Les enjeux managériaux du confinement
En cette période de « confinement pour tous », rien ne m’étonne plus que la diversité des situations au sein d’une même entreprise, d’une même équipe.
Prenons le cas d’une grande entreprise installée sur l’ensemble du territoire. L’activité se poursuit, en télétravail pour la majorité.
Intéressons-nous ici à ceux qui télé-travaillent en prenant le cas « simple » d’une équipe qui travaille déjà en « flex » depuis quelques mois. Équipes de PC portables, ils ont déjà fait le deuil des bureaux dédiés. Le passage en télétravail ne devrait être qu’une formalité.
Mais nous oublions ici quelques éléments notables.
Regardons d’abord l’environnement humain.
Pour ceux qui sont confinés en famille, les enfants sont l’élément perturbateur le plus évident. Je vous laisse le choix de la tranche d’âge à préférer :
- Les plus jeunes (crèche ou maternelle) qui réclament une attention permanente – sauf pendant le temps divin de la sieste.
- Les enfants en primaire qui, vous l’avez vite découvert, ne sont absolument pas autonomes pour faire leurs devoirs ..ni pour le reste d’ailleurs. Si tout se passe bien, vous avez des plages de 15 à 30 minutes de tranquillité.
- Les adolescents qui se confinent dans leur chambre, et n’imaginent que rarement la possibilité de participer à la vie de la maison comme faire un repas ou s’occuper des plus jeunes.
- Les jeunes adultes qui ont quitté leurs chambres d’étudiants pour revenir se faire choyer à la maison… mais qui ont perdu l’habitude de se plier aux règles familiales.
En complément, nous pouvons bien sûr évoquer le (la) conjoint(e) qui n’a pas forcément le même rythme, ni la même activité que votre collaborateur.
Bref, être confinés en famille apporte de grandes sources de joie, mais également de grandes difficultés à se concentrer à heures précises. De nombreux jeunes parents ont choisi de décaler leurs horaires en soirée, une fois les enfants couchés. C’est une solution qui complique les contacts avec les collègues. Et comme tout travail de nuit, cela a un réel impact sur la fatigue à long terme.
Votre collaborateur est célibataire ? quelle chance ! Il est maître de son agenda, et donc libre d’organiser son temps de travail. Mais, comment vit-il cette situation ? Supporte-t-il le manque de contacts ? Il était peut-être habitué à passer des soirées solitaires, mais maintenant il est tout le temps seul. Petit-déjeuner, déjeuner, dîner, tout se passe en solitaire. Plus de café avec les collègues, de plaisanteries dans les couloirs, d’after-work, de dîners entre copains. Espérons qu’il soit friand d’apéro-skype et qu’il puisse trouver une nouvelle façon de garder les liens amicaux.
Si votre collaborateur célibataire est très engagé dans son travail, s’il a tendance à en faire toujours plus, s’il n’y a personne pour le déranger ou le réclamer, il peut avoir du mal à gérer le temps à réserver au travail. Vous recevez ses mails à 11h du soir ? Sa productivité a augmenté notablement ? Ne serait-il pas en train de tromper l’ennui du confinement en s’oubliant dans le travail ? Cette implication sans limite contient un fort risque d’épuisement au bout de quelques semaines.
Les barrières physiques et temporelles entre le bureau et la vie personnelles ont disparu avec le confinement. Le temps de transport entre bureau et maison, si souvent décrié, offrait un sas pour passer d’un milieu à l’autre. La famille (ou les colocataires) aide à recréer des barrières en imposant des temps non travaillés. Qu’en est-il pour celui qui est seul chez lui ?
Quelle que soit sa situation familiale, votre collaborateur peut également avoir une charge mentale directement liée à la crise. Son conjoint travaille en première ligne, avec un contact quotidien avec le grand public ? Ses parents sont âgés, ou en grande fragilité ? Ses enfants sont confinés loin du foyer ? Ces sujets d’inquiétude sont très personnels et il est probable que beaucoup de collaborateurs n’en parleront pas. Mais les conséquences peuvent être réelles sur son implication ou sur son niveau de stress.
Si nous abordons la question de l’environnement physique (ou du lieu d’habitation), il n’est pas utile de vous expliquer la différence entre un appartement de 20m² mal éclairé et une grande maison avec jardin. Dans le premier cas, la notion de « lieu de travail dédié » peut rapidement devenir relative, voire inexistante. Le lieu participe ici directement à la capacité de vos collaborateurs à se concentrer sur leur travail et à faire la différence entre vie professionnelle et vie personnelle.
Nous rencontrons également des cas de collaborateurs ayant fait le choix du confinement dans leur maison de campagne (ou habitant dans des zones blanches). La solution qui semblait confortable tourne parfois au cauchemar quand la moindre conversation téléphonique ressemble à un échange en morse. La qualité des connections internet ou la couverture réseau prennent ici une importance primordiale.
Un des enjeux du manager est bien de savoir rester un contact rapproché avec ses collaborateurs, d’être réellement à l’écoute sans être intrusif. Faire preuve d’empathie pour comprendre sa situation spécifique et les impacts qu’elle peut avoir aujourd’hui sur sa disponibilité, son implication et son travail.
Mais il sera également important de prendre ces éléments de stress, de fatigue ou d’inquiétude en compte quand le confinement sera terminé, pour que l’atterrissage se fasse dans les meilleures conditions pour tous.
Comment ces nombreux encadrants qui regrettaient - avant le confinement - de ne pas avoir assez de temps à consacrer au « management des équipes » font-ils pour relever ces enjeux en plus de leurs tâches habituelles ? Cette surchauffe managériale se fait parfois au détriment du manager lui-même.
« Cher manager, s’il est indispensable d’écouter vos équipes, il est de votre devoir de vous écouter, de vous exprimer, et de prendre du recul sur la situation pour que vous puissiez tous (vous y compris) arriver en forme à la fin de cette période. La reprise en fin de confinement coïncidera sans doute avec une nouvelle surcharge de travail. L’entreprise aura besoin de tous ! »
Ne sous-estimons pas la tension et la fatigue potentielle de nos collaborateurs, comme de nos managers. Plus que jamais, prenons le temps de les écouter et adaptons l’entreprise à l’humain.
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4 ansJ'aime beaucou ton article Frédérique. Et oui, le télétravail n'est pas forcément facile pour tout le monde. Et oui, je pense aussi que les "managers" sont souvent les oubliés, eux qui sont sur-sollicités, parfois sur-formés mais pas toujours écoutés...loin de là... J'en suis témoin...