LES OBLIGATION DE L'ASSUREUR EN CAS DE SINISTRE
AVANT PROPOS Suite à un sinistre, l´assureur est tenu d´agir dans des délais raisonnables pour manifester clairement son intention de garantir l´assuré ou au contraire de refuser de le couvrir en totalité ou partiellement. Les explications des avocats du cabinet Deriennic : François-Pierre Lani (photo) et Arnaud Hamon, article du 26/02/2003.
Chacun le sait : une fois le sinistre survenu, le temps joue contre l´assuré. Une déclaration tardive et c´est le risque de voir sa garantie s´évaporer. Mais l´assureur est lui aussi tenu d´agir dans des délais raisonnables. A défaut, ce silence gardé par l´assureur peut être sanctionné par les juges sur le fondement d´un manquement à l´obligation de loyauté à l´égard de l´assuré. Il ressort de la législation et des usages de la profession que l´assureur, dès lors que le sinistre s´est réalisé (quel que soit sa nature) et qu´il est averti, est tenu de mettre en mouvement, dans un certain délai, un processus actif aboutissant à donner une réponse à la demande de prise en charge formulée par l´assuré. En matière de responsabilité professionnelle, l´article L.113-5 du Code des assurances dispose que "lors de la réalisation du risque ou à l´échéance du contrat, l´assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà".
Cela étant, qu´advient-il du contrat et des obligations de l´assureur en l´absence de délai convenu par les parties et a fortiori, lorsque l´assureur s´abstient de formuler une prise de position alors qu´il a reçu la déclaration de sinistre de son assuré ? L´absence d´un délai de réponse dans le contrat d´assurance ne dispense nullement l´assureur de son obligation d´indiquer à l´assuré sa position au regard de son obligation générale de loyauté dans l´exécution contractuelle, obligation de loyauté marquée par des exigences de sérieux, de diligence et de célérité.
L'obligation de loyauté découle de 2 principes
1) Le principe "d´équilibre contractuel" impliquant l´existence d´une contrepartie pesant sur l´assureur face aux nombreuses obligations à la charge de l´assuré (déclaration dans des délais, forme de la déclaration?) : celle d´indemniser la victime lors de la réalisation du risque.
2) Le principe issu de l´article 1134 alinéa 3 du Code civil rappelant que les conventions "doivent être exécutées de bonne foi".
3) Véritable principe d´exécution, la bonne foi exige que chaque partie exécute ses obligations loyalement, c´est-à-dire en donnant à sa prestation la plus grande efficacité possible. Adopter une attitude loyale dans l´exécution du contrat signifie pour chaque partie "l´obligation d´avoir à l´égard de l´autre un comportement qui ne puisse lui nuire" (Sent. CCI, rendue en 1975, JDI 1976 p.989, décision arbitrale en droit du commerce international). Or, en ne formulant aucune réponse à l´assuré, ni même un refus ou une réserve, l´assureur peut se voir reprocher une faute contractuelle au regard de son devoir de loyauté vis à vis de l´assuré dans la mise en oeuvre du processus d´indemnisation.
4) Cette faute - l´absence de réaction -, la Cour de cassation la sanctionne fermement par la condamnation de l´assureur déloyal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi par l´assuré, dont le montant a même été fixé à la somme des indemnités qui auraient dû être allouées (Civ.1ère 26 nov.1996, Bull.1996 I n°415, p.288).
Un silence malicieux
La Cour est allée jusqu´à qualifier de "silence malicieux" cette attitude de refus de l´assureur de communiquer son intention (garantie ou refus de garantie), estimant que le seul objectif de ce comportement était d´échapper à ses propres obligations, tout en laissant croire à l´assuré que l´instruction de son sinistre se poursuivait normalement (Civ.1ère 26 nov.1996 préc. Civ.1ère 28 octobre 1991, n°88-14.410 Bull. I, n°282 : sanctionnant le comportement d´un assureur qui avait fait traîner un dossier en longueur afin d´invoquer la prescription biennale).
La Cour de cassation a par ailleurs déclaré justifiée la décision d´une cour d´appel fondée sur la responsabilité contractuelle de l´assureur, la juridiction d´appel ayant jugé que l´assureur avait commis, dans l´exécution de ses obligations à l´égard de son assuré, une négligence dont il doit réparation. En l´espèce, l´employé de la compagnie d´assurance avait reçu la déclaration de sinistre par téléphone et avait, par la suite, oublié de l´enregistrer dans les délais convenus. Ce faisant, la cour d´appel a condamné l´assureur non à la prise en charge du sinistre par le jeu de la garantie stipulée dans la police, mais à l´indemnisation du dommage causé par sa faute (Civ.1ère 6 déc.1994, Bull 1994 I n°358, p.258).
En conclusion, les juges se livrent donc à une analyse de la conduite individuelle de l´assureur. Si celle-ci révèle une volonté délibérée de se soustraire à un engagement et de refuser le "jeu contractuel", l´assuré, arguant du comportement déloyal de son assureur à son encontre peut rechercher sa condamnation au paiement de dommages et intérêt d´une somme équivalente aux indemnités qui seraient normalement dues.