Les leçons de l’histoire : 1918-1945 / 1999-2024
L’histoire consiste à étudier le passé de l’humanité pour bien comprendre son présent.
Les principes de fonctionnement des êtres et sociétés humains sont bien connus depuis les textes les plus anciens dont nous disposons. Ces principes sont immuables ; seul le contexte dans lequel ils s’expriment change, notamment en fonction du niveau des connaissances et du développement technologique de l’époque considérée. En termes simples, le contenu du paquet demeure le même ; seul l’emballage change.
Les bouleversements actuels de la géopolitique mondiale ne peuvent être compris qu’en référence à ceux, similaires, qui ont marqué notre passé.
Il existe ainsi de multiples similitudes entre les bouleversements des années 1999-2024 et ceux qui se sont produits durant les années 1918-1945.
A :
- 1918-1945 : une nation, la nation allemande, est à la dérive depuis le diktat de Versailles : apprentissage difficile de la démocratie suite à la destitution de l’Empereur, crise économique gravissime avec des taux de chômage et d’inflation records, perte de toute aura sur la scène politique internationale, …
- 1999-2024 : une nation, la nation russe est à la dérive suite au démantèlement de l’URSS avec perte de plusieurs de ses républiques et de sa mainmise sur les pays de l’Europe de l’est, pays qui rejoignent le monde « occidental » via l’Union Européenne et/ou l’OTAN au point de raviver l’idée profondément ancrée dans l’esprit du peuple russe que leur pays est menacé de l’extérieur. En plus, environ 40% de la population de la Fédération de Russie connaît une pauvreté peu enviable.
B :
- 1933 : Arrivée d’un führer en Allemagne avec promesse de redonner à la nation allemande sa grandeur perdue dans tous les domaines.
- 1999 : Arrivée en Russie d’un nouveau Tsar promettant à ses concitoyens de redonner à leur pays toute sa puissance et sa capacité d’influence qu’il avait via l’URSS.
C :
- 1933-1945 : en Allemagne :
o Instauration d’une dictature, un véritable état policier avec contrôle étroit des individus qui n’ont de valeur qu’en tant que membre de la « communauté du peuple », peuple tout entier embrigadé dans des mouvements nationalistes et endoctriné à l’idéologie nazie.
o Décapitation de toute opposition politique avec création des camps de concentration pour écarter certains et assassinat d’autres, plus dangereux (plusieurs centaines de responsables de la société civile perdent la vie durant la « nuit des longs couteaux »). C'est suite à cette "nuit" que l'on forcera Ernst Röhm, chef des sections d'assaut ayant contribué à amener Hitler au pouvoir mais devenu un concurrent gênant, à se donner la mort... Le pouvoir absolu entre les mains d'un seul homme !
Abolition du système électoral.
- 1999 – 2024 : en Russie :
o Instauration progressive d’une dictature de fait avec redynamisation de la police politique à l’instar de celle sévissant sous Staline pour contrôler étroitement les individus qui n’ont de valeur qu’en tant que membre du « peuple russe », peuple tout entier embrigadé dans des mouvements nationalistes (on apprend même le maniement des armes aux enfants des écoles) et endoctriné à l’idée de « Grande Russie ».
o Décapitation de toute opposition par une longue série d’assassinats ciblés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et par l’envoi d’opposants dans des camps de détention pour de longues années. Evgueny Prigogine, ancien cuisinier de Vladimir Poutine mais surtout fondateur des milices "Wagner", devenu trop influent et s'étant rebellé sera assassiné... Le pouvoir absolu entre les mains d'un seul homme !
Trucage des élections par interdiction faites aux opposants influents de s’y présenter et falsification du résultat des scrutins.
D :
- 1933 – 1945 : en Allemagne :
o Redressement spectaculaire de l’économie, essentiellement par le réarmement à outrance de l’armée. Même la construction des autoroutes est destinée à permettre un déplacement rapide des troupes en cas de conflit.
- 1999-2024 : en Russie :
o Malgré de nombreux paquets de sanctions économiques de la part des pays « occidentaux », croissance des indicateurs économiques de la Russie car passée en véritable économie de guerre (plus de 30% des dépenses fédérales).
