L’Emploi des Cadres dans l’Immobilier au premier semestre 2016

L’Emploi des Cadres dans l’Immobilier au premier semestre 2016

Un environnement économique général globalement en amélioration mais néanmoins décevant au second trimestre

L’année 2016 avait bien commencé après quelques semaines d'inquiétude liée à la crise boursière : nouvelle accélération de l’activité dans la zone euro au premier trimestre (+0,6 % après +0,4 %), croissance du PIB plus vive qu’attendu en France et en Allemagne, stable en Espagne et en Italie. Les fondamentaux semblaient robustes, confirmés par une bonne orientation du climat des affaires. Les exportations avaient tiré la croissance en 2015, la demande intérieure prendrait le relais en 2016 pour l’entretenir à un niveau stabilisé, légèrement au-dessus de +1,5 % en rythme annuel. Cette situation devait permettre à la zone euro de résister à un environnement international de nouveau moins porteur avec le risque de ralentissement des économies anglo-saxonnes.

Dans ce contexte la France, comme la zone euro, devait bien évoluer grâce à un prix bas du pétrole et une inflation quasiment nulle, un niveau de taux d’intérêt qui n’a jamais été aussi bas et une politique monétaire très accommodante, une hausse des taux de marge des entreprises, une amélioration certes lente mais effective de l’emploi, une hausse de l’investissement productif nettement constatée à fin mars 2016 ainsi qu’une croissance de la consommation des ménages. Ces impulsions favorables devaient encore être soutenues par des facteurs temporaires tels que l’Euro de football, la hausse de l’activité dans les services… Ainsi, le PIB a-t-il augmenté de 0,6 % à fin mars, laissant augurer la poursuite de la croissance, certes moins forte au second trimestre du fait de l’arrêt de ces facteurs temporaires, mais à un niveau de +0,3 %.

Las, la croissance du second trimestre a été nulle, l’investissement des entreprises a baissé dans la quasi-totalité des secteurs de l’économie, la consommation a fortement ralenti (0 % après +1,2 % au premier trimestre), l’estimation de la croissance du PIB français en 2016 a baissé d’un point de base à +1,5 % au lieu de +1,6 %, laissant craindre le syndrome que nous connaissons depuis quelques années : un pronostic très favorable à fin mars, une déception à fin juin et un consensus des économistes sur « une vraie reprise » l’année suivante… Résultats quelque peu décevants, donc, et le Brexit, intervenu fin juin, n’y est pas pour grand-chose, contrairement sans doute aux conséquences des grèves et du contexte social français, s’ajoutant au traumatisme et aux craintes du terrorisme islamique.

Un contexte beaucoup plus favorable dans l’immobilier

Même si l’industrie immobilière n’est pas étanche, loin s’en faut, aux problèmes sociaux, incertitudes politiques et économiques, aux craintes liées aux actes de terrorisme, elle bénéficie cependant d’une conjonction de facteurs extrêmement favorables, profite pleinement (et sans hausse excessive des prix à ce jour, en dehors des sites exceptionnels) de la baisse des taux d’intérêt, de la hausse du pouvoir d’achat des ménages, probablement de la perception d’une amélioration des perspectives en matière d’emploi, des mesures prises en faveur de l’immobilier résidentiel (dispositif Pinel pour l’investissement locatif prolongé jusqu’à fin 2017, toilettage du PTZ, retour des investisseurs institutionnels attirés par la TVA à 10 % sur le logement intermédiaire, poursuite de la vente en bloc aux bailleurs sociaux qui ont très largement « sous-traité » le développement du parc social neuf aux promoteurs privés depuis quelques années).

Ainsi, les ventes de logements neufs ont-elles bondi de 22,7 % à fin juin à plus de 71 000 unités, dynamique constatée tant dans l’investissement locatif qu’en accession à la propriété, laissant entrevoir une année 2016 qui pourrait atteindre 130 000 ventes, dépassant le record de 2007 après des années de « vaches maigres ».

Concernant l’immobilier d’entreprise, les mêmes facteurs auxquels s’ajoute l’amélioration des marges des entreprises ont aussi permis une évolution favorable quoique plus nuancée. Le marché locatif des bureaux s’est bien porté en Île-de-France avec 1 139 100 m² placés au premier semestre, soit une croissance de plus de 20 % par rapport à 2015, impulsion constatée tant au premier qu’au second trimestre, grâce notamment à la demande grandissante des surfaces de plus de 5 000 m². Quant à l’investissement en immobilier tertiaire sur l’Île-de-France (bureaux, commerce, locaux d’activité et entrepôts), faible au premier trimestre, un rattrapage a eu lieu au second pour finir à +11 % (6 395 M€ à fin juin 2016 pour 5 757 M€ l’année dernière à la même époque) et même, semble-t-il à +23 % sur la France entière avec 9,3 Md€, et un engouement toujours plus grand sur le « blanc » à Paris, ce qui est bon signe.

En matière de commerces, le développement de nouveaux projets est plutôt à la baisse en Île-de-France, démontrant une grande prudence des opérateurs.

Quant au marché de la logistique, directement corrélé à la conjoncture économique, « boosté » opportunément par le redéploiement de la supply chain de la grande distribution et aussi par la montée en puissance de la vente par Internet, notamment liée au développement faramineux des « Gafa » (Google / Apple / Facebook / Amazon)  et de ce fait très volatile, il a développé près de 1,2 M de m² ces douze derniers mois, prévoit d’en monter autant dans les 6 mois à venir, après avoir mis en chantier plus de 2,7 M de m² sur 12 mois glissants à fin juin. Il se porte donc particulièrement bien à ce jour même si la demande placée a sensiblement fléchi au second trimestre.  

Pour l’activité de recrutement France dans l’industrie immobilière, les statistiques APEC 2015 / prévisions 2016, récemment sorties, font état de 2 230 recrutements en 2015, d’un recalage à 2 730 recrutements pour 2014 (1 820 annoncés sur la même année en fin d’année dernière), 2 210 en 2013 (versus 2 990 annoncés précédemment), 3 340 en 2012 et 2 740 en 2011. Les prévisions annoncées en 2016 sont comprises dans la fourchette 2 120 / 2 350, du même ordre donc que l’activité de 2015. Cette dernière a été concentrée sur l’Île-de-France à hauteur de 41 %, Auvergne - Rhône-Alpes (11 %), Paca-Corse (8 %), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (7 %).

L’activité de Derote Vatté & Associés Executive Search au premier semestre 2016

Globalement, en matière de signature de nouvelles missions, nous sommes en croissance de +36 % en nombre et de +42 % en valeur à fin juin par rapport à l’année dernière à la même époque.

Nous avons immédiatement perçu la très forte poussée des activités de promotion immobilière, qui représentent 40 % du nombre de nos missions (versus un tiers l’année dernière). Pour la moitié, il s’est agi de fonctions de développement, du développeur confirmé au directeur du développement. Les directions générales et de centre de profit viennent en seconde position avec 30 %, puis les fonctions programmes et les missions de conseil (évaluations, benchmark de rémunérations d’un Comité de Direction…).

À l’évidence, tout s’est conjugué au cours de ce premier semestre : après la hausse continue de 2015, nous avons assisté à un véritable bondissement des recrutements de développeurs sous la recherche croisée de tous les opérateurs, nationaux, régionaux, locaux, indépendants, start-up de la promotion d’où « chasses portées au rouge », avec les excès associés : très fort turn-over, sollicitations permanentes des professionnels concernés, début de hausse déraisonnable des rémunérations longtemps tenues par les opérateurs d’autant que ces derniers veulent tous recruter « les meilleurs spécialistes sur leur secteur ». Certains marchés régionaux ne sont d’ailleurs pas capables d’absorber cette hausse, d’où pénurie et impossibilité de répondre aux besoins exprimés. Il vaut mieux le savoir et l’anticiper pour éviter les déceptions et proposer en amont les solutions de ciblage les plus pertinentes, ce qui est le rôle d’un conseil.

Les directions de centre de profit et les postes de direction générale ont été nombreux, pour une bonne part en création de poste, du fait du développement de promoteurs locaux et multirégionaux créant des agences, mais aussi en remplacement, à la suite de restructurations, décisions de séparation pour des raisons d’insuffisance de performance, pour raisons personnelles ou de reconstitution d’équipes rapprochées.

