Le virage risqué mais inéluctable du management
INITIUM Coaching

Le virage risqué mais inéluctable du management

En finir avec le management toxique

Je pense sincèrement que nous sommes arrivés pour les entreprises et les organisations à un tournant important dans l’histoire du management. Ce tournant est composé de deux caractéristiques différentes et complémentaires.

La première est la prise de conscience quasi généralisée que nous avons atteint un seuil d’épuisement managérial dû à une forme d’intolérance voire de toxicité de la façon de travailler ensemble. Les éléments de cette prise de conscience sont la baisse inéluctable du désengagement des salariés, la fuite des talents, la multiplication des risques psychosociaux et des burn-out et la hausse considérable de ceux qui ne souhaitent plus avoir de responsabilités et qui préfèrent voler de leurs propres ailes en freelance, au risque d’une précarité qui leur semble plus acceptable.

La deuxième caractéristique de ce tournant managérial qui est en train de s’opérer est l’émergence de nouveaux concepts d’organisation du travail, qui deviennent, ici et là de plus en plus concrets et de plus en plus performants dans la réalité de certaines entreprises.

J’utilise volontairement le terme de « tournant » managérial, car dans un tournant nous sommes toujours sous l’influence la force cinétique du passé qui nous pousse « naturellement » à continuer tout droit. Et en même temps, nous voyons clairement que la route change de direction pour aller vers un avenir différent. Ne pas tourner le volant est objectivement impossible, sous peine de s’écraser contre un arbre ou de tomber dans le précipice. Mais subjectivement cela demande un effort et une prise de risque certaine afin de tourner correctement le volant, et cela peut engendrer des doutes et des craintes.

Négocier ce virage managérial est de la responsabilité de ceux qui ont le volant

La technique de l’autruche avec la tête bien dans le sable est encore utilisée par certains dirigeants. Mais mis à part ceux-ci qui ne veulent pas voir l’évidence, le virage est bien là, et il va falloir rapidement le négocier pour ne pas entrainer tout le véhicule et ses occupants dans un drame irréversible.

Pour un dirigeant, négocier le virage managérial, c’est tout d’abord lâcher prise sur la conservation d’habitudes et de prérogatives devenues néfastes et dommageables à tout l’écosystème dont il a la responsabilité. Négocier le virage c’est aussi être dans l’ouverture et la curiosité d’aller vers une nouvelle voie. Ce lâcher prise et cette ouverture demande à la fois de l’abnégation et du courage. Abnégation d’accepter de reconsidérer les schémas mentaux devenus obsolètes, et courage d’arrêter un mouvement mortifère pour oser reconstruire un nouveau paradigme.

Ce que j’ai le plus souvent observé dans mes accompagnements chez les dirigeants, c’est à la fois leur solitude décisionnelle dans cette prise de risque de changement, et leur manque de visibilité sur l’après. Les dirigeants ont besoin de savoir sur quelle nouvelle route ils vont s’engager et le rôle qu’ils auront à tenir, car tous ont bien conscience qu’après ce virage managérial, le style de conduite ne sera plus le même.

Il n’y aura plus de passagers,
 mais des co-conducteurs

Dans le nouveau style de conduite managériale je les mets face à une réalité incontestable, celle qu’il va falloir demain confier un peu plus le volant aux occupants du véhicule. Et pour cela, leur nouveau rôle sera de donner une direction et une destination claire et compréhensible, tout en formant les occupants à la conduite et en leur donnant un niveau d’autonomie nécessaire. L’image de la conduite accompagnée que de nombreux parents connaissent bien, me semble parfaitement traduire la réalité que le dirigeant aura à vivre demain. Si vous avez eu le privilège de goûter aux délices de la conduite accompagnée en tant que parent (et propriétaire du véhicule de surcroît !) vous connaissez surement les tensions internes et externes que procure une telle expérience. Au final vous savez que votre enfant ne conduira pas exactement le véhicule comme vous et comme vous le souhaiteriez vraiment. Vous lâchez prise sur vos « préférences » tout en restant ferme sur vos « objections » à une conduite dangereuse ou irrespectueuse du code de la route.

Changer la manière de conduire

Certes, dans le nouveau paradigme managérial, le véhicule devra être agréable, confortable et l’ambiance générale conviviale. Mais changer la couleur des sièges ou mettre de la musique ne sera pas suffisant ! Dans le véhicule devra régner un cadre fait de confiance et de respect de tous les occupants les uns envers les autres.

Par la confiance accordée, les personnes seront plus engagées. Par l’autonomie donnée, elles se sentiront plus responsables. Elles seront alors en capacité de prendre avec intelligence et efficacité les décisions et les initiatives qui leur sembleront les plus adaptées à la situation, pour garder le cap et faire avancer le véhicule dans la bonne direction. Enfin et surtout, elles seront fières et heureuses d’être « acteurs et actrices » d’un beau voyage collectif.

Je ne suis pas de ceux qui estiment nécessaire de faire descendre des personnes du véhicule, estimant qu’ils en alourdissent inutilement la charge. Je suis plutôt de ceux qui croient que de nouveaux rôles et de nouvelles responsabilités peuvent être instaurées pour faciliter ce nouveau style de conduite plus collectif et plus coopératif.

Le risque de l’irréversibilité

Une fois le tournant amorcé, une fois le changement managérial initié, il s’avère impossible d’arrêter la dynamique sous peine de perdre totalement le contrôle du véhicule et de mettre tous les occupants en réel danger. En effet, le nouveau paradigme managérial dont je viens d’énoncer les grands principes, possède une caractéristique intrinsèque forte qui est celle de l’irréversibilité.