E :
- 1933 – 1945 : en Allemagne :
o Par volonté de « secourir » les minorités allemandes des pays limitrophes, conquêtes successives de ces pays ou régions : l’Autriche, les Sudètes puis toute la Tchécoslovaquie, Dantzig. Aucune réaction sérieuse des pays d’Europe occidentale : on laisse l’ «ogre allemand » faire !
o L’appétit venant en mangeant, déclaration de guerre aux autres pays limitrophes et occupation de ceux-ci : Pologne, Danemark, Norvège, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique, France et puis, envahissement de pays plus éloignés : Yougoslavie, Grèce, URSS, Afrique du Nord, Italie …
o Un des modus operandi : attaque d’un poste frontière allemand par de faux Polonais permettant d’invoquer une attaque ennemie et ainsi, pour soi-disant se défendre, de déclarer la guerre à la Pologne en septembre 1939.
- 1999– 2024 : en Russie :
o Par volonté de « secourir » les minorités russes des pays limitrophes, agression militaire de la Tchétchénie en 2000, de la Géorgie en 2008 et de l’Ukraine en 2014 avec annexion de l’est de ce pays et de la Crimée : aucune réaction sérieuse des pays de l’Europe occidentale. On laisse l’ «ogre russe » faire !
o L’appétit venant en mangeant, menaces d’agression des Pays baltes, de la Pologne, de la Moldavie, de … toute l’Europe…
o Un des modus operandi : en 1999, attentats commis à Moscou par des agents du service de renseignement russe (FSB, successeur du KGB) mais attribués à des séparatistes tchétchènes permettant d’invoquer un danger venant de cette contrée et de déclarer la guerre.
F :
- 1933-1945 : En Allemagne :
o Intense propagande mensongère via les media de l’époque : des postes de TSF sont vendus quasi pour rien pour que la « bonne parole » arrive dans chaque foyer…
o Infiltration des pays à envahir par de nombreux espions. Ainsi jusqu’à envoyer en France, à la fin des années 1930, des historiens de l’art et des tenanciers de galeries d’art pour déjà cataloguer les œuvres qui seront spoliées en cas de succès de l’opération militaire prévue… Encore plus fort: présence en Angleterre de Lady Simpson, américaine sympathisante de l'idéologie nazie, pour conquérir le coeur du roi Edouard (après avoir été la maîtresse de von Ribbentrop, futur ministre des affaires étrangères d'Allemagne) et ainsi communiquer de nombreux secrets d'Etat au Reich allemand !
o Déstabilisation de pays à envahir par la création en leur sein de partis d’inspiration nazie (Autriche, Pays-Bas, Grande-Bretagne). Contacts avec de hautes autorités de certains pays pour préparer les modalités d’occupation (le Maréchal Pétain, premier ambassadeur de France à Madrid sous le régime de Franco, victorieux de la guerre civile avec l’appui de la Légion Condor envoyée par les Nazis).
o Cynisme assumé face à l'ennemi extérieur: En 1938, l'ambassadeur allemand à Londres, von Ribbentrop et son épouse sont attablés chez le couple Churchill à l'occasion du rappel imminent du premier à Berlin. von Ribbentrop se montre particulièrement loquace à table lorsqu'un petit billet est discrètement apporté à Sir Winston, billet lui annonçant l'annexion en cours de l'Autriche par l'Allemagne. von Ribbentrop se fera plus loquace encore et s'évertuera à prolonger le repas au -delà de ce que la bienséance impose...
o Interviews données à des journalistes étrangers au contenu pacifiste et rassurant.
- 1999-2024 : en Russie :
o Intense propagande mensongère sur les chaînes de télévision d’état, souvent seules sources d’information dans les régions reculées du pays.
