Le rapport inhumain des entreprises

Je vous partage la lettre qu'un ami a rédigé aux responsable DRH d'une entreprise à la fin de son contrat.

J'espère fortement qu'elle vous fera réfléchir surl'humain au sein de l'entreprise, sur la formation, sur la cohésion d’équipes, et sur la priorisation de l'optimisation économique sur le bien-être au travail.


----------------------------------------------


A l’attention de Monsieur XXX (DRH de l'entreprise XXX)


Bonjour,

Intérimaire depuis janvier et ayant terminé mon contrat, je souhaite vous faire part de mon état d’esprit [...]

Il me parait logique et utile que les employés puissent, quel que soit leur profil, faire un bilan individuel de leur expérience. Je fais également cette démarche dans l’espoir que des sujets abordés présentement dans ce mail puissent amener de nouvelles initiatives pour le bien-être professionnel mais aussi personnel des employés.

Si le fonctionnement de l’entreprise (effectif sur les lignes, cadence, performance industrielle, rendement, production de déchets…) est à mon sens discutable et certainement au cœur du débat, je souhaite surtout me pencher sur la question du facteur humain. Mes ressentis sont liés aux interactions entre les personnes travaillant dans l’entreprise et moi-même, aux observations que j’ai pu faire, aux questions que j’ai pu poser à mes collègues sur la façon dont ils vivent leur travail et aux retours qui m’ont été faits.

Je souhaite m’exprimer et me questionner auprès de vous, notamment sur le travail d’équipe et les relations interindividuelles qui émanent de cet univers professionnel et qui, selon moi, sont inhérentes aux conditions de travail. Mon objectif ici n’est pas de dénigrer des personnes ou d’avoir des propos diffamatoires (je resterai d’ailleurs dans l’anonymat) mais mes ressentis proviennent néanmoins de situations concrètes vécues.

C’est également dans un souci d’honnêteté et de transparence avec vous que je souhaite vous envoyer ce message.

Depuis le début de mon contrat, j’ai assisté régulièrement à des tensions ou relations conflictuelles. En fonction des équipes, celles-ci pouvaient avoir lieu plusieurs fois par jour.

J’ai été effarée par la communication dans l’équipe. En effet, lorsqu’il était question d’un souci « technique » dans le fonctionnement sur la ligne, on s’en prenait majoritairement à une/des personne(s), ceci sans chercher à savoir ce qui avait pu se passer. Ces accusations récurrentes, le plus souvent à tort, ternissent le climat et ne permettaient pas de remettre en question la raison première des difficultés, à savoir l’organisation et non pas l’humain. Mauvaise communication, manque de communication, manque de cohésion… le cœur du problème étant je pense le manque de bienveillance.

De plus, l’hypocrisie était de mise car les reproches étaient plus souvent faits au reste de l’équipe qu’à la personne concernée. Privilégier la coopération plutôt que le « chacun pour soi » ne serait-il pas plus cohérent pour un bon fonctionnement de travail ?

Certaines personnes fuient la relation conflictuelle en se taisant (et malheureusement en subissant), par peur des représailles (propos verbaux violents, moqueries, malveillance dans le travail…). Elles préfèrent se confier seulement aux personnes avec qui elles se sentent à l’aise et en confiance. Pour être tout à fait honnête avec vous, je choisis de vous écrire en fin de contrat afin de préserver ma sécurité psychique.

Comment peut-on avoir si peu confiance en certain membre d’une équipe (quelle que soit sa position hiérarchique) au point de craindre de dire ce que l’on pense ?

Une minorité de personne ont une mainmise sur l’ambiance générale. Les comportements irrespectueux voire hostiles peuvent engendrer du stress qui nuit inévitablement aux personnes qui en sont victimes. Qui plus est, cela est totalement improductif car ces agissements peuvent avoir un impact direct avec notre efficacité au travail (dévalorisation personnelle, perte de confiance en ses capacités…)

Plus d’une fois j’ai pensé à démissionner et cela concerne bien « l’humain » et non les missions de travail en elles-mêmes. J’ai la chance d’avoir une sécurité financière et aucune famille à nourrir, mais je pense aux personnes qui n’ont pas le choix, qui n’osent pas et qui subissent.

« Le harcèlement moral entraîne une dégradation des conditions de travail et se manifeste par des agissements répétés : remarques désobligeantes, intimidations, insultes... Par ce délit punit par la loi, la victime risque de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Cette définition prise sur le site officiel de l’administration française me questionne réellement quant à ce dont j’ai pu être témoin ou vivre directement.

A cela j’ajouterai également le terme de discrimination, à savoir ici le sexisme et la discrimination raciale.

Si l’entraide est un facteur de l’évolution, je pense que le sentiment de confiance au groupe est inéluctable. Pour évoluer, nous devons prendre selon moi des risques et pour prendre des risques, il faut se sentir en sécurité et non pas en danger. Si on se sent en sécurité, on prend davantage de risques, ce qui permet d’apprendre et donc de s’améliorer et d’améliorer le groupe.

Par la présence d’employé(e)s faisant partie des équipes avec lesquelles j’ai travaillé, je n’ai malheureusement pas ressenti cette dynamique, bien au contraire. A l’inverse, il s’agissait plutôt d’un esprit de concurrence au sein d’une même ligne qui était manifestée par des agissements divers, dont certains sont graves !

Ce à quoi la question de la « formation » m’interpelle. Pour moi, le terme « d’accompagnement » est intrinsèquement lié à la formation :

- Est-ce que les responsables d’équipe sont formés à former ?

- De quelles façons les rôles de chacun sont-ils définis dans les contrats ? Comment les postes à responsabilité sont attribués ? La formation à « l’accompagnement d’équipe » ne devrait-il pas être une des priorités ?

- Comment éviter tout abus de pouvoir (quel que soit son poste) ?

- Comment une nouvelle personne peut-elle apprendre si on ne l’accompagne pas ? Comment peut-elle s’améliorer si on ne lui explique pas (quitte à la virer de son nouveau poste sur la ligne si elle fait mal) ? Comment peut-elle trouver sa place si on ne la met pas en confiance ?

- Comment peut-on nous reprocher (des fois de manière bien trop agressive) ne pas respecter le règlement par quelqu’un qui ne le respecte pas lui-même ?

- Est-ce logique qu’un intérimaire de quelques semaines prenne l’initiative d’accompagner de nouveaux salariés sur la ligne car personne ne le fait réellement ?

- Quelle(s) pression(s) ressentent les chefs de ligne et les responsables d’équipe ?

Un sentiment de bienveillance est mathématiquement plus efficace qu’un système concurrentiel où certains ont des agissements insidieux. Si cela était davantage mis en pratique, je pense que chacun s’en porterait mieux.

Mais pour tout cela, faut-il questionner prioritairement la base, à savoir la logique de travail de l’entreprise et ses valeurs ?

Merci d’avoir pris le temps de me lire.

Bien cordialement.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets