Les pièces du procès de l'Entreprise libérée
J'ai donc été appelé à la barre en tant que Commissaire pour donner les résultats de mon enquête sur l'entreprise libérée.
Ce procès est un hommage au Tribunal des flagrants délires et doit donc s'apprécier comme un moment partagé d'humour juridico-desprogeo-rabelaisien.
Je me présente commissaire des renseignements spéciaux actuellement en mission d’infiltration chez les Sons of Holocracy.
J'en ai vu des affaires mais celle-ci est bien nauséeuse alors qu'elle nous parle pourtant de bonheur et liberté.
Permettez au commissaire que je suis de s’exprimer librement.
« On rêvait tous de liberté », j’ai du lire ce roman sur la liberté des bikers ,qui finit mal, afin de mieux endosser mon rôle. Pour l’entreprise libérée je m’étais farci la tête d’une bible de 700 pages pleine d’emphase et grandiloquence sur l’entreprise rêvée. Le premier je l'ai gardé comme livre de chevet, le second a remplacé nos bottins au commissariat qui commençaient à être trop légers.
Bon c’est moins glorieux que de vivre en marge de la société avec ses propres codes au rythme de sa Harley sur la route mais l’objectif c’est que ça puisse donner envie aux opprimés du process et du reporting de jouer les rebelles.
Le manager ce serait un peu, pour nos accusés, le flic vicieux qui cherche à t’empêcher de vivre ton rêve, de tracer ta route en te parlant de la taille de ta plaque minéralogique ou du bruit de tes échappements.
Je parle du roman bien sûr car moi Monsieur le Président je suis un bon flic, honnête et droit !
Bon je m’égare…
Bref à la demande du procureur j’ai parcouru le dossier des accusés, les mails vengeurs a destination des non croyants et les témoignages des victimes tout en me disant que la ficelle était trop grosse.
C’était sans compter sur l’envie d’aventure des esclaves du clavier au bureau ou des machines de l’atelier.
Ces libérateurs sont les nouveaux camelots, les magnifiques marabouts qui guérissent tout et qui vendent non pas ce qu’ils ont ou savent faire mais ce que les gens attendent. Du bonheur pour les uns, moins de turn-over pour les autres et des livres et conférences pour eux.
Nous les beaux parleurs on connaît ça. Ils sont tellement forts que les plus faibles se retrouvent à donner leur argent ou leur corps par confiance et par espoir d’une nouvelle vie.
Oui...un flic ça peut être tendre…
Hé bien désolé mais les escrocs et les proxénètes ils font rarement dans les bonnes œuvres ni les posters de mère Theresa.
Bon bref...je m’égare mais revenons à notre affaire !
J’ai donc travaillé dans une entreprise libérée pour comprendre si tout ça n’était pas que rumeur pour sabrer leur mignon petit bonheur à ces braves penseurs pansement.
Au début c’était sympa on m’a expliqué que tout le monde avait son mot à dire, qu’on était libre et autonome même pour son temps de travail ou pour organiser sa journée.
3 jours plus tard des collègues sont venus m’expliquer que j’étais libre de partir à 17H mais comme le travail n’était pas fini eux devaient continuer jusqu’à 19H.
Bon moi j'avais les rapports à me coltiner et les autochtones à fréquenter donc pas possible ces heurs de bagnards.La semaine suivante ils me faisaient tous la tronche car j’avais refusé de revenir le samedi matin pour aider à répondre à une production urgente pour un client important.
Au bout de 10 jours, le grand chef m’a appelé, toujours gentil avec sa main sur mon épaule et ses yeux doux. J'avais comme envie de me gratter derrière l'oreille ou lui donner la patte. Il m’a dit c’est dommage j’avais confiance en toi mais les autres se plaignent de ton comportement... et là il m’a alors donné tous les horaires, le temps de pause, le nombre de pièces produites,de clients servis.
J’étais loin de la moyenne…. "Ah ok mais j’ai respecté les horaires du contrat de travail chef"… Il m’a regardé comme un enfant un peu attardé mais avec bienveillance pour me dire que c’était mieux que je parte avant d’être rejeté par le collectif vu mon manque de solidarité.
Ca tombait bien, même si ma mission était de 15 jours, j’avais déjà assez de témoignages de managers zombies cherchant leur place et rongés par le doute du lendemain, de collègues qui une fois au café derrière une bière confiaient que c’était pire qu’avant mais sans boulot à moins de 50 kilomètres pas le choix. Quant au seul syndicaliste lui il souriait mais marchait tout de travers vu les médocs qu'il s'enfilait à voir son troupeau sans queue ni tête.
Bref... j'ai été viré.
J’ai été marqué par ceux qui faisaient marcher la combine… ils sont de deux ordres :
Ceux qui sont en bas de l’échelle, et là vous trouvez des victimes parmi
- ceux qui ont des salaires à pleurer et qui ne seront pas augmentés,
- ceux qui ont un boulot bête à meugler alors qu’ils voudraient chanter
- et tous ceux qui se disent on vaut mieux que ça.
Pour ceux qui dirigent c’est plus compliqué car on peut avoir
- des illuminés de tout horizon qui hier marchaient sur les braises et demain tomberont dans le Mindfullness ,
- des vrais gentils
- des malins qui ont bien compris que tout cette histoire c’était plus de profit avec du vent
Dans mon cas c’était un caméléon formé de tout cela, tout aussi moche mais moins rigolo car sans les couleurs sympas de la bestiole.
Tous les salariés à libérer ça en fait du monde, des tickets à vendre, des livres à imprimer, des personnes à conseiller donc de sacrés mobiles pour libérer le droit de virer les trop payés avec managers en tête, les non croyants dans la liberté accordée, les résistants.
Au final ça en fait aussi des gus déprimés, des gars virés, des vies brisées ou des parcours à réorienter pour le bonheur de quelques-uns.
Alors le vice finalement il est parfois moins dans le poing américain que dans la manipulation psychologique et on est bien plus libre sur la route que derrière son établi ou son ordi.
Bon faut pas chialer non plus Messieurs dames ça a permis à certains de rêver qu’ils pouvaient travailler libre. Ca a été leur petit moment de bonheur comme Lulu La Nantaise au 25 de la rue St denis qui me raconte ses malheurs et ce qu’elle fera avec l’argent qu’elle planque quand je lui rend visite.
Mais je suis un bon flic moi hein… Lulu c’est juste une indic !
@vinceberthelot
Conseil RGPD, Change management et Sécurité
8 ansEnormissime ! Monsieur fait dans le San Antonio d'Entreprise. L'enquête a mal tourné mais c'est normal. Il y a tout pour trouver le criminel mais personne n'a déclaré la disparition. Du coup, on va changer les règles comme cela on sera au courant de la disparition. Enfin, c'est ce qu'on dit.