Le rapport de Régis DEBRAY en 2002

Dans ce rapport Régis DEBRAY prône le développement de l’enseignement du fait religieux à l’École vues les résistances et les crispations sur cette question, Bien que déjà présent en histoire depuis longtemps.

.

Il s’insère dans le projet émancipateur de l’école : la connaissance permet le vivre-ensemble et la relativisation des identités particulières, elle s’inscrit contre tous les fanatismes, laïques ou religieux, et les communautarismes.

 

Le contexte :

 

Ecrit en 2002, il s’insère dans le cadre de la réflexion sur la place du fait religieux et en particulier du voile à l’école depuis l’affaire de Creil en 1989.

Concernant le fait religieux, le rapport JOUTARD, Recteur de l’Education Nationale, en 1989 prône une approche raisonnée des religions comme faits de civilisation.

 

Jack Lang alors ministre de l’Education Nationale commande à Régis DEBRAY cette étude pour «  mieux former l’ensemble des professeurs à traiter sereinement du fait religieux s’avère une nécessité ».

 

Le contenu du rapport :

Il est disposé en cinq parties. J’en résume les principaux points.

  1. I) La première : Quels attendus ?

L’auteur fait le constat de l’inculture religieuse, de l’incompréhension qui en découle des œuvres d’art et de la littérature.

Le constat de la détresse sociale et morale à cause de l’érosion des anciens vecteurs de transmission que constituaient églises, familles, coutumes.

Et la perte des codes de reconnaissance affectant les savoirs, les savoirs- vivre.

  1. II) La deuxième : quelles résistances ?

Sur les voies et moyens d’une meilleure inclusion des questions religieuses dans un enseignement sans obédience religieuse, vives sont et demeurent les crispations.

Malentendus et quiproquos sont à dénouer. L’enseignement du religieux n’est pas un enseignement religieux.

 Distinguos à opérer selon l’auteur:

  • « Personne ne peut confondre catéchèse et information, proposition de foi et offre de savoir.
  • La quête de sens est bien une réalité sociale dont l’Education nationale ne peut faire litière mais les religions n’en ont pas le monopole.
  • La relégation du fait religieux hors des enceintes de la transmission rationnelle et publiquement contrôlée des connaissances favorise la pathologie du terrain au lieu de l’assainir.
  • L’approche objectivante et l’approche confessante ne se font concurrence.

L’optique de foi et l’optique de la connaissance ne font pas un jeu à somme nulle. Cette dernière commence par faire le partage entre le religieux comme objet de culture et le religieux comme objet de culte.

La laïcité n’est concernée que par ce qui est commun à tous, à savoir les empreintes visibles et tangibles des diverses fois collectives sur le monde que les humains ont en partage, sans se mêler, par prudence et par pudeur, de ce qui n’est commun qu’à plusieurs, à savoir les expériences intimes. 

  • La déontologie enseignante stipule la mise en parenthèse des convictions personnelles. »
  • L’inculture religieuse affecte autant les établissements privés à profil confessionnel que l’Ecole publique.

III) Quelles contraintes ?

« Il ne s’agit pas d’opérer une place à part au collège et au lycée à l’enseignement du fait religieux.

C’est sur les contenus d’enseignement, par une convergence plus raisonnée entre les disciplines existantes et surtout sur la préparation des enseignants qu’il convient de faire porter l’ambition.

Il convient de rapprocher le scolaire et l’universitaire pour remédier au décrochage entre les deux. »

  1. IV) Quelle laïcité ?

« La laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait.

On ne peut séparer laïcité et étude du fait religieux.

  • « Poursuivre «  le combat pour la science » qui affranchit des peurs et des préjugés que d’étendre les discours de raison au domaine de l’imaginaire et du symbolique, sans fuir devant la difficulté. Une laïcité qui esquive s’ampute.

Le refoulement du religieux comme trou noir de la République témoignait peut- être d’une laïcité encore complexée par ses conditions de naissance, une «  catho- laïcité » ou d’une contre-religion d’Etat marquée par les combats qu’elle a dû livrer, vent debout contre la catholicité du syllabus et de l’ordre moral ; deux siècles plus tard, chacun respire mieux : le paysage historique n’est plus le même.

2) Seule une déontologie laïque éprouvée peut éviter la confusion des magistères, par ce qu’elle exige d’impartialité et de neutralité chez les maîtres, de refus de tout ce qui peut rassembler au «  conflit des deux Frances ». (Le principe de laïcité s’étant, dès ses origines, démarqué de l’anti religion militante)

  • Si la laïcité est inséparable d’une visée démocratique de vérité, transcender les préjugés, mettre en avant des valeurs de découverte, desserrer l’étau identitaire au sein d’une société plus exposée que jadis au morcellement des personnalités collectives, c’est contribuer à désamorcer les divers intégrismes qui ont en commun cette dissuasion intellectuelle : il faut être d’une culture pour pouvoir en parler.  »
  • L’essentiel est dit en ces lignes :

Le temps parait maintenant venu du passage d’une laïcité d’incompétence (le religieux, par construction, ne nous regarde pas) à une laïcité d’intelligence (il est de notre devoir de le comprendre)

 V) Quelles recommandations ?

Douze propositions. Auxquelles je vous renvoie dans le Rapport.

Certaines étant entrées en vigueur tels les efforts de formation des professeurs. Et la création de

l’Institut des Sciences des Religions dont DEBRAY fut un temps directeur.

 

ACTUALITE DU RAPPORT :

Les évènements tragiques de janvier et novembre 2015 montrent en quoi la prise en compte du fait religieux est nécessaire et aussi dans ces dérives radicales.

« La laïcité est une chance pour l’Islam en France et l’islam de France une chance pour la laïcité. » dit DEBRAY

A condition que l’on ose aborder les questions avec courage, clarté et sans faux- fuyant.

Les évitements sont encore nombreux dans le monde scolaire et le monde politique mais on ne combattra pas l’islamisme et la dérive de certains jeunes sans cette prise en compte.

Le Rapport DEBRAY peut nous y aider.

 

                                                                                                       Marie-Hélène CLOCHARD

 

 

 

 

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