Leader l'innovation réside dans l'art de savoir disparaître

Leader l'innovation réside dans l'art de savoir disparaître

Le mécanisme d'innovation s'éclaircit au fur et à mesure que la recherche sur les sciences cognitives avancent. Le phénomène "Eurêka" semble passer par une phase de processus inconscients et aléatoires, qui se produisent en dehors de l'effort de volonté. Comment les Managers peuvent révéler la force d'innovation de leur équipe ? En adoptant une posture dynamique, allant du directif au participatif, pour fixer le cap, tout en conservant de l’espace pour l’entropie créative.

Processus d’innovation

Les recherches récentes en neurosciences, envisagent de plus en plus, le fonctionnement du cerveau sous l’angle de réseaux neuronaux distribués, plus ou moins sollicités selon les actions engagées.

Pas moins d’une quinzaine de réseaux et sous-réseaux neurologiques sont à l’étude. Quatre d’entre eux font l’objet d’un consensus, et leur impact sur le travail du savoir s’éclaircit.

  1. Le réseau par défaut : à l’œuvre lorsque nos pensées divaguent, vagabondent. Il s’active en dehors de tout effort de concentration.
  2. Le réseau de récompense : répond aux stimuli de plaisir ou satisfaction
  3. Le réseau affectif : s’active lorsqu’on ressent des émotions
  4. Le réseau de contrôle : permet planification, évaluation et sollicite la concentration. [1]

Pour libérer la capacité d’innovation, le réseau par défaut semble être un incontournable dans le processus de découverte. Il faut donc lui laisser un espace suffisant pour s’exercer. Or ce réseau n’est pas ami avec le réseau de contrôle. Il faut donc désactiver ce dernier pour laisser l’autre travailler.

On distingue quatre phases dans le processus de création : la préparation, l’incubation, l’illumination et la vérification [2] [3]

Les phases de création

La préparation

La première phase est le processus qui va mettre des ingrédients dans le réservoir d’incubation. Ce n’est pas pendant cette phase que le « Eurêka » va se produire, mais sans lui, rien à faire mijoter dans la marmite. C’est la phase d’exploration d’un problème. On explore, on engrange, on échange, on tente, on échoue, on suppute . Bref, le réseau de contrôle fait son one-man-show sur scène. Plus on a d’ingrédients, plus ça va mijoter.

Deux choses importantes dans cette phase :

  • Le circuit « essai-erreur » doit avoir le champ libre. Le manager doit veiller donc à véhiculer une vision positive de l’échec, sinon, l’incubateur va tourner à vide.
  • Les idées et propositions doivent librement circuler dans l’équipe. Elles sont autant d’éléments qui viendront enrichir l’incubateur. Donc écoute et valorisation doivent dominer la dynamique de groupe.

L'incubation

Passé cette phase de préparation, il faut laisser la place au réseau par défaut. C’est lui qui va s’occuper de faire des recoupements improbables entre les différents éléments engrangés, et va permettre l’étincelle d’illumination.

Pour qu’il puisse être sur le devant de la scène, il faut désactiver le réseau de contrôle. Or tant que celui-ci est alimenté par méfiance – stress - pression, il va rester au premier plan.

Pour cela le Manager doit

  • Favoriser une atmosphère de confiance, empreinte d’équité et de transparence, pour désactiver le besoin de vigilance.
  • Utiliser les objectifs à bon escient. Ils doivent être considérés comme des indicateurs pour clarifier une direction, pas pour mettre la pression ou chopper la personne au tournant.
  • Laisser une part d’autonomie et de contrôle sur les actions. Si le Manager fixe le CAP avec le « QUOI », il doit lâcher prise sur le « Comment ».
  • Enfin… Laisser dormir ses collaborateurs !
« Il est clair que le sommeil est une période d’intense activité inconsciente qui consolide la mémoire et parfois, dans l’obscurité de la nuit, jette soudain la lumière sur des problèmes demeurés insoluble » S.Dehaene [2]

D’où la nécessité de respecter le droit à la déconnexion. A chaque fois qu’un mail professionnel est envoyé en soirée ou Week-End, on réduit l’espace du réseau par défaut, et on élève le niveau d’activité cérébrale qui va rendre le sommeil plus difficile.

Vérification

C’est la phase où le réseau de contrôle peut se remettre au travail. C’est la phase où il faut finaliser et consolider la découverte. Ici encore, écoute et valorisation sont essentielles pour accueillir les idées divergentes et éviter le risque de pensée unique. (cf : catastrophe commerciale du Concorde)

Manager et autorité vs Leader et flexibilité

Ainsi, pour laisser le potentiel d'innovation s'exprimer pleinement, les Managers, doivent alterner prise de Lead pour fixer le cap, et passage de relais, pour se mettre hors champs et faire du cadre un espace protégé, qui va redonner de la place au réseau par défaut et faciliter la libre circulation des idées.

Pas facile pour eux, qui subissent une pression accrue sur des objectifs à atteindre. De plus, notre représentation culturelle du management met au premier plan la problématique de l'autorité. Que ce soit pour un manager ou un enseignant, son premier souci est d'avoir de l'autorité. Nombreux sont ceux qui tombent dans le piège de la posture inutilement haute, et exercent un contrôle inutilement élevé.

Attention ! à trop contrôler, l'incubateur sera désespérément vide.

La posture du manager doit donc être dynamique. Il doit être suffisamment souple pour jongler avec quatre postures fondamentales: directive, participative, délégative et persuasive. *

C'est ce qui fera de lui un bon leader.[4]

Auteur: Hélène Morre, fondatrice et dirigeante de kOlinkis, développe et anime des formations au management avec l'outil du théâtre d'improvisation. Mère d'un enfant autiste, elle défend le modèle d'une société inclusive et prône le développement de la neuro-diversité en entreprise.

Formation à l’innovation managériale, pour apprendre au manager à apparaître et disparaître afin de laisser émerger les talents / 3 et 4 décembre 2018 à Lyon - Villeurbanne

* Le leadership situationnel, à suivre dans un prochain article

Bibliographie :

[1] Article « Le cerveau au travail » par A Waytz et M Mason – Revue HBR Août-Septembre 2018

[2] « Le code de la Conscience » par S. Dehaene – Editions Odile Jacob

[3] Neuroleadership – J. Teboul et Ph. Damier – Editions Odile Jacob

[4]Management of organizational behavior - Hersey, Blanchard Johnson - Pearson

Bernard Morre

Médecin, je travaille sur 4 micronutriments déficitaires chez les sujets qui font des covids sévères

6 ans

Comme tous les textes riches, ce schéma est intéressant car il peut se lire aussi pour l'organisation de sa propre pensée. À l'intérieur du cerveau semble se passer les mêmes processus que ce que l'on peut trouver en entreprise. Le lâcher prise du système par défaut avec ses essais et erreurs est très intéressant. Bon courage Hélène.

corinne Jouanin Dunod

Project Leader (Sanofi Pasteur)

6 ans

Merci Hélène pour cet article, qui montre bien le positionnement du leader ... un libérateur d'énergie !

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