Le toboggan de la dépendance | Saison 1, épisode 3 : Lionel
Christian porte l'enfant qui lui serre le doigt. L'émotion le submerge, la colère aussi. Il essaie de retrouver depuis quand la partie lui semble perdue. Pour lui tout démarre quand on a commencé à dévaloriser la technique. Quand on a commencé à acheter plutôt que faire. Ce sont les années Drucker. Pas Michel, Peter. C'est le management par objectif qui a tout tué. Avant on avait un but et une méthode, on disait aux salariés où il fallait aller et comment le faire. Aujourd'hui on ne donne que des objectifs financiers et les managers se débrouillent comme ils veulent pour y arriver. Comme souvent ce qui devait libérer l'homme et lui donner plus de liberté dans son travail a été interprété comme cela nous arrange et c'est devenu une quête purement financière. Et les Chinois sont là pour nous aider à réaliser cet objectif.
Tout cela était latent depuis longtemps mais les effets se sont réellement fait sentir quand cette vision du business a croisé l'apogée de nos demandes de changement. La première vraie fissure c'est l'année maudite. 1986. Cette année-là, des pans entiers de croyances s'écroulent, c'est l'année du SIDA, tout est balayé. Balavoine d'abord, juste après, Challenger, en avril Tchernobyl et en juin Coluche. Le réveil fut dur. La jeunesse, perdue, désespérément enfermée dans un sentiment d'enlisement se cherche. Les media se développent et tout le monde comprend que les lois ne font pas les hommes mais quelques hommes font les lois (sic). Désormais, il n'y aura plus de cadeaux. Il va falloir vivre dans "un monde sans pitié". Clac.
Le début de la déchéance technique date des années Jospin. On commence par l'arrêt de la politique de renouvellement du parc nucléaire, puis contre tous les avis d'experts la fermeture de Super phénix. Tout s'enchaine avec le démantèlement de l'éducation nationale et l'éradication des formations techniques. On encense le MBA et on dénigre le CAP. Enfin, on atteint l'épiphanie avec les 35 heures. Ces 35 heures, qui devaient donner du travail aux classes populaires, ont en fait donné du temps libre aux cadres en appauvrissant les premiers tout en tuant l'hôpital et en liquidant définitivement notre compétitivité.
Voilà une gigantesque misconception qui a pu donner le sentiment aux salariés d'avoir une meilleure vie mais qui va sans aucun doute détruire celle de leurs enfants.
Démantèlement de Superphénix (2019)
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Lionel Jospin n'a pas agi seul, il était le chef du gang et en porte toute la responsabilité mais ses lieutenants conscients ou non ont encore enfoncé le coin dans la faille et sapé les fondements de notre souveraineté nationale.
Le plus symptomatique d'entre eux est SergeTchuruk avec le concept de fabless. Voilà un patron dont la méconnaissance crasse de son métier justifie à lui seul le syndicalisme. Cette personne n'a pas compris que l'atelier est le moyen de test de l'ingénierie.
Ces deux personnages, Christian a du mal à les appeler des hommes, à qui on a donné la légion d'honneur (soupirs désespérés...) méritent plutôt selon lui d'être mis en examen pour haute trahison.
Christian lui, se rappelle de ses cours et en particulier de cette citation de Henri Laborit qui dit que tout ce qu'on ne gère pas nous gère. Aujourd'hui nous ne maitrisons plus grand chose et surtout pas la mauvaise humeur des Français, les pénuries et les accidents climatiques. Comment eux vont-ils nous gérer, telle est la question.
Christian a toujours tout pardonné à sa fille, mais si elle appelle l'enfant Lionel, il va vraiment avoir du mal. On frappe à la porte, un personnage entre en douceur. C'est Akira, une connaissance intime de Solange. Pour le prénom il est soudainement rassuré mais pas pour le reste.