Les « Balkany », pâles copieurs des Concini ?

Les « Balkany », pâles copieurs des Concini ?

« La fortune rend fou ceux qu’elle comble trop ».

Il ne s’agit pas d’un argument de Maitre Dupond-Moretti pour défendre les époux Balkany, mais d’une citation de Publilius Syrus, esclave affranchi au VIème siècle avant J.-C. Comme quoi, la corruption, ne date pas d’hier.

Et si les Epoux Balkany n’étaient dans leurs dérives financières que de pâles copieurs ? Car enfin, un couple corrompu, monnayant son influence, gouvernant dans l’ombre du Roi et de la Reine ? Cela ne vous dit rien ? Nous parlons bien des Concini en 1615.

Les Concini n’ont pas, comme Patrick Balkany, leurs photos sur Wikipedia en illustration de l’article sur la corruption, peut-être parce qu’à leur époque, on peignait et gravait… et que les selfies n’existaient pas. Pourtant ils le méritent tant leur ascension au pouvoir, leur ambition et leur malhonnêteté trouvent écho aujourd’hui dans les pages judiciaires de nos quotidiens.

Comme les Balkany, les Concini avaient tout pour eux… ou presque.

Tout commence en octobre 1600 à Portofino. Marie de Médicis va épouser Henri IV, et elle fait escale dans le petit port italien pour attendre qu’une tempête se calme. Elle est accompagnée de sa sœur de lait Léonora. C’est aussi sa femme de chambre depuis seize ans. Une certaine intimité et connivence caractérisent le lien entre les deux jeunes femmes malgré la différence de rang. C’est ce qui fascine et inspire à Concino Concini l’envie soudaine de profiter de cette halte et du voyage vers le roi de France pour faire une cour assidue à Léonora. Il y voit un destin magique, une main providentielle du destin, la porte ouverte à tous ses désirs : le pouvoir !

Concino Concini est fils d’ambassadeur et aventurier désargenté. Elégant, cultivé, la moustache altière, il sait manœuvrer et gagner les grâces de cette cour. Il réussit à capturer ce cœur aussi avide que le sien. Ils se reconnaissent dans leur ambition, comme la pomme et le serpent.

Une fois à Paris, leur contrat commun est limpide et se résume en un mot : REUSSIR

Léonora obtient sans trop d’effort la promesse d’une somme de 70 000 livres, versée à l’occasion de leur mariage (l’équivalent de 2,5 millions d’euros). Ce fut le premier bénéfice de l’association de convoitises et d’intrigues, conclus par les Concini.

Le mariage d’Henri IV et de Marie n’est pas heureux. S’il lui était reconnaissant pour ses formes opulentes et savoureuses et son impeccable et régulière fécondité, il ne trouve ni l’affection, ni le soutien espéré. Marie peut être coléreuse, vindicative. L’omniprésence des époux Concini auprès d’elle, jugée louche par Henri IV, n’arrange pas leur relation. La mort d’Henri IV donne l’impulsion extraordinaire pour le couple Concini grâce à l’incroyable influence de Léonora sur la reine.

Elle obtient pour son époux le poste de responsable de la Maison de la Reine (soit 400 personnes) avec des missions d’achat de meubles, bijoux, etc.. C’est à cette époque que leur fortune personnelle va atteindre en une année 9 millions de livres. En 1615 sa fortune si rapidement acquise était équivalente aux ¾ du budget du royaume.

« Il n’y avait à la cour dit de Thou, ni sincérité, ni prudence, ni ordre. Ce n’était que dissimulation et fourberie ».

C’est dans ce contexte d’indignité et d’impuissance que la fortune des Concini se développe, devenant même, Maréchal de France un des titres les plus prestigieux (alors qu’il n’a jamais combattu sur un champ de bataille). Il devient ensuite le gouverneur de la Picardie.

