerestaurative