Le ministère de l'Intérieur à l'heure de la transformation numérique
Voici le texte d'un article que j'ai publié en juin dans la revue Regards Croisés de l'INHESJ
Le ministère de l’Intérieur inscrit son action de transformation digitale dans le programme Action Publique 2022 (PAP 2022), lancé en octobre 2017. Depuis plusieurs années, il avait commencé à intégrer de manière structurante la dimension numérique à la fois dans la délivrance de services aux usagers et dans la refonte des modalités de travail des agents. C’est un ministère novateur ayant compris que les évolutions en cours allaient au-delà de la numérisation des anciens outils et qu’elles impliquaient une véritable révolution culturelle et organisationnelle. Deux projets majeurs illustrent bien cette prise en compte et cette dynamique : le PI (Produit de l’Intérieur) et le programme numérique de la Gendarmerie.
La direction des systèmes d’information et de communication (DSIC) a lancé dès 2014 le projet PI. Il s’agit d’une plateforme numérique d’hébergement à la fois des nouvelles et d’anciennes applications, une solution industrielle automatisée 100% cloud[1]. Ce projet est réalisé avec l’ensemble des services SIC (STSI2, ANTAI, STIG, ANTS, PP, SGAMI) et les directions métier, en lien étroit avec la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC), qui pilote le PAP2022. De plus, le ministère a vocation à partager en interministériel son catalogue d’applications et de services.
La maitrise de la sécurité des systèmes, des données et des accès étant l’un des enjeux majeurs de la transformation numérique, l’ANSSI a été associée dès le début à l’élaboration du projet. La plateforme est homologuée SecNumCloud et la DINSIC garde un contrôle complet sur les solutions d’hébergement - les données sont stockées dans deux datacenters en région parisienne.
Consciente que le passage au cloud est plus qu’une nouvelle évolution technologique, la DSIC a élaboré un plan d’accompagnement sur 3 ans. Elle dispose d’une équipe dédiée de 30 personnes « transformantes » travaillant avec l’ensemble de ses « clients » pour les sensibiliser aux évolutions en cours, identifier les besoins, préparer et accompagner les changements d’organisation, former les personnels et définir les recrutements nécessaires. Le projet intègre aussi la question du big data, notamment en lien avec le PPNG (plan préfectures nouvelle génération) et dans la lutte contre la fraude.
Aujourd’hui, le ministère dispose donc d’une infrastructure sécurisée modulable et d’une offre de services IaaS[2]avec un objectif d’évolution vers un SaaS[3]. Elle permet aussi le développement de nouveaux projets en démarche agile et DevOps, avec une économie de temps remarquable.
Un autre projet emblématique du ministère est celui qu’on peut qualifier de Gendarmerie 4.0. En mai 2017, la mission numérique de la gendarmerie (MNGN) a été créée pour repenser en profondeur le travail de l’institution. Très tôt « numérisée » grâce à NEOGend, la GN envisage la transformation digitale à la fois sous un angle de proximité et de court terme et d’innovation à moyen-long terme. Il s’agit par exemple de la mise en place en février 2018 de la brigade numérique, qui permet à n’importe quel citoyen d’avoir un contact 24/7 et en multicanal (site de la GN, facebook, twitter) avec la GN, ou de RESOGend pour accélérer le travail collaboratif. Dans le même temps, elle s’est fixée sur 5 ans 5 grands pôles de réflexion, déclinés en 156 projets dans lesquels le numérique est omniprésent. Ces réflexions sont articulées autour de la veille technologique, de travaux de recherche réalisés en interne et en partenariat national – ministériel et interministériel - ou européen avec des centres de recherche, des universitaires et des industriels. La création d’un datalab dès 2018 en est une traduction concrète.
Ces deux initiatives, parmi d’autres, démontre à la fois la prise de conscience et la prise en main par le MI des enjeux de la transformation digitale. C’est aujourd’hui un des ministères en pointe sur cette question et son ambition est réelle. Les moyens dédiés seront-ils à la mesure des enjeux ?
[1]Aujourd’hui 3 applications sont en production, dont la gestion des demandes d’asile et le permis de conduire, et une vingtaine en développement. D’ici 3-5 ans, 150 seront en production.
[2]Infrastucture as a service, premier étage du cloud computing, dématérisation de l’infrastructure
[3]Software as a service, stade le plus avancé et le plus convivial pour l’utilisateur