Le train, c’est bien pour prendre le temps
Image générée sur Midjourney

Le train, c’est bien pour prendre le temps

Prendre le train, c’est aussi prendre son temps. Dans un monde où tout va toujours plus vite, où l'immédiateté et l'efficacité sont reines, le train se dresse comme un bastion de résistance, le lieu d’un éloge de la lenteur. Alors que le métro, le RER et le tram sont associés au « train-train » quotidien, à la ville ou la banlieue, sans possibilité d’évasion vers de grands espaces, le train, lui, par son rythme et les expériences qu’il nous fait vivre, nous permet de renouer avec un certain rapport au voyage. De ce point de vue, il est peut-être, au regard des nouvelles attentes des voyageurs français et européens, le moyen de transport le plus moderne de son époque. Il peut être fast et également slow.

Source Alpha Trains, photo by Keolis_C. Köster

 À la recherche du temps… retrouvé

L’avion a tué le voyage. Enfin, le vrai voyage, celui qui nous procure une réelle sensation de déplacement physique dans l’espace. En avion, on entre dans un espace isolé de son environnement extérieur, et en quelques heures, quasiment sans s’en rendre compte, on peut se retrouver à La Havane, Istanbul ou Tokyo, dans un aéroport ressemblant à s’y méprendre à celui que nous venons de quitter. Grâce aux prouesses technologiques dont il est capable, l’avion brouille notre perception de la géographie, lisse les distances, et en ce sens amoindrit ce qui fait le charme d’un voyage : le trajet, ce temps qui nous prépare mentalement et physiquement au dépaysement que nous nous apprêtons à vivre.

Dans ce contexte, prendre le train aujourd'hui a quelque chose de poétique – au-delà de la dimension écologique et parfois militante. Alors même que nous avons la capacité de traverser le globe en moins de 24 heures, un nombre croissant de voyageurs font le choix du train, c’est-à-dire le choix de voyager sans se presser. Car prendre le train c’est renouer avec un temps long – même dans les lignes à grande vitesse, le temps peut sembler s’étirer : depuis Paris, il faut compter 7h pour rejoindre Berlin, 12h pour Vienne, 16h pour Venise et 20h pour Alicante. L’occasion de faire l’expérience d’un trajet où le temps a une autre valeur.

Ce n’est pas que la destination qui compte, c’est aussi le trajet

Source Pexels, photo by Quang Nguyen Vinh

Alors qu’en avion les trajets se ressemblent, en train, un trajet peut devenir un voyage à lui tout seul, un voyage qui commence dès que l’on monte à bord. Prendre le train est une expérience à part entière : on s'offre le luxe de contempler le paysage qui défile, de se perdre plus facilement dans ses pensées ou dans un bon livre, d'entamer plus aisément des discussions impromptues avec des inconnus qui deviendront peut-être des amis. Le train est riche d’imprévus – parfois plus ou moins agréables, car lorsqu’on circule sur une voie physique, des incidents peuvent plus facilement occasionner des retards…

Prendre le train, c’est aussi retrouver la sensation physique, corporelle des distances : être bercé par ce rythme cadencé, voir la banlieue disparaître au profit des petits villages, observer la végétation et le relief changer, témoins silencieux de notre progression à travers différentes régions… Une façon de voir du pays grandeur nature.

Le Transsibérien est un bel exemple de trajet qui constitue un voyage à lui tout seul : en minimum six jours et pendant 9289 km – c’est la plus longue ligne ferroviaire du monde ! – il est possible de traverser un continent entier, de Moscou à Vladivostok ! Un trajet au cours duquel on contourne l’Oural, on parcourt la Sibérie, on ne traverse pas moins de 7 fuseaux horaires différents, et où l’on peut s’arrêter dans l’une des 990 gares perdues dans la steppe ou au cœur d’une grande ville. Vous avez dit dépaysement ? Le Transsibérien a d’ailleurs inspiré de nombreux artistes voyageurs, de Blaise Cendrars, qui en 1913 écrivait « La Prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France », à Thylacine, musicien français qui a composé en 2016 son album « Transsiberian » pendant une traversée de la Russie en train.

