Le métier de "Responsable Sécurité"​ évolue (lui aussi...)

Le métier de "Responsable Sécurité" évolue (lui aussi...)

En français, l'acronyme "HSE" est très répandu. Il faut comprendre "Hygiène, Sécurité & Environnement". C'est malheureusement une traduction réductrice et inexacte de l'anglais dont le même sigle signifie "Health, Safety & Environment". Bien entendu, "Health" désigne la "Santé" et pas l'"Hygiène". Je ne minimise pas l'importance de l'hygiène qui est, bien entendu, un sujet majeur, en particulier en site industriel. Mais ce thème reste anecdotique par rapport à tous les sujets que couvre la Santé "globale" d'un salarié. Beaucoup ont compris que "HSE" n'était plus adapté du tout au monde de l'entreprise moderne et utilisent souvent d'autres termes comme SSE (Santé, Sécurité, Environnement) ou simplement "Responsable Sécurité".

Ce métier subit aujourd'hui de nombreuses évolutions majeures, parfois incomprises, dont la rapidité des mutations a du mal à être intégrée par l'entreprise et parfois même digérée par certains des acteurs eux-mêmes.

La "Qualité"

Le sigle QHSE se voit amputé de plus en plus souvent du "Q" de Qualité. La Qualité se base sur différents référentiels tels que l’ISO 9001 (organisations), l’ISO 14001 (pour la partie environnementale), l’OHSAS 18001 ou ISO 45001 (sécurité), ... Ces normes deviennent de plus en plus complexes et par essence, l'amélioration continue qu'elles exigent aussi. S'améliorer est toujours faisable, mais il y a un moment où, comme la loi de Pareto nous le dit très bien, on déploie des efforts immenses pour obtenir que de petites améliorations.

De plus, la "Qualité" est multiple: qualité des organisations, qualité de fabrication, qualité environnementale, outils spécifiques, ... De nos jours, "La Q" est souvent une discipline à part entière du fait de sa diversité et sa complexité croissante.

Ou implicite puisque le Responsable Sécurité doit être capable de mettre en place un management de la qualité à travers l'amélioration continue de ses processus. Il doit toujours être en capacité d'écrire, proposer, partager, mettre en place et faire respecter des procédures. Il sait aussi susciter des retours d'expérience et améliorer les approches. Documenter ce qui est prescrit et réalisé reste également au cœur de ce métier, ne serait-ce que pour des aspects légaux.

Environnement

Toutes les entreprises connaissent aujourd'hui des enjeux environnementaux que je qualifierai de "locaux" et d'autres plus globaux, voire planétaires.

Aspects locaux

Historiquement, le "E" de HSE est en charge d'une partie environnementale "locale". Par exemple, une des missions est la prévention de la pollution des sols de l'usine, mais c'est aussi le Responsable HSE qui s'occupe de réduire les émissions de bruit d'un site de R&D ou qui va répondre aux nombreuses sollicitations si par malheur le site est encore équipé de tours aéro-réfrigérées (TAR) avec un échange ouvert eau-air. Les déclaration ICPE, le suivi des déchets, c'est dans son poste... Mais des "aspects globaux" sont venus se rajouter.

Enjeux environnementaux "planétaires"

En parallèle, des sujets environnementaux plus globaux (émission de gaz à effet de serre, performance énergétique, biodiversité, remplir les nombreuses récentes obligations de déclarations) ont fait leur apparition avec force dans le monde de l'entreprise. Il doivent être pris en compte. Certains arrivent à en faire un "business model". Là aussi les normes se sont développées à coté des exigences législatives. L'ISO 50001 d'excellence énergétique en est le parfait exemple. Donc, qui va assumer ces responsabilités de répertorier les émissions de CO2 et autres GES, de regarder si la biodiversité d'un site est bien préservée, de remplir les demandes d'information ? Même si l'entreprise a eu la possibilité de se doter d'un Directeur RSE (ou développement durable, ou Sustainability manager, ...), le responsable sécurité a de grandes chances de devoir contribuer sur ces sujets supplémentaires, y compris sur des contributions aussi pointues que les émissions en scope 3, les déclarations CDP ou CDP Water dans une grande entreprise...

