Le péril jeune
Près de la moitié des jeunes de la tranche d’âge 18-30 ans estiment que leur moral a baissé depuis le début du confinement. Selon les enquêtes, les jeunes adultes sont ceux qui vivent psychologiquement le plus mal l’enfermement. Les réseaux sociaux et les médias ont même fait part de cas extrêmes comme le suicide d’un étudiant sur le campus d’HEC mi-avril ou de ce jeune lyonnais ostracisé et torturé par son père auquel il venait de faire son coming out. Si les jeunes sont heureusement peu victimes du COVID-19, on a souvent tendance à oublier qu’ils lui payent un prix fort.
Il y a d’abord le logement. Pour les plus aisés d’entre eux s’offre le choix d’un appartement exigu ou de rester avec leurs parents 23 heures sur 24. Pour les plus modestes il faut conjuguer les deux : va pour la cellule collective avec les tensions intergénérationnelles
Les jeunes souffrent aussi de perte de sociabilité amicale et de l’émulation intellectuelle qui l’accompagne. Leurs « tribus » ont été dissoutes le 18 mars et ont été remplacées par la famille, la solitude ou la colocation. D’ailleurs on ne sait toujours pas quand les cafés rouvriront. Ils sont pourtant leurs camps de base, leurs tanières, ces sanctuaires où comme dans « Le péril jeune » de Cédric Klapisch les jeunes demandent un café avec 5 pailles. Si les lycées accueilleront les élèves petit à petit le 11 mai, les universités et classes préparatoires resteront fermées sine die. Reste donc pour se voir un peu les cages d’escaliers et Houseparty -l’application tendance- maigres consolations.
Beaucoup de jeunes ne peuvent pas voir leur amoureux ou amoureuse depuis 6 semaines. Il faudra tenir 8 semaines voire plus pour les plus prudents. Et puis comment vivre ses premières années de vie sexuelle quand la patrouille parentale est là en permanence. Les parents télétravaillent, ne partent plus en week-end, ne sortent plus…Comment échapper à leur vigilance ? Comment leur mentir ?
Les entreprises affrontent une crise qui les met en péril. Elles annulent les promesses faites aux futurs stagiaires et n’accueilleront pas d’étudiants comme elles en avaient l’habitude au 3ème trimestre. Elles ont la tête ailleurs, comment leur en vouloir ? Quant aux jeunes diplômés qui se trouveront sur le marché de l’emploi à la rentrée, les vacances risquent d’être bien longues.
Cet été les bacheliers ne danseront pas sous les étoiles pour fêter leur diplôme, ils l’ont déjà acquis bureaucratiquement au printemps. Ils ne vivront pas cette fête symbole du passage entre deux mondes. Ils n’auront jamais ce souvenir sucré que beaucoup d’entre nous gardent au fond d’eux. Les festivals, concerts, férias et autres fêtes sont aussi annulés. « L’Age des possibles » comme l’appelait la réalisatrice Pascale Ferran est cantonné à l’impossible.
Demain, le gouvernement présentera sa stratégie de déconfinement. La thématique des seniors et des EHPAD sera à nouveau abordée mais il serait opportun qu’il pense aussi à notre jeunesse oubliée. Parce que c’est toujours par la jeunesse que vient la promesse d’un avenir meilleur.
Les jeunes années se vivent dehors, là où l’on respire.
Franck Boissin
#noustiendrons