LE SQUARE DE L’ARCHEVÊCHÉ Brèves de l'histoire des jardins - Chiara Santini -
Réalisé entre 1837 et 1840 à l’ombre du chevet de Notre-Dame, le square de l’Archevêché - aujourd'hui au cœur des débats sur le projet de transformation des abords de la cathédrale - est le premier jardin de quartier aménagé aux frais de l'administration parisienne pour devenir une promenade publique.
J. Arnout, "Vue de l'abside de Notre-Dame et de la nouvelle fontaine", estampe, avant 1868, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
Par la Loi du 8 juin 1837, l’État cède à la Ville de Paris les terrains occupés par l’archevêché (détruit en 1831) et ses dépendances. En échange, la Ville se charge d’aménager et d’entretenir une promenade publique, clôturée des grilles, et de contribuer pour une somme de 50000 francs à la construction d’une nouvelle sacristie. Même si la remise du terrain a officiellement lieu en 1842, les travaux commencent aussitôt : en 1837 sont réalisées les premières plantations de marronniers ; les grilles commencent à être installées en 1840 et en 1842 l’architecte Vigoureux et le sculpteur Merlieux débutent la construction d’une fontaine monumentale de style gothique, surmontée d’une statue de la Vierge avec l’Enfant. Inaugurée en juillet 1845, après l’établissement de conduites hydrauliques, la nouvelle fontaine est placée au centre du jardinet, au milieu d’un parterre gazonné.
L. Leymonnerye, "Fontaine Notre-Dame, square de l'Évêché", dessin, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris.
Sous le Second Empire (1868), le square est séparé du chevet de Notre-Dame par une nouvelle grille, destinée à protéger le monument, et ses vitraux fragiles, des dégradations provoquées par les usagers.
Pointe orientale de l'île de la Cité autour de 1860 (détail issu de F. Benoist, J. Arnout, "Paris en 1860. Vue à vol d'oiseau prise au-dessus du quartier de Saint Gervais", estampe, détail).
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Lourdement endommagé pendant le siège prussien et la Commune, quand il est transformé en un parc d’artillerie, en 1877 le jardinet fait l’objet de plusieurs travaux de réaménagement. Décidés dans le cadre d’un important programme d’amélioration des promenades parisiennes en vue de l’Exposition universelle (1878), ceux-ci comprennent le réaménagement des plantations, l’établissement d’une grille et de corbeilles fleuries autour de la fontaine, la construction d’une fontaine Wallace et l’ouverture de deux nouvelles entrées.
H. Blancard, "Jardin de l’Archevêché", photographie, seconde moitié du XIXe siècle, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris.
Mais c’est seulement dans la première moitié du XXe siècle que le jardin atteint l’étendue actuelle. En 1904, le conseiller municipal Pierre-Alfred Jolibois propose d’intégrer au square une partie du jardin qui entoure la cathédrale et le terrain du quai de l’Archevêché. Interdit à la circulation, celui-ci devrait être planté et accueillir un kiosque à musique pour permettre aux harmonies du quartier de se produire dans des concerts publics. Après plusieurs renvois, la proposition d’agrandissement est finalement adoptée en 1910, en lien avec le déplacement de la morgue (qui depuis 1864 occupait la pointe est de l’île de la Cité) à la place Mazas. En 1911 des plantations de lierre sont réalisées le long de la balustrade du mur du quai, afin de « faire disparaître la pierre sous la verdure », écrit Le Figaro. Le « nouveau » square de l’Archevêché, dont l’entretien est confié à un jardinier nommé à cet effet, est inauguré par le président Poincaré le 12 juillet 1913.
E. Béjot, "Le quai de l'Archevêché et Notre-Dame", 1923, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris.
Une nouvelle transformation survient à la fin des années 1920, quand le conseiller municipal Georges Lemarchand propose la coupe en charmille des marronniers - car leurs frondaisons trop développées empêchent d’apprécier l’abside de Notre-Dame - et le terrain jadis occupé par la morgue accueille le « square de l’Île-de-France ». En 1933, Robert Martzloff, directeur des services d’Architecture et des Promenades à la Préfecture de la Seine, se réjouit de ces nouveaux aménagements, qui participent aux « efforts sérieux » de la Ville pour augmenter les parcs et jardins de la capitale. « Enfin – écrit-il – ne commence-t-il pas à dégager son charme, ce square de l’Ile-de-France, crée sur les vestiges de la sinistre Morgue, et d’où on peut, par la trouée du square de l’Archevêché, contempler à l’aise la splendeur de l’abside de Notre-Dame, ou s’abandonner au rêve en regardant le fleuve heurter ses eaux au Musoir du berceau de la Cité?".
Carte postale de l'Île de la Cité, autour des années 1930.
Architecte urbaniste.
2 ansMerci Chira pour ce rappel historique au moment ou se rejoue l'aménagement des abords de la Cathédrale, puisse ton texte éclairer les décideurs sur l'importance de maintenir ce square clos par ses grilles aux risques de tomber dans l'erreur d'un aménagent 'ouvert ' et banalisé, a l'instar de nombreux espaces publics récents ( lzs Halles, place de la République par ex).
Directrice communication et mécénat du Conservatoire du littoral
2 ansMerci Chiara ! Une jolie introduction à l'exposition présentée au Pavillon de l'Arsenal sur la consultation internationale pour le réaménagement des abords de la cathédrale, que j'ai visitée aujourd'hui. Perspectives issues du projet lauréat porté par le bureau Bas Smets.
Paysagiste concepteur D.E. | Artiste | Illustrateur
2 ansTrès intéressant, Chiara , merci pour ce petit article ! Bon dimanche.