Les nouvelles mesures d’urgence en Droit du Travail
Les députés ont adopté, le vendredi 15 mai 2020, le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19. Parmi les modifications apportées par les députés, l'abandon d'ordonnances au profit de dispositions directement insérées dans le projet de loi, notamment en matière de CDD, d'activité partielle, d'intéressement et de budgets du CSE.
Le députés ont achevé l'examen en première lecture en séance publique du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid. Alors que le texte contenait un nombre très important d'ordonnances, il a été décidé d'inscrire "dans le dur" certaines règles d'urgence. C'est notamment le cas pour des dispositions du droit du travail.
ADAPTER CERTAINES MODALITÉS DU RÉGIME DES CDD AU NIVEAU DE L'ENTREPRISE
Première mesure : les entreprises pourront assouplir certaines des modalités du régime des CDD et des contrats de mission. Rappelons que les ordonnances Travail du 22 septembre 2017 avaient sanctuarisé ce sujet au niveau des branches, permettant aux entreprises d'aborder cette thématique à la seule condition de prévoir des garanties au moins équivalentes que celles prévues par les accords de branche. Avec ce texte, le gouvernement permet de déroger à cette règle jusqu'à la fin de l'année.
Ainsi, "afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19" et ce, pour les contrats conclus jusqu'au 31 décembre 2020, une convention d'entreprise pourra :
- fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée. Le texte rappelle que ce nombre ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (les CDD conclus en application de l’article L.1242-3 du même code visant à favoriser le retour sur le marché du travail des demandeurs d'emploi ne sont pas visés) ;
- fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux CDD ;
- prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.
S'agissant des contrats de mission, un accord d'entreprise conclu au sein de l'entreprise utilisatrice pourra :
- fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de mission. Le texte rappelle que ce nombre ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ;
- fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats ;
- prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.
Le projet de loi précise bien, noir sur blanc, que les dispositions de ces accords d'entreprise prévaudront sur celles des accords de branche couvrant un champ territorial ou professionnel plus large ayant le même objet.
Le gouvernement justifie cette mesure afin de permettre de "prolonger des relations de travail qui n'ont pas pu se dérouler dans les conditions attendues du fait de la suspension des contrats, notamment en raison du recours à l'activité partielle", et de la nécessité de "maintenir au sein de l'entreprise les compétences indispensables à la reprise de l'activité".
PROLONGER LES PARCOURS D'INSERTION EN CDD
Toujours en matière de CDD, le projet de loi permet de conclure ou de renouveler les contrats d’insertion (CUI, CDDI et contrats de mission des ateliers et chantiers d’insertion, entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion et CDDT des entreprises adaptées) au-delà de 24 mois, en plus des dérogations déjà existantes, et dans la limite totale d’une durée de contrat de 36 mois.
S'agissant des contrats d'insertion, les aides afférentes seront prolongées d'autant.
S’agissant du CDD tremplin, dont l'expérimentation a été prévue par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, il est bien précisé que la prolongation des contrats de travail jusqu’à 36 mois ne doit pas conduire à dépasser celle de la durée prévue de l’expérimentation, soit le 31 décembre 2022.
Le gouvernement justifie cette mesure dérogatoire par la nécessité, dans la période de crise actuelle, de maintenir les contrats de salariés en parcours d’insertion afin "d'éviter une exclusion durable du monde du travail en maintenant un lien avec l’employeur qui peut poursuivre son action d’accompagnement et de formation dans l’attente de la reprise d’activité".
Ces mesures sont applicables à compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
OUVRIR DES DROITS À LA RETRAITE POUR LES SALARIÉS EN ACTIVITÉ PARTIELLE
Le projet de loi acte l'engagement pris par la ministre du travail d'ouvrir des droits à la retraite pour les salariés placés en activité partielle au titre des périodes correspondantes dans le régime général et le régime des salariés agricoles sous la forme de périodes assimilées, financées par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Il est précisé que - s'agissant des salariés des régimes spéciaux - le dispositif sera adapté par voie règlementaire. Cette mesure s'appliquera aux périodes de perception de l’indemnité horaire d'activité partielle à compter du 1er janvier 2020 pour les pensions de retraite prenant effet à compter de la publication de la loi.
PERMETTRE AU CSE D'UTILISER UNE PARTIE DE SON BUDGET DE SON FONCTIONNEMENT POUR LES ASC
Le projet de loi permet - à titre exceptionnel et jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire - au comité social et économique de décider par une délibération de consacrer une partie inférieure ou égale à la moitié de son budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles.
Il s'agit - est-il précisé dans l'exposé de l'amendement - "d'apporter un soutien matériel supplémentaire aux salariés".
METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF D'INTÉRESSEMENT PAR DÉCISION UNILATÉRALE DANS LES TPE
L'article L.3312-5 du code du travail prévoit que les accords d'intéressement sont conclus selon l'une des modalités suivantes :
- par convention ou accord collectif de travail ;
- par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;
- par accord conclu au sein du comité social et économique ;
- à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet d'accord proposé par l'employeur. Lorsqu'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.
Par dérogation, le projet de loi permet aux entreprises de moins de 11 salariés, dépourvues de délégués syndicaux ou de membres élus de la délégation du personnel du CSE, de mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de la décision.
Cette décision unilatérale vaudra accord d'intéressement.
L'entreprise devra en informer les salariés par tous moyens. Au terme de la période de validité de la décision unilatérale, le régime d’intéressement ne pourra être reconduit dans l’entreprise concernée qu’en empruntant l’une des modalités précitées prévues par le code du travail.
Ecrit par Laurent Guyon, Directeur du Pôle Conseil en droit Social, cet article est paru dans le Flash social du mois de mai 2020.
Pour en savoir plus sur nos modalités d'accompagnement en matière sociale
>> S'abonner au Flash social, lettre d'information mensuelle du département social du Groupe SFC <<