Il est probable que les recrutements de production, responsables de programme et directeurs techniques, vont repartir à la hausse dans l’année à venir pour assurer la réalisation des opérations développées. Autres fonctions qui suscitent un intérêt marqué et sur lesquelles nous travaillons dans la promotion résidentielle : le webdesign, la gestion de données CRM ; bref, la digitalisation de la promotion est en marche…

Les régions de prédilection se sont élargies depuis l’année dernière : juste après l’Île-de-France, qui représente la moitié de nos missions de promotion dans nos propres statistiques et mobilise l’attention de tous les promoteurs avec le Grand Paris, générant des recrutements de haut niveau portant sur les grandes opérations, complexes et multi-produits, viennent Paca et Lyon puis Bordeaux, enfin Toulouse et Strasbourg. Les entreprises de bâtiment de toute dimension, indépendantes et familiales multirégionales, nationales, entendent bien profiter de la manne des opérations immobilières sur l’Île-de-France en créant, réactivant, réorganisant, développant des structures de montage destinées à apporter des travaux à l’entreprise et prenant de plus en plus le risque de promotion.

Les recrutements « grandes opérations » concernent des patrons de centre de profit multi-produits, des directeurs d’opérations ayant une pratique très confirmée du logement collectif, mais aussi de l’urbanisme opérationnel, maîtrisant les candidatures à concours et les réponses aux appels d’offres. Sur cette fonction, les profils recherchés sont des monteurs d’opération confirmés, de niveau élevé, dotés d’un réseau étoffé au sein des collectivités territoriales et auprès d’apporteurs d’affaires diversifiés et d’un double cursus ingénieur / urbanisme – aménagement, le stade au-dessus étant le dirigeant doté de plus d’un savoir-faire managérial éprouvé, à la fois charismatique, gestionnaire et visionnaire.

L’immobilier du commerce et de la distribution arrive en seconde position, mais en forte baisse par rapport à l’année dernière, représentant un quart de notre activité en nombre de missions, ceci auprès des foncières en galeries marchandes, retail parks et centres commerciaux, de la grande distribution, des promoteurs spécialisés, des enseignes et prestataires de services associés.

Il s’est agi essentiellement de postes de commercialisation et merchandising, mais aussi de direction générale promotion en urbanisme commercial, de conception-design, d’asset management, de property management spécialisés, enfin, de « webdesign » et « e-commerce ».  

Les investisseurs institutionnels hors « retail » sont en hausse avec également un quart de nos missions à la fin de ce premier semestre. Nous avons travaillé  pour de grands gestionnaires d’actifs, classiquement sur des postes d’asset management tertiaires mais aussi résidentiels et résidentiels gérés (ce qui est nouveau et plus rare), pour des sociétés de gestion récemment créées et en création chez des opérateurs immobiliers tertiaires qui élargissent leurs activités en recherchant des responsables / directeurs de l’asset management et des acquisitions, en logistique chez les opérateurs – foncières spécialisées d’obédience étrangère en particulier (asset management, direction de projet et de développement, poste de contrôle de gestion siège), pour des « family offices » aussi, mouvement fortement engagé depuis 2014 et qui s’est poursuivi, notamment avec le recrutement d’asset managers, de directeurs techniques – construction…

Les sociétés de service et de conseil, hors « retail » ainsi qu’un poste de direction immobilière utilisateur, totalisent 10 % de nos missions, en développement commercial, de réseaux et en expertise : aménagement de bureaux, conseil et conception en matière de logiciels spécialisés en management de projet et commercialisation, direction de l’expertise immobilière France au sein d’un leader du conseil en immobilier d’entreprise, responsable de développement réseau d’agences pour une mutuelle… 

Par fonction, nous avons réalisé un tiers de nos missions à fin juin en développement et montage de projets immobiliers (pour 25 % à la même date en 2015), 20 % en investissement, gestion de biens et d’actifs, également 20 % en commercialisation et marketing (essentiellement en retail), 16 % en direction générale et de centre de profit, le solde de 11 %, en technique / travaux, neufs et maintenance, missions de conseil.

Les perspectives du second semestre 

L’environnement économique global devrait osciller entre une stabilité peu enthousiasmante et une croissance favorable plus perceptible. Après les craintes du Brexit, il semble acquis pour la plupart des économistes, que la perte de croissance sera « de l’épaisseur du trait pour 2017 et 2018 ». Si le Brexit est un problème important pour l’économie britannique qui peut rentrer en récession, il commence à être considéré comme mineur pour la conjoncture en zone euro, après les premières craintes et même l’attentisme qui l’a précédé, qui ont certainement influé sur les décisions d’investissements des anglo-saxons en juin et juillet.

