Les enjeux de la formation pour le monde d'après …

Bien entendu, l'enseignant que j'ai été ne peut qu'approuver les nobles intentions annoncées par le Ministre Le Maire dans un article publié par Les Echos : https://www.lesechos.fr/economie-france/social/alerte-sur-le-niveau-deducation-en-france-le-maire-veut-en-faire-une-priorite-pour-2022-1329436.

Néanmoins, pour être efficace, il faudra tenir compte de plusieurs éléments.

Tout d'abord, ne pas oublier que pour être bien formé, il faut de bons formateurs. Les pouvoirs publics doivent regarder en face le peu de considération salariale qu'ils octroient à leurs enseignants. Pourquoi un tel déficit en matières scientifiques ? Croyez vous qu'avec un bac +5 en maths ou en physiques (mais c'est vrai pour toutes les matières), les conditions de salaire de l'Education Nationale soient attractives ? Poser la question c'est apporter la réponse !

Deuxième point à soulever : ne pas se limiter à la formation scolaire. Aujourd'hui, la formation se fait tout au long de la vie. Les aspects professionnels sont tout aussi importants (et peu évoqués apparemment par le Ministre Le Maire). D'autant plus que les technologies évoluant de plus en plus rapidement, il est indispensable d'organiser les choses autrement qu'en laissant une sorte de jungle s'installer.

Enfin, troisième point important. La crise COVID nous a montré l'importance du numérique. Cela pose deux questions en lien avec la formation :

• l'inclusion numérique (négatif de la fracture numérique) est un véritable enjeu de formation depuis le scolaire jusqu'à la formation professionnelle. Dans ma collectivité (communauté d'agglo de 70 000 habitant en Moselle), en observant la mise à disposition d'une plate-forme d'e-commerce, j'ai constaté à quel point des pans entiers de nos populations se sentent totalement en dehors du monde numérique ; même des entrepreneurs, supposés donc volontaires pour explorer de nouvelles techniques pour de nouveaux marchés, semblent regarder le numérique comme une sorte d'univers parallèle au leur et imaginent que cela n'est pas pour eux … Même l'assistance, les garanties d'accompagnement de structures éprouvées (en l'occurrence La Poste), n'y suffisent pas. sans doute la peur de l'inconnu … Combattre cette crainte irraisonnée est bien là un enjeu majeur si on ne veut pas que cette "fracture" numérique n'engloutisse de nombreuses activités sur nos territoires ;
• il faut disposer des outils nécessaires ; la crise COVID et l'enseignement à distance l'ont démontré : la ressource numérique est indispensable ! Quel investissement la France est elle prête à faire sur ce sujet ? C'est un des secteurs stratégiques de demain ! Participant dans de précédentes fonctions au déploiement du programme de la Région Grand Est "Lycée 4.0" j'ai fait un triple constat : un conservatisme certain des éditeurs traditionnels qui ont beaucoup de mal à prendre le virage "ressource numérique" ; le volontarisme des collectivités à investir dans le domaine avec un enthousiasme variable (ce qui est normal) mais dans une unité à souligner ; l'abnégation des agents de l'Education Nationale notamment des Délégations Académiques au Numérique Educatif (DANE) dans les rectorats qui doivent parfois s'imaginer tels les prophètes bibliques, seuls face à l'incrédulité ambiante, mais animés de la foi qui sauvera le monde.

Des études se multiplient sur ces sujets à l'échelle mondiale. Plusieurs fonds d'investissement ont démontré que les capitaux circulent à l'échelle planétaire. L'Europe, enfermée pendant trop longtemps sur un académisme dépassé, a laissé les modèles américains et asiatiques prendre de l'avance. Le COVID permet aujourd'hui de revoir tout cela et ouvre des perspectives de très fort développement dans les prochaines années du marché du Vieux continent pour les entreprises proposant ces ressources numériques. L'erreur à ne pas commettre serait de segmenter le scolaire, l'universitaire, la formation professionnelle. Le champ de la formation est un ensemble.

Ce qu'on peut attendre de la puissance publique en la matière est d'apporter de la cohérence en reconsidérant totalement la place des enseignants dans le système administratif en leur rendant la considération qu'ils sont en droit d'attendre ; en organisant un cadre global d'accès aux usages numériques (la fameuse inclusion numérique) et en permettant l'émergence dans notre pays de grands producteurs de ressources numériques car si on le fait pas, nous devrons alors nous aligner sur des modèles qui ne sont pas les nôtres (notamment asiatiques). Notre souveraineté éducative sera alors largement entamée.

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