Quelque-soit le nouveau modèle managérial plus ou moins choisi, il va obligatoirement libérer des énergies qui étaient paralysées dans l’ancien paradigme. Cette « libération » des énergies, que certains détracteurs et opposants comparent à la boite de Pandore, de mon point de vue ressemble plutôt au prisonnier libéré dans l’allégorie de la caverne de Platon. Le prisonnier libéré a vu la lumière extérieure et ne pourra plus jamais l’ignorer. A tel point que revenir s’enfermer dans le fond de la caverne lui serait totalement invivable. En tous cas beaucoup plus invivable que pour les autres prisonniers restés dans l’ancien paradigme des ombres. Les nouveaux modèles managériaux ont tous en commun cette libération des énergies, même si leurs processus de libération différent sensiblement les uns des autres. Ils comportent donc tous également cette impossibilité, ou du moins cette extrême difficulté de retour en arrière.

Un dirigeant averti en vaut deux

Cet aspect plus ou moins irréversible de la dynamique du changement managérial et donc de la prise de risque qui lui est associée, exige de la part des dirigeants une grande anticipation. Ils ne doivent pas se lancer seul dans le virage sans connaître les caractéristiques inéluctables et les effets induits. Les nouveaux modèles managériaux ne sont pas des modèles à incrémenter automatiquement dans l’organisation de toute entreprise. Ce sont principalement des canevas inspirants qui vont permettre à chaque entreprise de construire son propre modèle selon son contexte, ses enjeux, ses ambitions et sa vision. Le dirigeant qui est toujours à l’origine du top départ du changement, est personnellement et fortement impliqué dans la réussite de cette aventure. Et, comme dans toute aventure, un travail d’anticipation préalable est indispensable.

Pour le dirigeant, anticiper le virage du changement demande à ce qu’il se change d’abord lui-même. Vous avez certainement remarqué que lorsque nous avons une conduite légèrement sportive nous anticipons le virage en nous penchant légèrement vers l’intérieur. Ce quasi réflex inconscient est issu de notre expérience liée à la force centrifuge qui exerce sur notre corps une contrainte invisible mais bien réelle. Il en est de même pour un dirigeant qui souhaite engager son entreprise dans un virage vers un nouveau paradigme. Des forces invisibles internes et externes vont venir exercer sur sa propre personne des contraintes qui peuvent considérablement le fragiliser et de facto fragiliser l’aventure du changement. Un dirigeant ne doit pas se lancer dans la courbe sans être préparé à en assumer les premières secousses.

Un accompagnement spécifique pour le dirigeant n’est pas une option de confort ou de normalité, c’est une condition sine canon de la réussite de toute l’entreprise. En effet il devra faire un travail personnel profond sur lui-même, un travail de « lâcher prise » tout en douceur pour aller vers un « oser prendre» tout en confiance et en sérénité.

En résumé :

Le tournant vers de nouveaux modes de management qui vont libérer les énergies emprisonnées jusque-là, est un tournant inéluctable pour toutes les entreprises qui souhaitent pérenniser leur existence tout en améliorant celle de leurs acteurs. Mais comme dans tout virage, les risques de dérapage sont possibles. La confiance, l’autonomie, le partage du pouvoir et la coopération sont autant de richesses fabuleuses que de prises de risques qu’il faut savoir anticiper et accompagner. Prendre conscience de l’inéluctabilité d’un changement profond de la façon de travailler ensemble est l’étincelle qui doit naître dans l’esprit et le cœur du dirigeant. Prendre conscience que cette étincelle exige un travail d’anticipation sur soi, est la meilleure manière de la canaliser vers une dynamique de réussite collective.

Jean-Michel PHILIPPON - INITIUM Coaching

Comment concilier performance et bien-être au travail ? Les grandes lignes du nouveau paradigme managérial :


Maxime Flauw ⚓

Vers une Nouvelle Société Française, faire équipage et arriver ensemble.

4 ans

D'accord. On peut aussi s'inspirer du management à bord des navires, un équipage, ''arriver ensemble''... www.commeabord.pro

Nina L.

Assistant de Direction en environnement multiculturel | Bilingue | Trilingue | Langue maternelle anglaise | Allemand courant

5 ans

Jean-Michel PHILIPPON Article dense et plus qu'intéressant ! Une séance de coaching. En le lisant, j'ai glissé vers une lecture plus personnelle : le virage du management...de sa propre vie ☘

Delphine VIAL 💚

DIRECTEUR INDUSTRIEL | SUPPLY CHAIN | DEVELOPPEMENT DURABLE | TRANSFORMATION | ORGANISATION |

5 ans

Tout à fait d’accord. Au-delà de l’évolution du dirigeant et de la nécessité de l’accompagner, je m’interroge sur la mise en œuvre au-delà du « big boss » et de son premier cercle. Ce qu’il faut de communication, d’information, de formation, des RH, des managers et pas seulement ... comment on accompagne pour s’assurer que c’est compris, mis en action, que tous se l’approprie ? Bref, très très intéressée à en savoir plus !

Caroline Nunney

Directrice du Business Dvpt & du Bureau de Lyon - BDO Temps Partagé et Mgt de Transition

5 ans

Très belle analogie - à laquelle on peut associer l importance pour le conducteur de bien se connaître, s assurer que tout le monde monte à bord pour une destination commune, que chacun se sente en sécurité, adapter sa conduite aux conditions météo et à la route choisie ... et rouler vert ! Merci pour cet excellent article.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets