Les avocats à l’heure de GPT

Les avocats à l’heure de GPT

Contrairement aux craintes apocalyptiques d’un remplacement des avocats par les machines, il est évident que l’avocat du XXIe siècle ne disparaîtra pas sous le poids de l’IA. Au contraire, il est en passe de devenir le fer de lance de la profession augmentée, grâce aux outils que l’intelligence artificielle met à notre disposition.

La montée en puissance de l’IA générative, comme les modèles GPT, n’est pas une menace. Elle offre, au contraire, des opportunités pour optimiser notre manière de travailler, libérant nos cabinets des tâches répétitives pour nous permettre de nous concentrer sur ce qui compte vraiment : la stratégie, le conseil, et la création de solutions juridiques novatrices. Par Abel Sabeur, avocat.

L’avocat augmenté, non remplacé

Les Cassandres de l’intelligence artificielle avancent l’idée que l’IA remplacera bientôt l’avocat. Ce scénario est non seulement improbable, mais il fait l’impasse sur la véritable nature de l’intelligence artificielle. Des scientifiques comme Stuart Russell, expert en IA à Berkeley, ont maintes fois souligné que l’IA générative, telle qu'elle existe aujourd'hui, est largement surestimée. Ces modèles de langage massifs, dit-il, ne représentent que des tableaux de recherche magnifiés. Ils sont capables de résoudre des tâches spécifiques lorsqu’ils sont bien entraînés sur d'énormes volumes de données, mais ils n'ont pas la capacité de généraliser comme les humains.

Russell explique que, pour les avocats comme pour d'autres professionnels, l'idée que ces IA puissent remplacer l'humain est simpliste. Ces systèmes n’extraient pas les principes sous-jacents de ce qu'ils tentent d’apprendre. Ils tiennent plus de l’automatisation qu’un véritable raisonnement. Yann LeCun lui-même, chercheur chez Meta, reconnaît que se contenter de multiplier les données d’entraînement ne produira pas une intelligence comparable à celle de l’homme.

Nous touchons aux limites des grands modèles de langage (LLM), et des chercheurs comme Russell et LeCun explorent désormais de nouvelles approches.

Cependant, et c'est là le paradoxe, c’est précisément dans cette limitation que réside l’opportunité pour l’avocat moderne. L’IA, loin de remplacer l’avocat, amplifie ses capacités. Elle automatise les tâches simples — rédaction de contrats standards, recherche jurisprudentielle, analyse de documents volumineux — et permet de libérer un temps considérable, laissant l’avocat se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée. L’avocat n'est pas court-circuité, il devient plus performant grâce à l’optimisation de son travail.

Harari, dans son ouvrage Homo Deus, avait prédit que l’Homme augmenterait ses capacités en s’appuyant sur des outils technologiques toujours plus puissants. Dans le domaine du droit, c’est exactement ce que nous observons aujourd’hui : l’IA devient un outil d’intelligence augmentée qui permet aux avocats de traiter des affaires complexes avec une rapidité et une précision inédites.

Nouveaux marchés, nouvelles opportunités

Pendant des décennies, le modèle économique des cabinets d'avocats a été orienté vers des dossiers complexes, souvent chronophages et à haute valeur ajoutée. Les petits services juridiques du quotidien, qui représentent pourtant une demande massive, ont échappé à la profession. Pourquoi ? Tout simplement parce que les coûts d'exploitation élevés, associés à un temps de travail limité, rendaient ces services peu rentables. Rédaction de contrats simples, conseil de première nécessité, traitement des litiges mineurs — ces tâches ne cadraient pas avec le business model traditionnel, un modèle figé depuis le siècle dernier.

Mais l’intelligence artificielle, et en particulier les modèles génératifs comme GPT, changent la donne. Grâce à ces outils, les avocats peuvent désormais automatiser une partie des tâches autrefois considérées comme trop peu lucratives. Les services juridiques de masse, jusqu’alors dominés par des plateformes en ligne peu fiables ou des solutions standardisées, peuvent être réintégrés au sein des cabinets d’avocats avec une rentabilité retrouvée.

Renforcer les qualités humaines

Il est crucial de rappeler que l’intelligence juridique ne repose pas uniquement sur des algorithmes et des données. Ce qui fait la force d’un avocat, c’est sa capacité à interpréter les subtilités d’un dossier, à négocier et à argumenter avec finesse, à faire preuve de créativité dans la construction d’une défense ou la rédaction d’un contrat. Ces compétences restent, et resteront, le domaine exclusif de l’humain.

GPT permet aux avocats de produire des réponses juridiques instantanées, de générer des documents complexes en un temps record, et de répondre aux besoins croissants de clients particuliers ou d’entreprises pour des services rapides et à moindre coût. 

Un futur à co-construire avec l’IA

Les scénarios dystopiques où l’IA remplace totalement l’avocat sont de pures fictions. Comme l’a démontré Erik Brynjolfsson, chercheur au MIT, la technologie ne remplace pas les compétences humaines, elle les augmente. Le futur de la profession ne sera pas un combat entre les avocats et l’IA, mais une collaboration harmonieuse où l’avocat, armé des outils technologiques, pourra traiter des affaires plus complexes, à plus grande échelle.

L’IA juridique permet à l’avocat de dépasser les frontières des cabinets traditionnels et de fournir des conseils 24h/24, sur plusieurs continents, tout en maintenant un niveau de qualité jamais atteint auparavant. Cela redéfinit la relation entre le client et l'avocat, rendant le service plus accessible, plus réactif, et souvent moins coûteux.

Conclusion : l'avocat ne disparaît pas, il se réinvente

Loin de signer l’arrêt de mort de la profession, l'IA marque le début d’une nouvelle ère pour les avocats. Nous sommes à l’aube d’une transformation qui nous permettra de mieux servir nos clients, d'explorer des domaines juridiques inédits, et d'améliorer l'efficacité de nos pratiques.

Plutôt que de céder à la peur, nous devons nous approprier ces nouvelles technologies pour réinventer notre métier, tout en restant fidèles aux valeurs fondamentales du droit. Comme l’avait dit Isaac Asimov : « L'éthique de la machine n'est que le reflet de l'éthique humaine. » Le véritable défi pour les avocats du XXIe siècle est de s'assurer que l'IA soit utilisée pour renforcer la justice et l'équité, et non pour les dénaturer.

Le futur de l’avocat est un futur augmenté, non remplacé

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Abel Sabeur

Autres pages consultées

Explorer les sujets