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o Noyautage et financement de partis politiques, souvent extrémistes, dans chaque pays de l’Europe occidentale et aliénation de dirigeants politiques majeurs de ces mêmes pays en les incluant dans le conseil d’administration de grande entreprises russes, moyennant très large rétribution (Fillion en France ; Schröder en Allemagne).
o Déstabilisation des pays d’Europe occidentale par des attaques de type « cyber » pour montrer la fragilité de ces pays.
o Cynisme assumé face à l'ennemi extérieur: Vladimir Poutine reçoit Emmanuël Macron au Kremlin en 2022: les deux hommes sont séparés l'un de l'autre par une table démesurément longue, situation totalement inédite destinée à signifier au Français combien les positions des deux chefs d'Etat sont éloignées l'une de l'autre et combien aussi, la position de la France ne pèse pas lourd dans le concert des nations...
o Interviews données à des journalistes étrangers au contenu pacifiste et rassurant.
G :
- 1940 : L’appel désespéré du Président du Conseil français, Paul Reynaud, aux Américains a fait ricaner le président Franklin Roosevelt au nom de l’isolationnisme américain. Les Etats-Unis n’entreront en guerre qu’après avoir été eux-mêmes attaqués : l’Allemagne nazie leur déclare la guerre dans la foulée de l’attaque japonaise de Pearl Harbor…
- 2022 : Soutien américain à l’Ukraine au nom de leur animosité à l’égard des russes depuis 1945. Mais, en 2024, souffle un vent d’isolationnisme dans la perspective d’une éventuelle élection de Donald Trump à la Présidence avec blocage de l’aide financière à l’Ukraine à la chambre des représentants… et ce, malgré les énormes profits réalisés par les constructeurs d’armes aux USA. Comme en 1940, nous devons, avant tout, compter sur nous-mêmes !
H:
I:
Cette liste, loin d’être exhaustive, de similitudes entre les deux périodes considérées doit amener les dirigeants des pays « occidentaux » à réellement prendre conscience du danger qui nous menace.
Depuis 2022, la Russie continue à exprimer sa volonté impériale en intensifiant brusquement son agression envers l’Ukraine, en guerre depuis 2014 suite à une révolution exprimant le profond désir de la population de rejoindre les Institutions occidentales.
Cette fois, les pays « occidentaux » ont réagi… Mais, ils ont réagi mollement pour que… « l’Ukraine ne soit pas vaincue ». Non point pour que « l’Ukraine gagne ».
Depuis deux ans, nous entendons beaucoup de beaux discours ; de nombreux chefs d’état ou de gouvernement se rendent à Kiev ; nous donnons des millions d’euros ou de dollars mais, en réalité, très peu au vu des budgets des pays donateurs ; nous donnons des armes mais trop peu et trop tard, et pas celles qui auraient pu changer radicalement le cours de la guerre dès 2022. Seuls 30% des promesses se sont traduites dans des actes concrets.
Aujourd’hui, ayons conscience que le peuple ukrainien ne se bat pas seulement pour sa propre survie mais qu’il se bat pour NOTRE survie en tant que nations libres et souveraines.
Si, demain, l’Ukraine devait perdre cette guerre, cela démontrerait à l’ogre Poutine la vraie faiblesse du monde « occidental » et l’appétit de l’ogre serait décuplé avec, comme premier objectif, Bruxelles, siège de l’OTAN et de l’Union Européenne.
Avec cette guerre en Europe, nous changeons de paradigme : la période de paix que nous avons connue depuis 1945 est en passe d’être révolue. Les personnes de notre génération ont cru et, pour beaucoup d’entre eux, continuent à croire qu’il n’y aura jamais plus de guerre chez eux : Profonde méconnaissance de l’histoire que ce leurre ! L’histoire de l’humanité, même la plus ancienne, nous démontre que la guerre fait partie des rapports humains et que les périodes de paix et de prospérité comme celle connue depuis 1945 sont de rares exceptions.
Un dictateur est, le plus souvent, un piètre individu (monsieur Hitler, artiste peintre raté, SDF de Vienne ; monsieur Poutine, sale gamin de Saint - Petersbourg).
Un dictateur ne comprend qu’un seul et unique langage : la force !
Le président français, Macron, naïf, a tenté de ramener Vladimir Poutine à la raison en 2022. Aujourd’hui, en 2024, il commence à comprendre… Il vaut mieux tard que jamais…
Que faire aujourd’hui ?
