Les avocats au coeur du marché du droit

Le dernier Congrès de l'ACE, placé sous le signe de l'action autour du droit et de la compétitivité a consacré plusieurs débats et ateliers dédiés à la stratégie et la communication du cabinet d'avocat. Retour sur quelques temps forts de ce congrès ayant pour slogan évocateur « Moteur ! ».

Qui dit marché, induit stratégie de conquête avec un positionnement, une segmentation et plus précisément un ciblage clairement établis et mis en œuvre par les acteurs de la société en question. Pour les avocats, acteurs majeurs du marché du droit, cette démarche de conquête et de développement est déjà intégrée par un certain nombre de cabinets. Cette démarche doit faire partie intégrante dans le quotidien de leur activité.

Comment ?

L'expertise juridique est et restera nécessaire, optimisée par la formation contenue et des bases juridiques professionnelles, mais elle n'est pas suffisante, surtout si elle reste généraliste. Nombre de prospects et clients s'informent régulièrement et disposent rapidement de bases pour un échange via certaines plateformes juridiques grand public (Le Droitpourmoi ou Rocket Lawyer notamment) qui fournissent un contenu régulièrement actualisé.

Il importe de se mettre à la place de son client : quelle valeur ajoutée lui apporter au-delà de la relation service juridique rendu/paiement du client ? Il ne s'agit plus de se limiter à ce rapport de base pour un nombre croissant de clients, selon Christophe Roquilly (doyen du corps professoral et de la recherche de l'EDHEC).

Comme toute entreprise qui se crée et s'implique dans son développement, l'avocat doit travailler son positionnement, la segmentation et le ciblage de son offre de valeur. Il s'agit purement et simplement de construire une stratégie marketing, le congrès ACE ayant dans ses ateliers et conférences plénières largement cité ces termes. Certaines petites structures ont déjà acquis ses réflexes « business ». Avec la réserve émise toutefois par Enke Kebede, directrice d'ERAGE (Ecole des avocats du Grand Ouest), qui estime nécessaire une pédagogie plus intense sur les enjeux du marketing stratégique et de la communication à destination des avocats. Son école s'y emploie pour la jeune génération. L'ERAGE fut d'ailleurs à l'origine d'un intéressant rapport sur l'avocat et la relation client[1]. Mais pour les avocats installés, il y aurait beaucoup à faire.

Après la construction de sa stratégie marketing, place aux actions. Quelle que soit la taille du cabinet, le business development (là aussi les allées du congrès ACE bruissaient de ces termes que l'on entendait que pour les grandes structures il y a quelques années…). Business developer interne ou externalisé : il est essentiel de mettre en place un outil de gestion clients ou CRM (Customer Relationship Management) simple, pertinent et efficace. Nombre de stands en proposaient d'ailleurs au sein du congrès. Evident sans doute, mais il y a bon nombre de cabinets d'avocats de toute taille qui n'en disposent pas encore. On découvre encore des fichiers Excel, plus ou moins bien élaborés, des données prospects ou clients insuffisamment qualifiées, une méthodologie incertaine. Un CRM permet un cadre clair et efficace pour gérer les actions auprès des cibles définies.

Le CRM mis en place, quelle offre de valeur apporter au client ? Audit de clientèle et enquête client préalable pourront confirmer ou infirmer certaines initiatives. Quelle offre de service propre à tel ou tel client proposer en fonction de son secteur d'activité, de la durée de la collaboration avec lui et de la connaissance étroite que vous avez de son quotidien ? Un benchmark des initiatives des confrères est essentiel dans le cadre des réflexions stratégiques.

Véhicule de l'identité et de la visibilité numérique, le site internet de l'avocat pourra intégrer des services de base : contact direct avec un avocat selon son expertise, lectures opportunément sélectionnées pour les clients, avis régulier d'experts du cabinet, présentation des informations en legal design [2] voire quelques modèles de contrats type comme le propose le cabinet 11.100.34 sont autant de pistes à explorer et à adapter selon la vision, les objectifs du cabinet et du service client qu'il souhaite mettre en valeur. Le centre de la valeur ajoutée de l'avocat s'est déplacé selon Me Clarisse Berrebi présidente de l'ACE Paris : la « vente » d'une expertise ne suffit plus, l'avocat est un passeur d'informations, via son site pour des informations de base. Il importe de se concentrer sur la stratégie à mettre en place au service du client.

Les avocats réalisent cette démarche au quotidien pour l'essentiel. Mais le faire savoir et le dire, c'est une nouvelle étape à franchir pour certains.

Sans oublier aussi un parcours d'accueil du client que véhiculera le site internet. Je prends souvent l'image de cliniques ou d'établissements hospitaliers qui ont été précurseurs pour décrire et tenter de « dédramatiser » l'expérience de l'hospitalisation.

La comparaison est peut-être un peu forte mais trop peu de français osent encore passer la porte d'un cabinet. Crainte ? Coût ? Il est nécessaire de faciliter la première prise de contact. Certains avocats ont été précurseur en mettant en avant le premier conseil gratuit alors que le principe de la gratuité du premier rendez-vous n'est pas nouveau en soit à titre d'exemple la plateforme du CNB permet d'installer un widget sur son site pour une première prise de contact.

Alors, il faut rassurer, accompagner, montrer via ses éléments de langage, son empathie, la clarté de son discours et la prise en compte proactive des besoins du client.

(Cet article a été publié dans Les Affiches Parisiennes le 10 novembre 2016).

[1] Ecole des avocats – Grand-Est (ERAGE), Le client et l'avocat : une nouvelle relation ? Juin 2016, www.erage.eu. Un autre rapport d'ERAGE vient également d'être publié : L'avocat post révolution numérique.

[2] Voir notamment le site www.sketchlex.com présenté lors du congrès ACE.

La recherche de la verite a un prix que l'on refuse souvent de payer. Les connivences olligarchiques politico mediatique et juridique. On donne a la justice les moyens de ses ambitions .... C'est a dire ? De la poudre aux yeux. Une justice vraie est une justice independante du pouvoir executif... Pas demain la veille ...

Pascal Mendak

Directeur conseil chez Eliott & Markus, agence de communication

8 ans

Merci Anne. En effet, nous aurons l'occasion d'en parler ...

Anne DIRCKS-DILLY

Avocat Honoraire - Spécialiste en droit de la construction, urbanisme et environnement industriel chez Avocat Honoraire

8 ans

Particulièrement intéressant votre article ! il y a beaucoup à faire !

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Pascal Mendak

Autres pages consultées

Explorer les sujets