Les pieds dans le plat de la méthode scientifique

Les pieds dans le plat de la méthode scientifique

Avant, il y avait la génération spontanée. Avec Pasteur et Koch, il y eu les microbes que l’on différencie aujourd’hui et principalement en bactéries et virus. Il y a donc des agents pathogènes a priori, qui vont rendre les gens malades.

Avec la crise du COVID-19 il y a les hérétiques et les orthodoxes. Commençons par les premiers dont le représentant majeur actuel est le professeur Raoult, pasteurien s’il en est. En effet, un malade lui étant présenté, il teste la charge virale, en déduit selon le cas si le patient est ou non contaminé et donne un traitement. L’efficacité de ce dernier est jugée à l’aune de la décroissance de la charge virale ainsi qu’à sa dérivée par rapport au temps, c’est-à-dire sa vitesse de décroissance comparée à un malade n’ayant pas eu le traitement.

Passons aux orthodoxes. On prend deux cohortes de caractéristiques statistiques identiques et avec les mêmes effectifs. A la première cohorte on donne le traitement. A l’autre on donne un placébo. On compare les résultats entre les deux cohortes pour voir si le traitement a eu un effet significatif par rapport à pas de traitement.

Ces deux camps aujourd’hui sont diamétralement opposés et disent que leurs méthodes sont incompatibles. Celle des orthodoxes serait scientifique quand celle des hérétiques ne le serait pas. Pourtant, regardons de plus près le protocole des hérétiques. Le seul écart avec l’autre est la mesure de la décroissance de la charge virale non avec des cohortes normalisées, mais en tenant compte de l’expérience du médecin et de son appréciation. En particulier quand on sait que pour le COVID-19 la charge virale des patients non traités reste au moins 20 jours, si on arrive à la faire baisser en 6 à 8 jours, on peut raisonnablement en conclure à l’efficacité du traitement. Les cohortes dans un tel cas ne sont pas formelles, mais elles sont sous-jacentes et cela devrait suffire dans beaucoup de cas et en tout cas quand il y a urgence, ce qui est précisément le cas.

La dispute est donc quelque peu picrocholine, même si cela n’empêche pas les deux camps de sérieusement se critiquer voire de se faire la guerre.

Pourtant, comme nous sommes en médecine, je voudrais faire valoir une faille béante dans ce domaine scientifique et sa méthode que je trouve absolument archaïque et inefficace. En fait, elle relève, a priori, de gens qui n’ont pas vraiment réfléchi aux vrais problèmes et qui ont simplement voulu « fourguer » quelques mathématiques pour faire bien et monter un business. D’ailleurs, combien coûte une expérimentation aujourd’hui ?

Il y a une erreur à l’origine de tout cela et elle date, car elle remonte à l’époque de Pasteur. Que disaient les anti-pasteuriens à l’époque ? En réalité, ils avaient constaté que les bactéries qui rendaient certaines personnes malades ne faisaient rien à d’autres. Pour eux, la question relevait donc du milieu voire de l’état général du patient et non de la bactérie, qui n’était pas nécessairement pathogène. Les succès de l’hygiène pasteurienne ont été tels que l’on a oublié ce que disaient les détracteurs. Ils n’avaient peut-être pourtant pas complètement tort. On le voit d’ailleurs avec le COVID-19 qui tue, principalement, ceux qui sont déjà en mauvaise santé et beaucoup manifestement contracteraient le virus sans même en avoir quelque symptôme que ce soit.

Avant d’attaquer la racine du problème, parlons d’homéopathie, discipline qui a été officiellement déclarée être une supercherie au niveau européen en 2019. Pour ce faire, des tests ont été faits selon la méthode orthodoxe, en double insu et n’ont rien donné. On en a donc tiré la conclusion qui s’imposait. Néanmoins, faire ces tests, et je m’approche là de mon propos principal, a constitué une erreur épistémologique. En effet, l’homéopathe ne considère pas la maladie, mais le malade. Ce simple fait change la donne. Rappelez-vous la méthode de test. On a une maladie et on teste un traitement. Le problème est alors le suivant. L’homéopathe ne combat pas la maladie, il s’occupe du malade et va essayer de le ramener d’un milieu faible à un milieu fort pour reprendre d’un peu loin la terminologie des anti-pasteuriens. Il est dès lors évident qu’il n’y a aucune raison pour des symptômes identiques, que deux malades nécessitent le même traitement. En conséquence, faire les tests en double insu pour valider ou non l’homéopathie est un non-sens scientifique. Cela n’a pas néanmoins empêché ceux qui se drapent aujourd’hui de la pureté de la méthode orthodoxe de commettre ces essais et d’en tirer de fausses conclusions, ou, tout au moins et tant que l’on applique la logique formelle, des conclusions sans aucune portée puisqu’à partir d’une prémisse fausse on peut conclure n’importe quoi.

Passons alors au plat de résistance. Chaque personne est unique et même s’il peut y avoir des effets statistiques, ce que vise et a visé la science pasteurienne, ce n’est quand même pas l’Alpha et l’Oméga de la science, fort heureusement. On voit poindre d’ailleurs, dans nos temps modernes, des thérapies géniques qui, sans être complètement individuelles pour l’instant, ouvrent une voie vers des traitements personnalisés. Comment alors définir une méthode scientifique pour une médecine visant à soigner des individus aux propriétés uniques ? Très simplement en utilisant la théorie des systèmes. Une personne est un système que l’on doit modéliser. Il est bien entendu illusoire d’avoir une modélisation parfaite. Il est seulement question d’avoir une modélisation fiable et qui explique pourquoi le système dysfonctionne et comment de telle manière à avoir un diagnostique fiable et un remède efficace. Il n’y a dans un tel cas plus de tests en double insu qui vaillent. Le seul type de tests que l’on pourrait faire et l’on s’est bien gardé de faire avec les homéopathes, c’est de prendre 2 cohortes de même type et de regarder une première cohorte traitée, mais pas nécessairement de manière uniforme avec une cohorte de gens non traités. On voit alors que l’on teste bien moins la capacité de telle ou telle substance, mais bien la qualité du médecin à diagnostiquer et comprendre ce qui se passe réellement.

C’est cette médecine qu’il faut mettre en place au vingt et unième siècle, celle qui va nous faire passer de l’ère de la pharmacie à celle de la médecine.

Citons, pour finir, un cas édifiant. Pour ceux d’entre vous qui ont consulté un ostéopathe, peut-être aviez-vous une pathologie qui concernait, disons, votre dos et vous aurez constaté de la part du praticien un travail sur vos pieds. C’est cela l’approche système. Aujourd’hui, hélas, en priorité, un médecin cherche d’abord à vous soulager la douleur, pas à en soigner la cause, quand c’est trop grave, il est bien obligé d’essayer de soigner la cause, mais si vous avez mal à la tête alors que cela vient des pieds, vous êtes très mal barré !

philippe lemercier

Chargé de mission chez Conseil général de l'armement

4 ans

Mythes et dogmes et rentes des systèmes vs expérimentation et systémique du pragmatisme... Merci Jean-Francois Geneste pour cette bouffée d’air vivifiante. Une petite interrogation, les Académies, Collèges, Instituts et Ordres divers, que l’on a pas ou très peu entendus ne seraient-ils pas devenus des lieux où l’on cultive l’ego, l’image ?Loin du terrain, de l’expérimentation, connectés au virtuel, déconnectés du terrain, ils conduiraient à normaliser plutôt que vivifier la recherche... La recherche fondamentale ne peut être fertile que si elle est foisonnante. Et si l’on arrêtait d’entretenir un système sclérosant ? Je suis certain que vous avez un avis autorisé !

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