Être pacifiste comme les dirigeants européens l’ont été dans les années 1930 ? On a vu où cela nous a conduit : 55 millions de morts, tant de souffrances, tant de privations, tant de destructions….
Être pacifiste est une vertu très louable mais, à la condition que ce pacifisme soit lucide et réaliste.
Être pacifiste en s’abstenant d’agresser l’autre : parfait ! Celui qui écrit ces lignes l’est à 100%.
Mais le pacifisme béat de celui qui croit que l’ogre en face de lui ne l’agressera jamais n’est que pure irresponsabilité envers lui-même et envers ses semblables. Les Romains ne disaient-ils pas : « Si vis pacem, para bellum » ? (si tu veux la paix, prépare la guerre).
Pacifiste lucide et réaliste, celui qui écrit ces lignes a la profonde conviction que nos pays doivent urgemment se réarmer afin d‘être réellement plus forts que l’adversaire russe.
Durant les années 1930, le Maréchal Pétain, nommé ministre de la guerre juste après l’échec de la tentative de coup d’état d’extrême droite du 6 février 1934, a considérablement réduit le budget de son ministère : l’armée française, considérée comme « première armée du monde », a commencé à ne devenir qu’un leurre et… a été éventrée en quelques semaines par l’armée nazie hyper-équipée et hyper-entraînée…
Depuis des décennies, le budget consacré à la défense des pays européens n’a fait que s’amenuiser (1,25% du PIB en Belgique) au point qu’aujourd’hui, nos armées n’ont même pas suffisamment de munitions pour mener un combat de haute intensité durant…. 3 jours.
Nous devons donc rentrer, sans plus tarder, dans une « économie de guerre » pour que monsieur Poutine soit « collé au mur » et arrête définitivement ses actions impérialistes vu la force supérieure qui lui sera réellement montrée.
Cela ne pourra se faire qu’en coupant dans les budgets d’autres ministères. Et en cette matière, les options sont nombreuses.
Un politicien belge, triste descendant de ses ancêtres des années 1930, exprimait tout récemment sa réticence à pareille réorientation budgétaire en s’exclamant (probablement pour de basses raisons électoralistes) que cela ne pouvait se faire au détriment de la sécurité sociale. Un autre politicien, assis à ses côtés, lui a très justement rétorqué qu’en cas de disparition la sécurité de l’Etat, il ne pouvait même plus y avoir de sécurité sociale ! Il aurait pu ajouter qu'obtenir ou conserver sa liberté exige toujours des sacrifices, parfois celui de sa propre vie...
Nous devons être lucides et réalistes: il vaut mieux aujourd'hui payer le prix en euros que de le payer demain en vies perdues...
Nous devons mobiliser nos energies et moyens pour que les citoyens de nos pays d'Europe ne vivent pas demain sous la botte russe comme leurs parents et grands-parents ont dû le faire sous la botte nazie.
Celui qui, aujourd’hui, persiste à être un « bisounours » n’a rien compris à la réalité du monde dans lequel il vit.
Jean-Marie Collard
Humaniste épris de liberté
Professor Emeritus of Surgery at Université catholique de Louvain
10 moisCours magistral d'Histoire pour nos "politiques", à commencer par Macron dont les erreurs factuelles sont aussi nombreuses que les changements de cap. Ceci expliquant vraisemblablement cela. Comme Jean-Marie vient de le faire, le géant de Colombey aimait à secouer le cocotier de l'Histoire, espérant ainsi que la chute de noix éveille la conscience de quelques-uns. Quant au nain actuel de l'Elysée, il est comme la plupart des individus : arrogant par le verbe et décevant par le verbiage, étoile filante et poussière d'atomes! Alexandre Vialatte aurait ajouté : "Nous ne sommes que poussière. De là l'importance du plumeau". Luc Michel
Clinical Head Dpt Thoracic Surgery bij University Hospitals Leuven
10 moisVoici une analyse Juste et precise de la situation. Il est plus que temps de se reveiller Merci Jean-Marie pour cette belle lecon d’histoire