En somme, le train ne se contente pas de nous « transporter » d’un point A à un point B, il nous « transporte », au sens propre comme au figuré. Chaque voyage en train est, en puissance, une aventure, une opportunité de voir le monde sous un autre angle, de se déconnecter de notre routine. Surtout, il nous rappelle que le chemin parcouru est tout aussi important que la destination elle-même.

« Slow travel » : éloge de la lenteur

Depuis 2020, la conjoncture de la crise écologique et celle du Covid-19 a permis l’émergence d’une nouvelle forme de voyage, en Europe et dans le reste du monde : le « slow travel ». Inspiré du mouvement Slow – un mouvement né dans les années 1980 en Italie pour prôner un ralentissement de nos rythmes de vie – le « slow travel » encourage un mode de vie plus lent, plus conscient et écologiquement plus responsable, pour s’immerger dans les lieux visités, privilégier des expériences authentiques et valoriser les richesses locales. D’ailleurs, pourquoi se dépêcher pendant nos vacances, quand le reste de l’année, au travail ou à la maison, il faut être efficace et rapide ?

Selon une étude 2021-2022 du Customer Lab d’ Allianz Partners , menée auprès plus de 25 000 consommateurs dans le monde, 60% des sondés déclaraient qu’ils feraient davantage attention à l’impact environnemental de leurs voyages à l’avenir, par rapport à la période pré-pandémique ; et plus de la moitié (56%) avaient l’intention de voyager moins à l’avenir, afin de réduire davantage leur empreinte écologique. En France, les chiffres sont moins conséquents mais montrent néanmoins une réelle évolution des modes de voyage : 35% des sondés français déclaraient qu’ils feraient plus attention à l’impact environnemental de leurs voyages, et 29% avoir l’intention de voyager moins pour réduire leur empreinte écologique. Dans ce contexte où le but n’est plus de visiter le maximum de choses en un minimum de temps, le train est le mode de transport tout indiqué – au moins pour les distances qui sont trop longues pour être parcourues à pied ou à vélo. À cet égard, on note de la part de voyageurs français un regain d’intérêt pour les lignes dites « secondaires », comme Nice-Tende par exemple, comme le remarque Juliette Labaronne ☀️ dans son livre « Slow Train » (2019). Le slow travel, ou l’occasion de prendre le temps de (re-)découvrir la France par ses trains ! 


 Après des décennies de célébration de moyens de locomotion toujours plus rapides, de l’ère de la vitesse, la crise écologique a inversé le mouvement. Et le train occupe une place de premier plan dans ce renouvellement des habitudes de consommation et de déplacements. Par ses qualités poétiques et écologiques, le train est une expérience en soi, un voyage, là où d’autres moyens de transport, comme l’avion, ont tendance à n’être que des déplacements.

La semaine prochaine, découvrez pourquoi le train c’est bien pour un tourisme durable et responsable.

Guillaume Humbert

Key Account Executive at Smiths Detection

9 mois

Encore une fois très intéressant et bien documenté. Merci Monsieur Pouyet !

Frédéric DUTERTRE

Manager de Transition Matériel Roulant Ferroviaire

9 mois

Merci Vincent de nous rappeler qu'il faut prendre le temps de vivre !

Carole Escoffier

Chef de projets | Spécialisée matériel roulant, métros automatiques et systèmes d'assistance à la conduite

9 mois

Bravo Vincent pour cette série d’articles, c’est original et intéressant. J’espère que tu vas continuer à poster 👍

Patricia Bastard

Partner - Managing Director at Yellow Window / President at Femmes en Mouvement

9 mois

Tout à fait d’accord Vincent … prendre le train aujourd'hui a quelque chose de poétique – au-delà de la dimension écologique !

Sanjay Somaiya

Lead Railway (Locomotive & Track) Maintenance Professional

9 mois

Beautiful and fact full thoughts.

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