"Le projet Rout Lëns permettra de transformer une zone de fragmentation urbaine en une nouvelle centralité", Schroeder & Associés.
**La Rout Lëns est une ancienne friche industrielle sur laquelle plusieurs bâtiments anciens seront préservés et intégrés dans le quartier en devenir. Comment aborde-t-on ce genre de projet où il faudra faire le lien entre le passé et le futur ?
Le lien entre le passé et l'avenir est un élément très important et caractéristique du projet Rout Lëns. Un élément qui contribuera à rendre le projet vivable et à échelle humaine à travers la restitution à la communauté d'espaces très significatifs et fortement connotés dans la réalité eschoise mais qui, pendant des années, ont été inaccessibles au public.
Cependant, il y a un autre aspect que je voudrais souligner, dans lequel le projet Rout Lëns représente un lien formidable : je fais référence à la liaison urbanistique, au fait que le projet Rout Lëns permettra de transformer une zone qui, pendant des décennies, a été un élément de fragmentation urbaine et de séparation physique entre différents quartiers, en une nouvelle centralité capable de réparer le tissu urbain et d'améliorer la mobilité de tous les habitants de la zone sud d'Esch.
Le projet, récemment promu par le MMTP et le VDE, visant à supprimer l’antenne ferroviaire entre Audun-le-Tiche et Esch-sur-Alzette et à la remplacer par un corridor transfrontalier BHNS joue un rôle clé à cet égard en permettant de répondre aux besoins futurs du transport en commun et en présentant une opportunité pour la Rout Lëns, qui pourra profiter ainsi non seulement d’une fusion urbanistique avec le quartier Hiehl mais également d’un accès direct à une offre transport en commun/piste cyclable à haute qualité de desserte.
L'ensemble du concept de Mobilité de la Rout Lëns a été conçu en équipe multidisciplinaire (paysagiste, urbaniste, architecte, expert en mobilité) en tenant compte de la possibilité d'une future suppression de l’antenne CFL : en travaillant en étroite collaboration avec IKO Real Estate et la Ville d’Esch, une planification minutieuse par étapes a été réalisée, en réservant les espaces nécessaires et en adoptant des solutions qui permettront, avec des interventions infrastructurelles minimales, d'adapter le projet PAP pour inclure ce corridor BHNS.
**Est-ce un défi pour vous, surtout si l’on considère que ce projet a aussi pour vocation de devenir un « démonstrateur urbain » ?
Comme mentionné ci-dessus, l'un des plus grands défis a été de créer un concept de mobilité fonctionnel, évolutif et performant, qui puisse s'adapter à un contexte complexe et en pleine évolution comme la zone transfrontalière entre Esch-sur-Alzette et Audun-le-Tiche.
L'objectif était de permettre à court terme de procéder à la mise en œuvre du PAP Rout Lëns de manière indépendante, en développant des solutions qui soient immédiatement efficaces mais à la fois résilientes et capables de s'adapter à moyen terme à toutes les évolutions possibles qui peuvent survenir dans le développement de l’urbanisme avoisinant.
**Un des enjeux majeurs sur le site est la question de la mobilité. Quelles sont les solutions qui sont envisagées dans ce domaine ?
Le concept de mobilité intégré établi pour Rout Lëns est reparti en trois thèmes globaux:
- La mobilité active (piétons + cyclistes)
- Le transport en commun
- Le trafic individuel motorisé
Une grande importance a été accordée à la mobilité active et en particulier à la mobilité piétonne, avec la création de nombreuses et vastes zones piétonnes (Allée de la culture industrielle) et en favorisant une forte connexion du site au tissu urbain existant, en développant notamment les liaisons piétonnes/cyclistes vers le centre-ville d’Esch-sur-Alzette et le quartier Hiehl avec une série de liaisons qui traversent la rue d’Audun pour se connecter avec le centre-ville et la zone piétonne de la rue d’Alzette. À court terme, une connexion réalisée par une passerelle surélevée temporaire traversant la voie ferrée sera créée pour se connecter à l'espace vert existant dans le quartier Hiehl, répondant en particulier à la nécessité de mettre fin à l'isolement partiel de ce quartier. À long terme, une fois que la voie ferrée sera enlevée, il sera possible de rendre l'axe de la rue Barbourg totalement perméable. En particulier, la passerelle piétonne temporaire vers le quartier Hiehl sera remplacée par une série de passages piétons et par la mise en place de mesures d’apaisement de trafic (plateau surélevé) sur un tronçon de la rue Barbourg.
Quant aux infrastructures pour cyclistes, la zone de la Rout Lëns connaît une importance à échelle nationale: le plan sectoriel transport (PST), par le projet 8.1. «Veloexpress», prévoit la création d’une liaison cyclable performante à travers la zone du PAP, ayant un esprit de liaison express et de desserte, tout en limitant les conflits avec le trafic motorisé. Un itinéraire cyclable transfrontalier est également prévu sur le site, reliant Esch-sur-Alzette à Audun-le-Tiche.