Note: Si le Directeur RSE existe, outre son rôle fédérateur et global sur le pilier environnemental, il va s'intéresser à la stratégie : l'acceptation des métiers et produits de l'entreprise, l'impact éventuels des produits vendus sur l'environnement, la communication exeterne, réduire les émissions de GES de la flotte commerciale, ... Autant de sujets que le "E" de "HSE" ne couvre pas. Ces deux métiers sont donc dans ces domaines très complémentaires.

Intégration des aspects de sureté

La distinction entre la Sécurité (Safety) et la Sureté (Security) est relativement récente. Il est clair que les termes anglais et français créent là aussi une confusion dans les entreprises internationales. Il a souvent été demandé au Responsable Sécurité de gérer le poste de garde du site, ce qui était une petite partie de sa description de poste et que quelqu'un devait bien faire... Dans certaines entreprises c'est un acheteur, voire un RH qui gérait le poste de garde d'un site, cela dépend aussi souvent également des Services Généraux. Le poste de sécurité est d'ailleurs habituellement listé comme un "soft service" selon les classements de Facility Management au même titre que la restauration collective ou le jardinage...

Mais la Sureté est clairement devenue un sujet central pour deux raisons principales.

Conséquence des attentats

La première, c'est les récents attentats terroristes en Europe, bien sûr; dont un au moins en France ciblait une entreprise située dans la région de Grenoble. Or, outre le coté dramatique de l'évènement lui-même, des employées qui ne se sentent pas en sécurité (dans tous les sens du terme) ne sont ni autant productifs, ni autant innovants que l'entreprise voudrait qu'ils le soient. Montrer que l'on prend ce souci réel au sérieux est donc indispensable pour de très nombreuses bonnes raisons.

Conséquence d'un durcissement sociétal

La seconde raison, moins évidente, plus sournoise, et potentiellement encore plus dangereuse est que la société civile se durcit nettement autour des entreprises. Demandez aux employés du Mac Donalds de Paris qui a été la cible des black blocs le 1er mai 2018 ou les propriétaires des boucherie attaquées par les militant végans ce qu'ils en pensent... Ce type de violence et heureusement encore exceptionnel. Mais qui peut savoir pour combien de temps ? Une entreprise, parce qu'elle "ne plait pas", ou parce qu'une organisation met en place une campagne de "name and shame" contre elle, peut subir des violences, des dommages, des graffitis, des détériorations qui ne sont pas de nature à favoriser la sérénité.

C'est un phénomène sociétal avec lequel une partie des entrepreneurs ne peuvent que composer. La réduction de ce risque, lui aussi, passe par la mise en place d'une sureté proportionnée et visible ne serait-ce que pour rassurer les salarié(e)s.

Du coup, le/la responsable HSE est souvent tout(e) désigné(e) pour cette mission en tant que "donneur d'ordres" de l'entreprise utilisatrice de ces services de protection. En plus, un poste de garde, composante centrale de la sureté d'un site, se gère par l'entreprise utilisatrice, avec des procédures écrites. Comme c'est un des nombreux points forts d'un bon Responsable Sécurité, nombre d'entreprises intègrent cette mission dans le poste.

Intégration de la prévention des "risques non physique"

La troisième mutation est, de loin, la plus importante, la plus profonde et la plus difficile à appréhender. Elle concerne la santé mentale et la prévention des Risques Psycho Sociaux. C'est avouons-le encore aujourd'hui LE sujet "qui fait peur". On ne peut aborder ce thème sans parler de la Médecine du travail et l'assistante sociale si l'entreprise a la chance d'en avoir une.

C'est un sujet commun à ces trois acteurs incontournables de la prévention efficace en entreprise. Le sujet "santé-sécurité" est simplement un sujet pluridisciplinaire, certes, mais un seul sujet ayant pour unique but une entreprise performante et respectant l'intégrité physique et mentale de ses salarié(e)s. Psychologues, ergonomes, et d'autres spécialités viennent de plus en plus compléter ce tableau de prévention. Heureusement, tous ces préventeurs marchent la plupart du temps la main dans la main, avec des intérêts communs à développer une approche efficace. Mais ce n'est pas suffisant de seulement "bien collaborer", et nombre d'entreprises comprennent parfaitement ce point en créant des services "Santé-Sécurité" regroupant ces pôles sous une même gouvernance pluridisciplinaire. Aujourd'hui, pour une grande entreprise, ne pas mettre en place une telle organisation, c'est comme dire qu'elle joue un double au tennis, mais qu'un joueur ne fait que des volées et l'autre que des fonds de court. Même si les deux joueurs s'entendent très bien, il partent avec un handicap pour gagner le "match de la prévention" que mènent les entreprises au quotidien...

