le tiers navrant
Rien ne s'oppose à la dépense inutile chez nos gouvernants.
Pour d'obscures raisons, avec un discours sur la santé publique réduit à de simples slogans, le tiers payant a été généralisé et deviendra une réalité en 2017 ( si les difficultés techniques et réglementaires sont surmontées). La pauvreté des débats à l'Assemblée Nationale n'a d'ailleurs pas pu contribuer à relever le niveau de compréhension des Français sur la complexité de notre système de protection sociale.
Comme il peut paraître un peu rapide de balayer d'un revers de main ce qui est présenté comme une avancée importante pour la santé des Français, il me semble important de rappeler quelques faits pour démontrer qu'en lieu et place de la démagogie il était possible de faire des réformes utiles.
- Aujourd'hui 99% des Français sont couverts par l'assurance maladie et grâce aux formidables progrès réalisés par cette dernière (feuille de soins électronique par ex), le remboursement des frais médicaux intervient dans les 3 jours.
- 90% des Français relèvent d' une mutuelle ou d'un contrat d'assurance qui de la même façon que précédemment sont capables de rembourser dans les 3 jours qui suivent le remboursement de l'Assurance Maladie .
- Autrement dit, pour plus de 90% des Français cette réforme constitue une avancée en trompe l'œil puisque inutile puisque le remboursement est sur les comptes avant que le compte bancaire ne soit débité (paiement en CB dans 30% des cas) et l'avance de trésorerie demeure mineure pour tous les autres assurés.
- Reste 10% de la population. Détaillons un peu cette dernière :
- Le tiers (soit 3% de la population) n'a pas de mutuelle ou de contrat d'assurance par choix. La réforme pour eux est inutile puisque demain ils seront remboursés comme aujourd'hui ni plus ni moins.
- Un second tiers ont des difficultés d'accès à une mutuelle pour des raisons financières et peuvent renoncer à des soins pour ces raisons précisément. Il existe depuis 2004 des aides pour l'accès à une complémentaire santé pour les personnes qui se trouvent au dessus du plafond de ressources pour la CMU. Si le Gouvernement estimait que l'aide ainsi apportée était insuffisante il suffisait d'en remonter les montants ou d'en abaisser le plafond.
- Enfin, reste une dernière catégorie de personnes qui bénéficient de la CMU et qui n'ont donc, dés aujourd'hui, rien à avancer.
Mais alors, me direz vous, où se situe le problème ? Excellente question. C'est la force de l'idéologie de ne pas avoir besoin de problème pour prétendre l'avoir résolu.
Relisons les discours ministériels pour comprendre. On y apprend que 15% des Français renoncent ou différent des soins pour des raisons financières (données de 2008 sur une base déclarative). C'est le cas parmi les populations les plus pauvres et parmi les étudiants. Tout cela est juste mais quels soins ? Et c'est là que tout se gâte. En tête de liste on trouve les visites chez les spécialistes et les soins dentaires pour lesquels l'Assurance Maladie se révèle absente dés lors que les dits soins vont concerner des prothèses ou des implants. Mais pour ces soins la réforme du tiers payant ne changera rien à l'affaire alors que ce sont des soins essentiels (la dégradation de la santé dentaire a des incidences démontrées sur les problèmes cardiaques par ex).
En gros nous allons dépenser 1 milliard d'euros pour une réforme qui ne sert à presque rien alors que plusieurs milliers de personnes continueront à différer des soins importants.
En effet, le coût de la réforme existe même s'il est quasi invisible, du moins à première vue. Détaillons un peu :
- Le premier coût concerne les systèmes d'informations de l'Assurance Maladie, des mutuelles et des assureurs (au total environ 350 organismes) qu'il va falloir adapter. Estimation environ 300 millions d'euros
- Le second coût concerne les systèmes d'informations dont les médecins vont devoir supporter pour leurs cabinets. Ce dernier pourrait se retrouver dans l'augmentation des tarifs des médecins grâce à la convention en cours de négociation. Estimation environ 150 millions d'euros
- Le troisième coût est lié au nouveau système de prélèvement de la franchise de 1 euro sur les consultations médicales. Aujourd'hui les remboursement son amputés d'un euro pour chaque visite mais demain il faudra inventer un nouveau système bureaucratique pour les récupérer. Comme le tiers payant est généralisé, le système est à réinventer aussi pour les franchises sur les boites de médicaments puisqu'aujourd'hui ces dernières étaient récupérées sur les autres remboursements de soins (qui par définition n'existeront plus). Quel que soit le nouveau système de récupération et au vu de la complexité de notre système, il sera moins performant que le système actuel. Estimation environ 500 millions d'euros entre le coût, le manque à gagner et l'inévitable fraude.
Notre système de santé, malgré ses succès et ses points forts, a besoin de réformes et l'art de réformer est difficile. C'est la raison pour laquelle, il vaut mieux penser avant d'agir au risque que les ruses de la raison ne rattrapent l'apprenti réformateur.
Président MAREXIAL Santé OA DPC - APSNA
8 ansPenser politique avant d'agir c'est la mère de toutes les batailles ...le Pouvoir
Vice President - Global lead - Strategy & Marketing | 30 Years in Management Consulting | Empowering Organizations to Achieve Meaningful Impact
8 ansUne fine analyse :)
Maître de conférences au CNAM Paris chez Conservatoire National des Arts et Métiers
8 ansExcellentissime ! Merci Didier pour ce brillant billet d'humeur. Tu as parfaitement décrit ce que je pense.