En ce qui concerne le Transport en Commun, nous avons prévu une planification à court terme (caractérisée par la présence de l’antenne ferroviaire Esch-sur-Alzette – Audun qui longe le PAP au sud, sans toutefois desservir le site) avec la possibilité de dévier une ligne TICE à travers Rout Lëns, tandis que l'arrêt «Terres Rouges» situé dans la « rue des Acacias » permet un accès facile et attractif au réseau RGTR.
À long terme la création d’un corridor de transport en commun sur l’assise du train guidera à une amélioration considérable de la qualité de desserte du PAP et des zones d’urbanisation actuelles/futures limitrophes. Un arrêt, ayant une position centrale par rapport à la Rout Lëns/au quartier Hiehl sera prévu sur ce corridor BHNS transfrontalier (à l’endroit du plateau surélevé prévu dans la rue Barbourg). De plus, grâce à la nouvelle connectivité du réseau routier, il sera envisageable de faire traverser la ligne 12 (TICE) à travers les quartiers Rout Lëns et Hiehl.
Une possibilité d'accès pour des navettes scolaires et récréatives a également été prévue sur la zone piétonne adjacente au futur bâtiment scolaire.
Pour le trafic individuel motorisé, la construction d'un réseau routier à double sens avec trois raccords sur le réseau routier primaire existant (N4 / rue d'Audun) est prévue, et permettra d'accéder à 5 parkings en structure actuellement prévus dans le projet.
La presque totalité du réseau routier au sein du PAP sera classée en zone 30km/h, et une partie est prévue comme « shared space » (limitation de vitesse à 20km/h).
Grâce à une planification optimisée dans le long terme, la libération de l’assise du train permettra une réorganisation du réseau routier du côté de la rue Barbourg avec des interventions minimales du point de vue infrastructurel, permettant une amélioration conséquente de la perméabilité entre Rout Lëns et le quartier Hiehl.
**Un des éléments clés sur le site est l’intégration et la gestion de tout ce qui a trait à l’eau, notamment des eaux pluviales. Comment avez-vous intégré cette contrainte technique pour en faire une véritable composante du projet ?
De nos jours, avec des sujets d'actualité comme le changement climatique, les pluies torrentielles, la limitation du scellement du sol et la croissance du risque de carence en eau potable, le volet de la gestion de l’eau, notamment pour un projet d’une telle envergure, est un élément clé pour en faire un projet durable.
Dans cette optique, le premier élément est le concept d’assainissement du site en système séparatif, c'est-à-dire que les eaux usées et les eaux pluviales sont gérées de manière distincte, sans les mélanger.
En ce qui concerne les eaux usées, on peut encore les différencier entre plusieurs ‘’sortes’’ : les eaux dites ‘’noires’’ issues des toilettes ou machines à laver seront évacuées en direction du réseau de canalisation d’eaux usées de la Ville d’Esch, et seront menées par ce biais vers la station d’épuration de Esch-Schifflange.
Les eaux ‘’grises’’ issues des douches ou des lavabos pourront être réutilisées en interne des bâtiments, par exemple pour les chasses d’eau des toilettes, afin de contribuer à une réduction de la consommation en eau potable.
En ce qui concerne les eaux pluviales, le projet poursuit l’idée de minimiser au maximum l’impact de l’urbanisation sur le contexte environnemental local. La philosophie consiste donc en une optimisation de la retenue d’eau à chaque niveau du projet, depuis les toitures à la rétention finale, afin de conserver au mieux l’énergie potentielle de l’eau tout au long de son trajet. Des toitures végétalisées ou potagers en toiture exerceront un premier effet d’écrêtement du débit de pointe. A l’intérieur des îlots, les eaux pluviales s’évacueront par des noues et des fossés végétalisés, pour rejoindre ensuite des citernes de réutilisation des eaux pluviales, par exemple pour répondre aux besoins d’arrosage, respectivement vers des rétentions à ciel ouvert, prévues de manière décentralisée sur tout le site.
Ainsi la gestion des eaux pluviales sert comme outil d’intégration et de valorisation de la ressource eau, au cœur du paysage urbain. La plus grande rétention ouverte végétalisée du site se trouvera sur la place des Soufflantes et sera intégrée dans un espace multifonctionnel en créant un lien avec les étangs existants vis-à-vis de la rue d’Audun. Une rétention enterrée centralisée pour le site permettra de mettre à disposition encore un volume de rétention supplémentaire à ceux des rétentions ouvertes, afin de répondre aux critères de dimensionnement en vigueur et servant à gérer les pluies torrentielles. Sera créée ainsi toute une cascade d’effets allant d’évaporation, écoulement, stockage et rétention au moyen d’étranglement, avant d’envoyer un débit réduit respectivement de trop-plein en direction de l’Alzette.
Toutes ces mesures d’évacuation des eaux pluviales sont planifiées en étroite collaboration entre IKO Real Estate, le paysagiste, l'urbaniste, l'architecte et l'ingénieur, afin d’en réaliser un élément compatible aux objectifs et visions des différents intervenants de l’équipe projet.