De plus, il faut mentionner les délégations de pouvoir, même si c'est souvent un sujet tabou qui n'intéresse finalement pas grand monde à part le dirigeant qui n'a ni le temps ni souvent les compétences requises dans ce domaine. Heureusement, la "solidité" des délégations de pouvoir est peu souvent éprouvée. Mais si, par malheur, vous vous retrouvez dans la situation de devoir la ressortir du tiroir, vous regretterez probablement de ne pas y avoir consacré un peu plus de temps. Le dirigeant qui garde au sein de son entreprise une séparation de ces sujets accepte, implicitement, que ses délégations de pouvoir dans le domaine de la Santé et de la Sécurité aient peu de chance d'être valables. Mais, à nouveau, tout ça ne se révèlera que dans des cas extrêmes, que l'on espère tous que l'entreprise ne rencontrera jamais. Cependant, si des délégations ne peuvent être écrites, c'est qu'on est incapable de dire qui est responsable de quoi. En soi, c'est déjà prendre un risque supplémentaire bien inutile.

Pour ce qui est des Risques Psycho Sociaux, il y a souvent également un troisième acteur (ou quatrième, car pour moi le manager, que je ne cite pas ici, est LA clef de voute de ces dispositifs) qui agit avec un angle souvent radicalement différent: le Responsable des Relations Humaines. Dépendant des profils, cette contribution peut être extrêmement positive ou, au contraire, franchement contre-productive.

Il faut noter que si ce risque occupe énormément de temps aujourd'hui en entreprise, quelque soit l'activité de l'établissement, le/la Responsable Sécurité n'est pas forcément formé(e) à la prévention des risques liés à santé mentale. C'est une des premiers points à améliorer. Un exemple publié récemment par le cabinet Empreinte Humaine décrit ce type de démarche indispensable, selon moi, au sein des équipes.

Le code du travail précise dans L’article L4121-1 et suivants qu'au sein du document unique d'évaluation des risques (DUER), "l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs."

Si l'entreprise a décidé de laisser le sujet de prévention des Risques Psycho Sociaux à la RH, cette Direction doit établir une partie du DUER ou, par défaut, fournir les éléments de qualité nécessaires aux mises à jour au moins annuelles. Sans cette contribution, l'entreprise sera dans une situation qui ne la protège pas de la faute inexcusable. En cas de malheur, là aussi, l'inspection du travail risque de ne pas être très impressionnée. La jurisprudence montre clairement que si les juges savent reconnaitre les efforts d'une entreprise (obligation de moyens renforcés se substituant à l'obligation de résultat, sauf en cas de harcèlement), ils savent aussi sanctionner plus sévèrement une entreprise qui n'a pas pris les mesures adéquates (voir Arrêt Soredis).

Et en même temps...

Je ne vais pas développer les indispensables aspects "Communication", "Analyse", "Synthèse" qui sont autant de qualités qu'un bon Responsable Sécurité doit impérativement maîtriser. L'aspect Communication, en particulier (que ce soit oral ou autre) est devenu un incontournable. Qui va lire un tableau de bord, un poster ou un flash Sécurité aujourd'hui s'il n'est présenté de manière attractive ?

Conclusion

Les métiers des Responsables Santé et Sécurité sont aujourd'hui incroyablement pluridisciplinaires, centraux, complexes, et indissociables les uns des autres. Ils sont devenus tout simplement STRATÉGIQUES. Ces fonctions ont toujours été importantes pour les activités industrielles. Ils le sont restés et sont maintenant incontournables pour tous les autres profils d'activités au sein des entreprises, y compris, même si c'est éventuellement avec d'autres priorités, pour des activités purement tertiaires.

Images (Titre): Pixabay. Merci.

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