Le temps des réponses

Alors que la démocratie connait un recul certain dans le monde depuis plusieurs années, la crise que nous connaissons aujourd’hui en France n’aide en rien à redorer son blason. Ces émeutes sont très mauvaises pour l’image même de notre pays, peu de temps après la crise des Gilets Jaunes, qui ne fut pas moins violente. Et, pendant que nous nous débattons à chercher les raisons de ces nuits de violence, le monde continue de tourner, sans nous.

Une visite officielle en Allemagne du Président Emmanuel Macron a même été annulée, aveux de faiblesse qui ne dit pas son nom. Car les crises ne se succèdent pas qu'en France, mais aussi dans les différentes démocraties à travers le monde (Tunisie, Iran, États-Unis, Turquie, Birmanie, Brésil…). Un immense champ libre s'ouvre aux différents régimes dits hybrides, autoritaires et dictatoriaux. Ces derniers ne se gênent absolument pas à s’engouffrer dans les brèches béantes. Des valeurs que nous pensons encore universelles (droits de l’Homme, liberté d’expression, de culte…) sont ouvertement remises cause sans que nous puissions agir de manière concrète.

Le fait est que la démocratie n'aime pas la crise. Elle est par définition instable, le renouveau perpétuel politique en est une composante essentielle. À force de tirée sur la corde, certaines finissent par céder. Si bien que la crise de la Covid-19, puis la guerre en Ukraine, ont remis au grand jour grands nombres de leur faiblesses, notamment sur la notion de souveraineté d'un point de vue industriel et énergétique. Chacun évalue sa position place ses pions sur un échiquier mondial en constante mutation. C'est ainsi qu'un pays comme l'Arabie Saoudite à su passer du statut d' "État paria" selon le président américain Joe Biden à un partenaire économique et politique mondial indispensable en seulement quelques années grâce à sa main mise sur des quantités vitales d'hydrocarbures… La cohérence entre le discours et les actes s'échoue une nouvelle fois sur les récifs aiguisés de la réalité. À cela s’ajoute la montée généralisée des tensions autour des ressources naturelles (eau, sable, énergies fossiles…), de l’industrie et des technologiques (intelligence artificielle, course à l’espace et à l’armement…), c’est une équation à un nombre très important d’inconnues que nous devons résoudre. La "fin de l'histoire" de Francis Fukuyama, qui prédisait la victoire totale du système libéral et démocratique sur le monde à la fin de la Guerre Froide, ne fut qu'une coquille vide.

Et que dire des nombreux conflits qui se déroulent sous nos yeux ? La guerre en Ukraine déclenchée par la Russie et ses exactions, la guerre civile au Soudan et au Yémen, les coups d'État à répétition au Sahel, les menaces terroristes qui perdurent, le retrait catastrophique d'Afghanistan… "L'humanité n'a pas les moyens de gaspiller ses ressources financières et affectives dans d'interminables conflits dépourvus de sens" disait déjà en son temps Isaac Asimov.

Se battre pour la démocratie est juste et nécessaire. Peu importe dans quel sens nous prenons le calcul, l’Occident (qui symbolise de manière générale le système démocratique libéral) à sans doute le plus de questions à résoudre dans les années et décennies à venir. Charge à nous d’avoir le courage politique de faire face à nos démons en toute sincérité pour protéger nos droits et ne pas sombrer dans le narcissisme du nationalisme qui gagne du terrain. Il faut rappeler que la coopération internationale sur des sujets énergétiques, environnementaux, sociaux et industriels sont les premières impactées de la montée des tensions géopolitiques et de l'isolationnisme, les victimes sont les communautés les moins favorisées. Car oui, les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui sont transnationaux et bien plus profonds qu’ils n’y paraissent. Le temps du constat doit être dépassé et laisser place au temps politique, du débat apaisé, démocratique, seule garantie d’une transition écologique et sociale efficace. Toutes les réponses se trouvent en nous, sinon à quoi sert la démocratie ?