Le métier d'enseignant
Le métier d’enseignant
Enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg, j’ai été, comme l’ensemble de mes collègues, choqué et abasourdi par l’horreur de la décapitation de notre collègue, Samuel Paty, du collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine. Je ne trouve aucun mot suffisamment fort pour exprimer ce que j'éprouve.
Beaucoup de choses ont été dites sur l’acte et son contexte. Je les partage et je ne peux être que solidaire avec la peine qui accable les proches et les amis de l'enseignant assassiné, ses collèges et les élèves du collège.
La seule chose que je voudrais en tout humilité partager en plus touche à la déconsidération sociale dont fait l’objet notre métier. Elle figure aussi sans doute parmi les raisons de l’acte (même si l’on argumente aussi qu’il s’agissait d’une attaque dirigée spécialement contre l’un des symboles les plus forts de la République).
Sans doute il s’agit d’un processus inévitable, face notamment à la multiplication des sources d’information diverses et concurrentes, tout particulièrement en provenance d’Internet, sur les sujets que nous enseignons. Sans doute, nous devons y faire davantage attention et prévenir, s’il le faut, du danger qui peut provenir de certaines sources d’information lorsqu’elles ne font pas l’objet d’une lecture critique. Plus généralement, mais là on n’est pas les seuls concernés, j’espère que nous n’avons pas définitivement perdu notre combat et que nous pouvons encore faire quelque chose face à l’influence des Youtubers, Influenceurs et autres stars de téléréalité…
Bien évidemment l’assassinat de la semaine dernière porte atteinte à notre liberté d’enseignement. Celle-ci, constitutionnellement consacrée, est à la fois précieuse et délicate. Parmi les remèdes – multiples – qui ont été proposés pour la restaurer, je voudrais juste insister sur l’importance de laisser réellement l’enseignant faire son métier. Nous sommes de plus en plus entourés par de multiples contraintes, surtout administratives, auxquelles nous devons nous plier, le plus souvent sans en avoir l’envie, voire la compréhension nécessaire. Le surencadrement nous infantilise parfois. Surtout, ces contraintes prennent de notre temps pour le travail sur les supports pédagogiques, pour les échanges avec nos collèges, les étudiants/élèves et – bien que l’Université en est sans aucun doute moins concernée que l’Ecole – pour les contacts avec les parents, enfin – ici c’est l’Université qui est davantage concernée – pour la recherche.
Je reste convaincu que nous restons toujours bien formés pour tout cela, si l’on nous laisse le temps à gérer, en nous débarrassant le cas échéant de certaines contraintes inutiles, qui ont vocation à se multiplier dans le temps et si l’on nous donne des moyens pour nous concentrer précisément sur la mission première qui est la nôtre, l’Enseignement. Et ainsi contribuer à restaurer se noblesse, même si cette restauration devrait passer nécessairement aussi par l’augmentation des moyens matériels, financiers, humains, mis à nôtre disposition…
Ivan BOEV Strasbourg, le 22 octobre 2020