Le terrible lien du mauvais charisme
Parmi les ténors de la politique, les apprentis dictateurs qui cherchent à prendre les mauvais vents nauséabonds pour gonfler les voiles de leur machine de guerre flottante, il en est qui ont un charme et un charisme à la fois négatifs et toxiques. Leur antipathie, leur brutalité, leur violence envoûtent et fascinent. Ils ont l’art de mettre sous emprise cette partie du peuple qu’ils prétendent conduire. Ils font rimer le français, l’anglais et l’allemand : « sauveur » et «leader » avec : « führer ».
On avait subi Hitler, Mussolini, Trump ; on a découvert Zemmour. L’homme qui prédit une guerre civile qu’il cherche à allumer.
La seule trace d’innocence qui a pu effleurer ces porteurs de chaos se trouve parfois dans leur regard d’enfant. Le masque du cynisme a très vite pris le dessus.
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Ils ont tous un point commun. Ils ne s’aiment pas. Ils souffrent du syndrome de l’ange déchu. Ils ont tous quelque chose du Léviathan. Ils sont donc incapables d’une véritable empathie à l’égard de l’humanité sur laquelle il leur reste à prendre une revanche qui restera toujours insatiable et inassouvie. Ils ont la vocation des semeurs de discorde et de haine. Ils sont à la fois les cavaliers de l’apocalypse et les chevaliers de la barbarie. Malgré tout leur savoir-faire de manipulateurs, ils ont des rictus, des gestes et des paroles qui leur échappent et les trahissent. Ils savent se faire victimiser. Ils trouveront toujours des courtisans serviles, des exécuteurs de basses œuvres, des milices, des tortionnaires désœuvrés en quête de sévices à infliger. Tous ont été caractérisés par un Ego surdimensionné. Tous ont eu des problèmes avec les femmes. Tous ont été portés par les médias dont ils étaient la corne d’abondance, le piège à lecteurs et à publicité. Ces souffleurs de haine surfent sur le désenchantement de leurs contemporains. Faute d’avoir des idées, ils incarnent une idéologie. Ils se transforment en pères fouettard pour mieux usurper la fonction du Père Noël. Et trop nombreux sont parmi nous ceux qui ne comprennent pas que la trique qu’ils rêvent d’utiliser contre autrui risque de se retourner contre eux. Il est utile de relire André Suarès et ce qu’il écrivait dès 1935 dans « Vues sur l’Europe », publié quatre ans plus tard, en évoquant un certain Adolf :
« Jusqu’au moment où l’Antéchrist se révélera par sa fureur, il se voile d’astuce, de miel et de mensonge : il fait le bon apôtre, il offre la paix, il pleure de tendresse, il aime sa proie, tant il en sent déjà le goût entre ses dents, rêvant qu’il la dévore. Et de toutes parts, ceux mêmes qu’il doit dévorer, l’admirent, le croient et lui font cortège. Car c’est la loi : il n’y a pas d’Antéchrist sans l’aide servile des fidèles ; et les imbéciles passent en complaisance les fanatiques mêmes : les imbéciles sont toujours lâches et très bas. »
Jean-Pierre Guéno