Les écologistes dans un bocal de cornichons

En matière d’écologie ce qui est stupéfiant c’est la déconnexion entre la perception concrète des phénomènes et la difficulté des responsables à y porter remèdes. L’été 2018 fut à cet égard tristement jalonné d’évènements graves : des inondations historiques au Japon ; des incendies sans précédent en Grèce et en Californie ; une canicule incroyable à l’extrême nord du globe ; une mousson très sévère en Inde … Et pourtant les gouvernements peinent à en tirer des leçons pour agir.

Pourtant si la planète brule ce n’est pas une vraie surprise. Ce décalage entre tragédie et réaction a des explications. En ce domaine aucune politique n’a d’efficacité qu’au niveau mondial. Et à cette échelle l’impuissance est la règle. Les États-Unis viennent de le démontrer en se retirant du traité de Paris ! Après moi le déluge ! 

Il y a vingt-cinq ans, en 1992, deux décennies après le club de Rome, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel, signaient le « World Scientists Warning to Humanity ». Ces scientifiques exhortaient l’humanité à freiner la destruction de l’environnement et avertissaient : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle. » Dans leur manifeste, les signataires montraient que les êtres humains se trouvaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel.

Ils faisaient part de leur inquiétude sur les dégâts actuels, imminents ou potentiels, causés à la planète Terre, parmi lesquels la diminution de la couche d’ozone, la raréfaction de l’eau douce, le dépérissement de la marine, les zones mortes des océans, la déforestation, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance continue de la population humaine.

Les auteurs de la déclaration craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie. Ils soulignaient que nous nous rapprochions rapidement des limites de ce que la biosphère est capable de tolérer sans dommages graves et irréversibles. Les scientifiques plaisaient pour une stabilisation de la population humaine et expliquaient que le nombre d’êtres humains – grossi de 2 milliards de personnes supplémentaires depuis 1992, soit une augmentation de 35% - exerce sur la Terre des pressions susceptibles de réduire à néant les efforts déployés par ailleurs pour lui assurer un avenir durable. Ils plaidaient pour une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre, pour l’abandon progressif des combustibles fossiles, pour la réduction de la déforestation et pour l’inversion de la tendance à l’effondrement de la biodiversité.

Depuis 1992, hormis la stabilisation de la couche d’ozone stratosphérique, non seulement l’humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais la plupart d’entre eux se sont considérablement aggravés. Particulièrement troublante : la trajectoire actuelle d’un changement climatique potentiellement catastrophique, dû à l’augmentation du volume de GES dégagés par le brulage de combustible fossile, la déforestation et les émissions dégagées par l’élevage. 

Nous avons en outre déclenché un phénomène d’extinction de masse, le sixième en 540 millions d’années environ, au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaitre totalement. En effet, depuis 1900, le rythme de disparition des espèces a été multiplié par 100, de même que le déficit écologique se creuse pour la plupart des continents. L’exemple le plus aveuglant de la nocivité des activités humaines sur la planète est la dégradation des sols. Quelques 700 m de personnes pourraient être contraintes à l’exil d’ici 2050 du fait de cette raréfaction des terres cultivables. D’après la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), c’est la première cause de disparition des espèces. À cela il faut ajouter, la libération de quelques 32 gigatonnes de CO2 que cela engendrera d’ici 2050. Et alors que la proportion d’espaces préservés de toute activité continue de s’accumuler. On ne peut plus négliger le fait que les populations de mammifères et d’oiseaux se soient effondrées de 50% en Afrique. On ne peut plus ignorer le fait que d’ici 30 ans les stocks de poissons disponibles pour la pêche dans le Pacifique seront tombés à zéro. D’ores et déjà 90% des eaux du globe sont aujourd’hui polluées par l’activité humaine. On ne peut plus détourner le regard des quelques 42% d’animaux terrestres, 71% de poissons et 60% des amphibiens dont les populations décroissent à une allure sans précédent en Europe. 

Enfin le stress hydrique qui touche déjà près de 2/3 de la population mondiale. L’eau c’est la vie disait A. de Saint Exupéry. Elle se révèle aujourd’hui porteuse de mort. On estime que 80% des eaux usées dans le monde sont rejetés sans traitement. De sorte que les maladies hydriques tuent aujourd’hui plus que les guerres et le sida réunis. 

Pour éviter une souffrance généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit donc adopter une alternative plus durable écologiquement. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n’avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde et nous courons vers l’apocalypse. On oublie trop souvent la légende : Cassandre avait raison.

Cela s’explique par l’ampleur des contraintes. Outre la dimension nationale évidemment inadaptée face aux enjeux, les responsables ont à concilier croissance économique et contrainte environnementale. Ce n’est pas du tout évident. Allez expliquer aux pays émergents qu’ils n’ont plus le droit à la croissance dont ont bénéficié dans le passé les pays occidentaux ! Et allez expliquer aux consommateurs des pays riches que la fête est finie ! Entre le désir faustien d’une croissance sans limite et la rechercher austère d’une société sobre… Qui va arbitrer ? La lecture des médias est à cet égard schizophrénique : un jour ils déplorent la canicule, un autre ils saluent les ventes de voitures, comme les succès d’Airbus.

Tant que la grande opinion et les acteurs autres que les États ne feront pas passer l’écologie au rang d’impératif catégorique, tant qu’ils ne seront pas prêts à privilégier le long terme sur le court terme, un ministre de plus ou de moins n’y changera rien.

De ce point de vue tout de même il faut noter un signal très intéressant venu d’outre atlantique : en dépit du Président Trump les entreprises et les États continuent à s’investir de plus en plus dans la défense de l’environnement. 

Et fait lorsque les « écologistes » ont voulu investir le monde politique, ils ont perdu leur âme. De compromissions en querelles de clochers ils se sont le plus souvent ridiculisés. Méditons le théorème de Desproges : « tout corps plongé dans un bocal de cornichons à tendance à devenir cornichon » L’écologie n’est pas une opinion politique. C’est une obligation éthique, au sens le plus noble qui soit. Elle nous force à regarder en face notre responsabilité à l’égard des générations future car la Terre, qu’on le veuille ou non, restera durablement leur seul foyer.  



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Christophe PAVLEVSKI

🚀 Startup Project Manager @CCI Paris / 📘 Editeur @ L'éditeur à part / 🛹Conférences & séminaires @ No Limit Agency / 1️⃣ @NextCircle / 📈 Business Developer & 💼 Stratégies d'influence

6 ans

Sans concession...

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