Les nerds sont-ils devenus les plus cool d’entre-nous ?
Dans “Small Talk”, son podcast pour Konbini, David Castello-Lopez pose une question récurrente à ses invités : au collège, étiez-vous du côté des gens cool, ou de l’autre ?
À travers son interrogation, il développe une théorie : il n’y a aucun autre moment dans la vie où il y existe une hiérarchie aussi stricte entre les “gens cool” et les autres.
Ce phénomène, la pop culture n’a cessé de nous le rappeler, de High School Musical au film “Les beaux gosses”.
Mais depuis quelque temps, les nerds **ont pris le lead : des nerds devenus stars aux stars qui revendiquent la culture nerd.
Finalement, les nerds sont-ils devenus les plus cool d’entre-nous ?
“Nerd”, d’où vient cette expression ?
Le mot “Nerd” apparaît pour la première fois dans un livre pour enfants, “If I Ran the Zoo", écrit par le Dr Seuss en 1950. Il nomme une créature imaginaire, avec un long nez et un gros cerveau.
L’utilisation du terme “nerd” n’est alors pas péjorative : on l’emploie pour décrire une personne intelligente, bien que socialement assez maladroite. Son usage évoluera dans les années 1960, pour décrire de manière plus générale les personnes passionnées par des sujets intellectuels ou techniques.
C’est en 1974 qu’on commence à lui associer une image plus péjorative. La série télévisée américaine “Happy Days”, qui met en scène une vision idéalisée de l’Amérique des années 1950, détourne sa définition pour désigner le contraire d’une “personne cool”.
À partir des années 1980, l’expression prend encore un nouveau tournant. Star Wars, Les Simpson, Zelda ou encore Super Mario Bros : le terme "nerd" est utilisé pour décrire les fans de science-fiction, de fantasy et de jeux vidéo.
La pop culture produit alors des personnages très stéréotypés et loin de l’expression initiale, à l’image de Jeff Albertson, le vendeur de bandes dessinées dans les Simpson : propriétaire de la boutique "Donjon de l'Androïde", atteint d'obésité, maladroit avec le sexe opposé et les autres en général, pas très porté sur l’hygiène, fan de science-fiction et de figurines Star Wars. Des caractéristiques très différentes, pas toutes négatives, pourtant reliées entre elles, accentuant une vision clairement moqueuse et décalée.
Les Nerds, ces précurseurs ?
À partir des années 1990 et 2000, l'avènement d'Internet et des nouvelles technologies a sonné le glas de la marginalisation des nerds. Leurs passions, plutôt intellectuelles et technologiques, autrefois cantonnées à des cercles restreints, ont soudain matché avec les nouveaux usages du grand public.
Et ce, notamment grâce à un terrain de jeu infini : Internet. Forums, blogs, puis réseaux sociaux : enfin, leurs moyens d’expressions sont devenus mainstreams. Et le reste a suivi, des jeux vidéo, à la science-fiction, en passant par les mangas et les comics.
Ces références dépassent alors ces cercles fermés pour gagner la société, comme le montre leur omniprésence dans les memes, peut-être l’une des plus grandes preuves de leur inscription dans la culture populaire.
Même évolution du côté des podcasts, apparus en 2004, qui ont longtemps traîné l’image d’un contenu de nerd. À l’image du Daily Source Code, considéré comme l’un des tout premiers podcasts, qui parlait d’actualités et tendances technologiques, mais aussi d’autres émissions centrées — une fois de plus — sur les jeux vidéo, la science-fiction ou les comics.
Mais, comme on l’avait déjà évoqué, le meilleur exemple reste les Youtubeurs et Streamers. Arrivés sur la plateforme avec les jeux vidéo, ces geeks d’antan sont devenus les Rois du cool. Pour beaucoup, comme Squeezie, ils réussissent même l’exploit d’être des fashions victimes invitées par Louis Vuitton, en même temps qu’ils streament sur Valorant.
Mieux : on leur confie les rênes d’événements mondiaux. Le dernier exemple en date est le streamer et “twittos” AmineMaTue, qui se retrouve à la tête de l’équipe de France pour la Kings Word Cup aux côtés de Neymar et Zlatan Ibrahimovic, un championnat de football à 7 organisé par Gérard Piqué. Bref, des streams sur GTA5 aux pelouses d’un stade au Mexique, un sacré chemin a été parcouru.
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Le nerd est-il encore un nerd ?
En 2021, 71 % des livres achetés avec le “Pass Culture” étaient des mangas. Aujourd’hui, “One Piece” est fièrement brandi comme l’ultime référence pour de nombreuses personnalités. Gigi Hadid, Sophie Turner et Megan Fox portent des t-shirts Star Wars. Kim-K, elle, porte carrément un t-shirt “I love Nerds”. Les influenceuses dominent le marché du podcast.
En quelques décennies, les nerds ont donc inversé la tendance. De la marginalisation à la consécration, ils ont non seulement su imposer leurs passions à la société, mais ils en sont devenus les nouveaux héros. Mais si tout le monde est un peu nerd, y a-t-il encore des nerds ?
Autrement dit : les nerds sont-ils devenus cool, ou les "cool kids" ont-ils pillé la “culture nerd” ?
La première hypothèse sous-entend donc que les nerds sont des précurseurs, ayant patiemment attendu que leurs hobbies de niche, que pouvaient être notamment les mangas, les jeux vidéo et la science-fiction, soient finalement devenus des “marqueurs de coolitude”.
La seconde induit qu’être nerd est avant tout un style, qui correspond à des codes vestimentaires et sociaux, à des postures et des aspirations définies.
Comme souvent, la vérité se trouve certainement au milieu.
Les personnes “cool”, influenceurs et marques dominantes sont bel et bien dans une perpétuelle recherche de nouvelles tendances, allant puiser dans les sujets de niches pour en faire des éléments de distinction. Ainsi, ils ont pu s’approprier des images stéréotypées de la “culture nerd” pour en faire un produit marketing, un objet de tendance.
Mais si cette culture a peu à peu infiltré la société dans son ensemble, ça ne veut pas dire que les nerds ont disparu. De Zelda aux podcasts, ce qui façonne cette culture n’a cessé d’être en mouvance. Et, à travers ces évolutions, les nerds continuent de cultiver ce qui fait leur identité : une passion immense pour certains domaines d’intérêts, et non des codes vestimentaires ou sociaux.
Ainsi, à ceux qui passeront dans Small Talk : vous pourrez désormais répondre à David Castello-Lopes que c’est parce que vous étiez avec les nerds du collège que vous êtes cool.
Et ainsi rajouter que tant que certains cultiveront leur différence et leur passion pour les sujets techniques et intellectuels, il y aura nerds. Peu importe si Gigi Hadid porte un t-shirt Star Wars.
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