« La douleur » serait à peine perceptible pour les pays membres de la zone euro ; de totalement indolore à tout juste sensible, la nuance est faible et pas plus épaisse que la marge d’erreur habituelle des statistiques économiques et des comptes nationaux : somme toute, le Brexit coûterait au PIB de la zone euro 0,1 point en 2016, 0,3 point en 2017 et 0,15 point en 2018.

L’environnement économique français va demeurer favorable aux activités de promotion immobilière en 2016 et probablement en 2017, sauf facteurs exogènes, bien sûr.

Ainsi, en matière de promotion résidentielle, la demande de logements neufs devrait-elle rester soutenue tout au long de l’année avec l’effet PTZ et taux bas, avec la poursuite de la vente en bloc aux bailleurs sociaux et la reprise de l’investissement institutionnel en logements, enfin, avec la compétitivité perçue de l’investissement locatif résidentiel des particuliers, direct ou en « pierre-papier », par rapport aux autres placements.

Un écueil habituel semble aussi en voie d’amélioration : la mobilisation du foncier public, destiné à être cédé aux promoteurs privés et bailleurs sociaux. Différentes propositions de candidats à la Présidence de la République en faveur de la relance de la construction, qui redevient un enjeu national, fleurissent dans les programmes.

Des difficultés pourraient apparaître, selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers, en matière de production, qui doit être améliorée et soutenue pour faire face quantitativement et qualitativement à la demande, d’où les besoins probables en fonctions de production - programme et technique, après celles de développement. 

L’incertitude est plus grande concernant l’immobilier d’entreprise, plus étroitement corrélé à la dynamique de l’activité économique générale, décevante au second trimestre et qui ne permettrait pas une reprise sensible en deçà d’un taux de croissance du PIB estimé à +1,5 %. L’immobilier du commerce et de la distribution est également dans l’incertitude, compte tenu de l’évolution de la consommation des ménages, moins favorable qu’attendu. De plus, les révolutions des « Gafa », de la digitalisation et de l’aménagement des espaces de travail (coworking, économie collaborative…) de la vente par Internet, ont des conséquences directes et immédiates sur l’immobilier d’affaires et d’exploitation, ce qui va accentuer encore l’obsolescence de certains immeubles au profit d’immeubles neufs.

Mais la destruction de valeur va aussi de pair avec la création de nouvelles valeurs. Nul doute que de nombreuses sociétés de services vont évoluer et se développer, que la digitalisation va devenir un enjeu primordial dans le secteur traditionnel du logement, certes plus lentement, mais non moins sûrement (le logement, devenu de plus en plus performant en matière technique et de développement durable, doit évoluer pour s’adapter aux besoins futurs, impactés par les mutations et les révolutions technologiques en cours), tout comme dans l’organisation des entreprises, en particulier celles qui interviennent dans l’acte de construire de l’amont à l’aval (BIM – « Building Information Modeling », flexibilité et souplesse des organisations...).

Ainsi, au mieux assisterons-nous au cours de ce second semestre à une nette reprise de l’immobilier d’exploitation et d’investissement du fait d’une dynamique économique retrouvée au-delà d’une croissance du PIB de 1,5 %, reprise s’ajoutant à un acquis de croissance en matière de promotion résidentielle, sous réserve que les taux arrêtent de baisser à loyer constant, que les aléas politiques notamment pré-électoraux, géopolitiques et macro-économiques et ceux liés au terrorisme, ne viennent pas perturber le cycle.

Au pire, cet acquis de croissance sera-t-il le seul, les autres secteurs de l’industrie immobilière affichant des indicateurs témoignant de la persistance d’une morosité économique générale après des espoirs de reprise déçus, et/ou d’évènements exogènes malheureux.

Réponse au 31 décembre, avec une première perception mi-octobre !

 Laurent DEROTE, Président - Sophie VATTE, Directeur Général 

Geoffroy de Poncins

Conseil en développement immobilier retail chez Access Retail | Stratégie commerciale, Négociations

8 ans

L'immobilier commercial va continuer de belles perspectives, même si le contexte devient plus concurrentiel ! Des occasions à saisir?

Ludovic Boutaillier

Directeur Architéa & ArchiPharma Bordeaux-Centre

8 ans

Merci pour cette analyse et les perspectives de fin d'année.

Patrick GARNIER

Directeur Technique Immobilier du Groupe Klésia

8 ans

Cet article donne une bonne vision du marché, merci Laurent Derote.

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