« Je ne me suis jamais servi d’autre sortilège que de mon esprit. Est-il surprenant que j’aie gouverné la reine qui n’en a pas du tout ? », Léonora Concini
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C’est la force de ceux qui corrompent, de s’entourer de lâches, de stupides, ou d’avides, et surtout de traîtres. Sous la régence de Marie de Médicis, et durant les premières années, les ministres talentueux (Villeroy, Sully, etc.), conduits et animés par un Henri IV insufflant esprit de direction, entrain et courage, vont se transformer en courtisans, n’ayant d’autres pensées que de se maintenir aux affaires, allant au-devant des caprices de la reine.

Tout le monde croque, tout le monde en profite, mais certains plus que d’autres. Jalousie, esprit de revanche auront raison des Concini, comme Didier Schuller « balançant » Patrick Balkany. Mais pour les Concini, la fin est plus tragique.

Le 24 avril 1617, il est à peine 10h lorsque Concino Concini longe les murs du Louvre. Une bouffée d’orgueil le saisit :

« Quand je pense que mon père n’était que le secrétaire du grand-duc de Toscane et que je suis le favori de la reine, et à ce titre, le Premier Ministre du royaume le plus puissant d’Europe ».

Son garde du corps a l’habitude de ces diatribes mais il ne peut s’empêcher de murmurer tout bas : « Peut-être serait-il temps, maitre, de jouir de votre richesse et de prendre garde à vos ennemis. »

Ils arrivent à la porte d’accès du Louvre. Une silhouette se détache. C’est le baron de Vitry, capitaine des gardes du Roi. « Au nom du Roi, je vous arrête ». Que se passe-t-il donc ? La réponse sera trois coups de feu. Concino Concini s’écroule sans vie.

Le jeune roi Louis XIII regarde du haut de sa fenêtre : « Grâce à vous, à cette heure, je suis roi ».

En 1614 Concino Concini disait « je veux savoir jusqu’où Fortune pouvait porter un homme ». Il a été servi par plus ambitieux que lui.

13 juin 2019 :

Patrick Balkany, lui, risque selon les réquisitions du PNF (Parquet National Financier) que 7 ans de prison pour corruption passive, prise illégale d’intérêt et blanchiment.

Léonora, comme Isabelle restera dans l’ombre, le temps d’un procès en sorcellerie pour finir exécutée.

Plus concrètement, que retenir de ces époux affairistes ?

  • Aucun régime politique depuis 1615 n’a échappé au scandale de corruption
  • Il est toujours intéressant d’observer quand le scandale survient. Trois paramètres sont nécessaires et bougent beaucoup selon les périodes : la nature des tentations, le niveau d’indignation et l’efficacité de la répression.
  • Reprenons ce que disait Machiavel « les causes de la corruption se trouvent dans l’ordre des choses et dans la nature de l’homme. Cependant, l’homme possède un libre arbitre pour identifier et guérir ce qui est la source de la corruption. »
  • Il est illusoire de penser que la solution appartient à chaque individu : le remède à cette corruption est éminemment collectif

Il est toujours utile de se le rappeler…

Le passé éclaire le présent pour réussir son futur.


Herve Hannebicque

Conseil Management/ RH/ Stratégie. Médiateur en entreprise Triple H

5 ans

Content de vous lire Anne . Comment allez vous?

Brigitte Roujol

Transformation - Changement - Stratégie - Innovation - Business Modeling - Design Thinking - Intelligence collective - Consulting /Coaching/Formation

5 ans

Merci Anne, c'est toujours un plaisir de te lire.

Annabelle Delestre

Fondatrice et ceo de Lidix

5 ans

Tres instructif , merci :) Sur le thème de la tyrannie il y a aussi ce cours de Patrick Boucheron au Collège de France . https://www.college-de-france.fr/site/patrick-boucheron/course-2018-01-09-11h00.htm

Bravo Anne, toujours passionnant de relire l’histoire ainsi !

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